Elle partageait la vie de Berger Agathe, au moment où ce dernier s’est écroulé sous les balles des forces de l’ordre, à proximité du rond-point du portfranc, à Roche-Bois, le 22 février 1999. Marthe Pelletier, 64 ans, nous a ouvert la porte de la modeste maison qu’elle a occupée avec le chanteur durant trois ans, au cœur de Batterie-Cassée.

Son regret, 20 ans après, c’est qu’aucun effort n’a été fait à ce jour en mémoire à son compagnon qui a évolué au sein des groupes Ovajao et Zotsa. «Berger est enterré au même cimetière que Kaya mais on arrive à peine à distinguer sa tombe. C’est tout comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Je demande simplement qu’on puisse relever sa tombe», soutient-elle.

Marthe Pelletier se souvient encore de la dernière conversation qu’elle a eue avec sa moitié. C’était le 21 février au soir. «Zour li pé alé, mo dir li kot to pé alé Berger dan sa bann zafer-la. Li répon mwa li bizin alé. Kaya so frer sa. Li bizin al partisipé, al fer la pé», se rappelle-t-elle.

Sauf qu’à la mijournée le lendemain, elle reçoit une nouvelle qui allait chambouler le cours de sa vie. «Ma nièce qui habite Roche-Bois m’a appelée pour m’annoncer que Berger a été touché suite à des coups de feu. Je me suis rendue sur place et comme aucun véhicule ne pouvait circuler à cause des barrages, des volontaires ont transporté Berger au dispensaire de la localité.»

62 Chevrotines

«Mais jamais n’auraije cru qu’il allait mourir et ceux présents à ce momentlà entonnaient sa chanson Zom ki fin (pena nanyen pou kwi).» Ce n’est que six heures plus tard, soit à 18 heures, que Berger Agathe, portant de multiples blessures à l’estomac et à l’abdomen, a été conduit à l’hôpital Victoria. Il avait déjà rendu l’âme.

C’est le travailleur social Lindsay Morvan qui a par la suite transporté la dépouille de Berger Agathe de l’hôpital à Batterie-Cassée, à bord de son 4x4, le lendemain, le 23 février 1999. «Comme la veille, je me trouvais avec d’autres personnes à Roches-Bois pour essayer de calmer les émeutiers. Un policier m’avait appelé le soir pour m’annoncer le décès de Berger Agathe. Puis, il m’a demandé si je pouvais venir chercher le défunt puisqu’elle n’allait pas pouvoir accéder à la maison du chanteur», explique Lindsay Morvan.

Ce dernier a accepté et s’y est rendu avec son épouse, l’un des frères de Berger Agathe et un médecin le lendemain. «Sur place, après l’autopsie (NdlR, pratiquée par le Dr Satish Boolell), on a appris que 62 chevrotines ont été extraites du corps de Berger Agathe», raconte Lindsay Morvan.