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Palmar Ltée: une rencontre avec Callichurn souhaitée ce samedi
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Palmar Ltée: une rencontre avec Callichurn souhaitée ce samedi
Des visages fermés. Des coups de gueule contre la direction. Cette larme qui coule sur le visage d’une mère de famille. Des discussions animées. Plus de 1 300 employés des deux usines de la famille Lagesse, nommément Palmar Ltée et Tee Sun, sont passés par toutes les émotions imaginables en l’espace de quelques heures, hier, vendredi 22 février, à Rivière-du-Rempart. Ils ont pris d’assaut la route principale de Mon-Loisir, ne comprenant pas pourquoi la direction leur a interdit l’accès à l’usine. D’ailleurs, ils ne digèrent pas que la direction ne les a pas officiellement informés qu’elle arrêtait ses activités hier.
«Nous avons travaillé jusqu’à 17 heures jeudi», confie Beebee Azmah Mugrah. Cela fait plus de trente ans que cette dernière est employée par la société Palmar Ltée, à Mon-Loisir. «Il nous est souvent arrivé d’avoir notre salaire avec des jours de retard mais jamais je n’aurais pensé que la direction allait me laisser tomber.»
Elle fêtera ses 62 ans en mai. Beebee Azmah Mugrah a certes envisagé de prendre sa retraite. Mais par la force des choses, elle doit revoir tous ses projets. «Je me suis retrouvée veuve à l’âge de 32 ans. Et j’avais quatre enfants à nourrir. La vie ne m’a pas fait de cadeau.» Mais elle n’a jamais baissé les bras.
Pour Cheng, c’est le nom des Lagesse qui l’a poussé à prendre de l’emploi à Mon-Loisir. «Avec un tel patronyme, je ne pensais pas que j’allais me retrouver sur le carreau du jour au lendemain. Et dire qu’hier, (NdlR, jeudi), certains de mes collègues ont travaillé jusqu’à 21 heures. Quand j’ai vu qu’on mettait des scellés sur les portes, je ne pensais pas que le pire allait arriver.»
Le salaire de février sera perçu
Le manque de communication a engendré une manifestation. Jusqu’à ce que, dans une correspondance verbale, la firme BDO annonce que cinq employés sont attendus à son siège, à Port-Louis, pour une discussion.
Après une attente de plus de deux heures, les représentants reviennent penauds : «La bonne nouvelle, c’est que nous allons percevoir notre salaire de février d’ici le 4 mars. La semaine prochaine, chaque employé obtiendra une lettre de la compagnie. Grâce à celle-ci, le travailleur pourra obtenir un mois de salaire mensuellement suivant le workfare programme mais qui sera annulé une fois que nous obtiendrons un autre travail. La somme que nous percevrons sera inférieure à notre salaire mais les modalités n’ont pas encore été finalisées. Mais, nous perdons notre temps de service car l’usine n’a plus d’argent.»
Cette annonce a l’effet d’une bombe. Les employés présents n’hésitent pas à crier leur frustration. Révoltés, ils veulent s’en prendre aux policiers présents. Il a fallu plus d’une trentaine de minutes pour que le calme revienne.
À ce jour, 1 318 travailleurs, dont 904 Mauriciens, ont été licenciés. Ils comptent se rendre au bureau du travail, lundi, et veulent aussi rencontrer le ministre de tutelle. La plupart devraient également rencontrer le syndicaliste Fayzal Ally Beegun le même jour pour connaître la marche à suivre dans leur combat pour obtenir la rémunération de leur temps de service. L’on apprend que la société Palmar Ltée devrait décaisser pas moins de Rs 22 millions en termes de compensation.
Histoire d’une fermeture
Afsar Ebrahim n’a pas pu sauver Palmar Ltée. Nommé Receiver-Manager par la MCB le 7 février dernier pour administrer l’usine, le Deputy Group CEO de BDO est arrivé à la triste conclusion hier matin : les deux unités de Palmar Ltée doivent cesser leurs opérations. Décision difficile avec à la clef un drame humain pour quelque 1 300 employés qui se trouvent subitement sur le pavé.
Certes, il n’y a pas mille raisons pour justifier la fermeture de Palmar Ltée, vieille de 30 ans. L’usine est symptomatique du sort de nombreuses entreprises textiles : endettement massif, coût de production élevé, produits peu compétitifs face à nos compétiteurs asiatiques et méditerranéens et absence de liquidités pour la trésorerie. «Il est évident que face à une combinaison de tous ces facteurs, il y a très peu d’entreprises qui pourraient y faire face et survivre», soutient Afsar Ebrahim qui se dit attristé d’avoir à prendre une telle décision.
Palmar Ltée, qui opère deux unités, à Rivière-du-Rempart et à Flacq, croulait sous des dettes. L’entreprise brassait un chiffre d’affaires de seulement Rs 30 millions mensuellement alors qu’elle avait besoin de Rs 50 millions pour avoir la tête hors de l’eau. Parallèlement, le propriétaire de cette usine, Thierry Lagesse, avait déjà injecté, selon Afsar Ebrahim, à des intervalles réguliers, plus de Rs 500 millions dans les fonds propres de la société et ce dans une tentative de redresser financièrement l’entreprise familiale.
«Il est évident que tous ces investissements sont irrécupérables car les actifs, sous forme d’équipements de Palmar Ltée, tels qu’ils se présentent actuellement, ne valent pas plus de Rs 20 millions», souligne une source proche du dossier. Et d’ajouter que même le prêt de Rs 450 millions accordé à Palmar Ltée par la MCB, et pour lequel l’institution bancaire a nommé Afsar Ebrahim, sera difficilement recouvrable.
Comme on peut s’y attendre, les dommages collatéraux ne se limitent pas aux principaux créanciers qui sont généralement des institutions bancaires mais s’appliquent également à d’autres opérateurs qui dépendaient indirectement de la présence de cette usine pour fructifier leur business. «Il y aura sans doute des effets multiplicateurs négatifs sur les régions autour desquelles Palmar Ltée avait une influence. Je pense aux marchands ambulants, aux boutiques du coin ou encore aux petits commerces dans la périphérie de cette usine. Palmar Ltée faisait rouler leurs activités commerciales et apportait un certain développement dans la région. Désormais, ce ne serait plus le cas», explique Afsar Ebrahim.
À la Mauritius Export Association, la fermeture de Palmar Ltée, couplée aux implications sociales avec le chômage technique de quelque 1 300 employés dans le secteur textile est suivie de près. Un de ses membres, opérateur du textile, qui a voulu garder l’anonymat, estime qu’à la base de cette situation, il y a forcément la question de productivité. Malgré la hausse salariale dans ce secteur avec l’avènement du salaire minimal en janvier 2018, soit près de Rs 9 000 mensuellement, la productivité, dit-il, n’a pas suivi. Il note qu’en un peu plus de dix ans, soit de 2007 à 2016, les employés du secteur manufacturier ont bénéficié d’une compensation salariale moyenne de 5,7 % annuellement. Or, les gains de productivité n’ont pas suivi au niveau de la main-d’œuvre, progressant à seulement 3,5 % en moyenne adurant la même période. Du coup, les spécialistes de ce secteur n’écartent pas l’idée que d’autres entreprises du textile soient mises en «receivership».
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