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Thierry Lagesse: «Le salaire minimum est une mesure nécessaire à tout pays qui veut avancer»
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Thierry Lagesse: «Le salaire minimum est une mesure nécessaire à tout pays qui veut avancer»
L’ex-patron du groupe Palmar revient, dans ce deuxième et dernier volet de son interview, sur la problématique du salaire minimum, pour soutenir que c’était une mesure nécessaire pour faire avancer le pays socialement. Pour éviter d’autres Palmar, Thierry Lagesse plaide en faveur d’une aide financière à l’exportation de l’État. Après cet épisode, il espère retrouver la fibre pour entreprendre car «l’entreprise fait partie de (son) ADN».
La publication du premier volet de votre entretien, le mercredi 6 mars, a soulevé de nombreuses réactions. Souhaitez-vous y répondre ?
Oui. J’aimerais avant tout soulever un point important car il relève de la morale : je n’ai jamais voulu remettre en question la justesse sociale de l’instauration du salaire minimum. C’est une mesure nécessaire à tout pays qui veut avancer socialement et le gouvernement a eu raison de la mettre en place. Malheureusement, dû au contexte économique mondial extrêmement concurrentiel, le secteur manufacturier d’exportation ne peut supporter la pression financière que comporte cette mesure.
Pour preuve, les récentes propositions de la MEXA (NdlR, Mauritius Export Association) encouragent les entreprises de production à s’installer à Madagascar et à conserver à Maurice le savoir-faire technique et le marketing.
Je tiens aussi à réaffirmer que Palmar Ltée a, jusqu’à sa mise en receivership, rempli ses obligations, notamment auprès des organismes publics comme le Plan national de pension.
Après avoir vécu cette expérience, comment se présente l’avenir du secteur manufacturier d’exportation?
Le secteur manufacturier mauricien et, plus particulièrement, les entreprises tournées vers l’exportation, sont aujourd’hui dans une situation plus que précaire.
En particulier les filières textile et sucrière qui opèrent sans filet de protection face à un marché international ultra-concurrentiel.
Il faut comprendre que celles qui exportent sont exposées à l’inflation des coûts de production locaux, a contrario des entreprises qui produisent pour le marché local et qui répercutent cette inflation sur leur prix de vente. Par exemple, les différences importantes du coût de la main-d’œuvre : le coût d’emploi d’un Mauricien à Maurice est trois fois plus élevé que celui d’un Bangladais au Bangladesh.
Et comme comparaison : le prix de vente rémunérateur d’un t-shirt confectionné au Bangladesh est de 2,70 dollars américains contre 4,50 dollars américains à Maurice pour le même t-shirt. (NdlR : Rs 93 contre Rs 155 environ)
Face à ces réalités du marché, comment éviter la fermeture d’autres compagnies du secteur manufacturier d’exportation ?
Il est, à mon avis, urgentissime d’enclencher aujourd’hui une vraie analyse, incluant toutes les parties prenantes de ces secteurs afin de trouver des solutions immédiates, à moyen et long terme.
Deux des solutions qui doivent être envisagées concernent, d’une part, une action sur le chiffre d’affaires de ces entreprises (top line) à travers une aide financière permanente de l’État à l’incitation à l’exportation et qui pourrait atteindre jusqu’à 15 % du prix de vente unitaire. Cette mesure se pratique notamment en Inde et au Bangladesh.
L’autre solution est évidemment d’agir sur les coûts de production, en revoyant le cadre juridique, à l’instar des discussions qui ont eu lieu dans le secteur sucrier.
Comment l’homme d’affaires que vous êtes, ayant des intérêts dans plusieurs secteurs économiques, analyse-t-il la gestion économique à l’échelle nationale ?
J’ai un regard critique mais positif sur le développement de Maurice. Les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir ces dernières années ont permis l’émergence, depuis une trentaine d’années, d’une classe moyenne qui a boosté la consommation.
Il faut un équilibre sain entre la demande et l’offre de produits. Notre pays s’est beaucoup développé en privilégiant la demande des produits de consommation frappés de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) alors que l’offre de produits à l’exportation a stagné ou a régressé. Avec pour conséquence une balance commerciale déficitaire de plus Rs 118 milliards au 31 décembre 2018, car plus de 75 % des produits que nous consommons sont importés.
Sur une note plus personnelle : où en est le procès lié aux allégations de non-paiement des droits de douane pour l’importation d’une Mercedes de luxe ?
La procédure judiciaire est toujours en cours : après avoir gagné le procès en cour intermédiaire, avec un jugement d’une quarantaine de pages, celui-ci a été renversé par la Cour suprême d’une manière surprenante.
Le jugement de la Cour suprême a souhaité voir le procès reprendre en cour intermédiaire dans une direction imposée.
Mes avocats m’ont encouragé à faire appel au Judicial Committee du Privy Council. Le Judicial Committee a récemment accepté cet appel. Ce qui est rare pour un procès au pénal, me dit-on.
Nous allons maintenant nous présenter devant le Privy Council avec un calendrier qui n’a pas encore été établi.
Cette affaire avait à l’époque affecté votre présidence du conseil d’administration d’IBL. Quelle est votre situation au sein de ce groupe familial aujourd’hui ?
Si j’ai cédé ma place de président, je n’ai jamais quitté le conseil d’administration d’IBL, où je siège toujours comme directeur. À ce titre, je participe aux délibérations de tous les conseils d’administration au sein desquels j’apporte ma contribution.
Je siège aussi aux conseils d’administration de nombreuses autres compagnies du groupe.
Après Palmar, comment envisagez-vous l’avenir ?
Palmar a été une étape importante de ma vie d’entrepreneur ; je l’ai créée et y ai consacré 40 ans de ma vie, ma passion, ma force de caractère.
Ceux qui me connaissent pourront vous confirmer mon intégrité dans tout ce que j’entreprends : j’aurais toujours la fibre et l’énergie d’entreprendre. Je viens d’une famille d’entrepreneurs. L’entreprise fait partie de mon ADN.
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