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Vincent Florens: «L’approche scientifique est la seule capable d’apporter des solutions»
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Vincent Florens: «L’approche scientifique est la seule capable d’apporter des solutions»
La notion de conflit entre la nature et l’Homme semble rarement convaincre. L’impression laissée est qu’une fois qualifiée de vermine, il faut éliminer l’espèce. Comment faire comprendre que les espèces endémiques sont aussi au service de l’économie ?
Il existe divers types de conflits entre les humains et la nature, qui découlent dans la majorité des cas de dégâts directs, réels ou perçus, causés par les animaux. Souvent, ces conflits représentent en fait la manifestation de conflits sous-jacents entre groupes de personnes ayant des valeurs ou objectifs différents. Les solutions techniques pour atténuer les dégâts existent mais ne suffisent généralement pas puisqu’il s’agit avant tout d’un problème d’attitude envers la nature, une attitude qui est elle-même complexe, puisqu’influencée par plusieurs facteurs sociaux, allant des croyances à la culture et j’en passe. C’est ce qui souvent favorise des prises de décision contraires à la logique.
En conséquence, le problème reste entier et on en rajoute souvent d’autres. C’est précisément ce qui se passe à Maurice avec la chauvesouris. Quand suffisamment de gens comprendront que les vraies solutions n’émergeront que si on utilise les faits et la raison, plutôt que des croyances, exagérations ou en se laissant manipuler, on pourra alors tout à la fois augmenter la production sans détruire vainement la biodiversité.
Nous avons déjà le dodo, qui est devenu l’un des symboles le plus connus de la disparition des animaux. N’est-ce pas là un paradoxe que de prendre des décisions mettant en danger des espèces endémiques ?
Ce qui arrive aujourd’hui est pire que ce qui s’est passé avec le dodo. Au 17e siècle, les gens n’avaient pas conscience qu’ils pouvaient faire dis- paraître des espèces ni ne saisissaient autant qu’aujourd’hui l’importance de préserver l’environnement. On peut excuser leurs actions puisque les connaissances scientifiques étaient alors très rudimentaires.
Mais ce n’est plus le cas, et on ne peut pas excuser les décisions d’aujourd’hui de continuer à détruire la biodiversité sous le prétexte que cela augmentera la production de fruits. L’abattage est reconnu comme une «solution» trompeuse et de vraies solutions alternatives existent. Au final, il suffit juste de se demander à qui profite le crime. Ce n’est certainement pas ceux ayant des arbres fruitiers qui, eux, ne sont que les dindons de la farce, dont un certain nombre, malheureusement aidé par une certaine naïveté, pense encore que les gens prônant l’abattage se préoccupent vraiment de leurs problèmes.
Les pressions sur les espèces endémiques et sur les écosystèmes sont multiples. Quelles sont les pistes pour trouver l’équilibre entre le développement économique et les besoins de conserver la nature et les espèces ?
En effet, les pressions anthropiques (NdlR : dues à l’Homme) sur l’environnement sont telles que nous nous dirigeons rapidement vers une extinction de masse très néfaste pour l’humanité dans son ensemble. Par contre, je pense qu’il faut arrêter de parler d’équilibre entre développement économique et conservation de la nature puisque cela sous-entend que les deux sont en opposition et sont inversement liés. C’est précisément le faux concept à l’origine de nos maux environnementaux, sociaux et économiques grandissants.
La vraie question que nous devrions nous poser c’est : comment protéger la nature afin de nous permettre de profiter du vrai développement, qui harmonise durablement l’économie, le social et l’environnement ? La place de la protection de la nature se trouve au cœur même du développement économique. Une nature respectée, donc saine et préservée, est le cœur, qui gardera le développement économique en vie.
Comment une approche scientifique pourrait-elle alors aider à trouver des solutions ?
En fait, l’approche scientifique est la seule qui pourrait amener des solutions. La nature fonctionne selon les règles physico-chimiques et biologiques, et on arrive à comprendre son fonctionnement à travers la recherche et l’accumulation de connaissances scientifiques. La nature fonctionne selon ces règles, indépendamment des croyances simplistes. Il ne servira donc à rien d’ordonner à la nature de nous offrir plus de letchis ni de l’accuser d’irresponsabilité si la production n’augmente pas après l’abattage des chauves-souris. Les affirmations qui contredisent les faits et la logique scientifique n’engagent que ceux qui les brandissent mais qui, malheureusement, nuisent aussi aux crédules qui les croient. L’approche scientifique aidera ceux qui ont l’honnêteté et l’humilité nécessaires pour comprendre cela.
Sur quelle publication autour de la faune, la flore et les écosystèmes à Maurice devons-nous ou pouvons-nous nous appuyer pour réadapter notre développement ?
S’il faut citer une publication sur notre biodiversité spécifiquement, ce sera le livre d’Anthony Cheke et Julian Hume intitulé Lost land of the Dodo: The ecological history of Mauritius, Reunion and Rodrigues. Ce livre nous permet de vraiment prendre conscience comment et pourquoi toute la richesse naturelle et la qualité de l’environnement de l’île ont été détruites. Ce livre nous montre que Maurice est une caricature en petit format de ce qui se passe au niveau planétaire. Une invitation à changer de paradigme pour abandonner le modèle économique à la poursuite du «toujours plus» pour le remplacer par le «toujours mieux»
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