Publicité

Postes de police pris d’assaut: où sont donc les policiers ?

8 avril 2019, 18:15

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Postes de police pris d’assaut: où sont donc les policiers ?

Lorsqu’une trentaine d’individus ont pénétré dans le poste de Phoenix, la police a assisté impuissante à la scène. Car il n’y avait qu’un seul policier au poste ce soir-là. Un cas de figure qui devient de plus en plus fréquent, selon certains policiers. 

Il est 9 heures, le vendredi 5 avril, lorsque nous essayons d’appeler au poste de police de Phoenix. Personne ne décroche, après plusieurs sonneries. Nous essayons à plusieurs reprises durant la journée et une dernière fois à 20 h 30. Si c’était un citoyen lambda qui avait besoin d’aide en urgence, il n’aurait pas pu compter sur la police. 

«Il y a 13 000 policiers dans la force mais il n’y en n’a pas suffisamment dans les postes !» martèle l’inspecteur Jaylall Boojhawon, président de la Police Officers Solidarity Union (POSU) depuis plusieurs mois déjà. Le cas de Phoenix n’est pas isolé, en décembre, le poste de Blue-Bay avait été pris d’assaut par plusieurs individus hostiles alors que seule une policière s’y trouvait. 

«Il y a 90 postes de police autour de l’île», indique l’inspecteur. Et dans la plupart, il n’y que quatre policiers en poste, un caporal ou un sergent en charge et trois constables, si ce n’est pas moins. L’un des constables fera office de «station orderly», il devra rester au poste tout au long de son shift pour répondre aux appels et recevoir les plaintes. Les autres sortiront pour répondre aux sollicitations. Jaylall Boojhawon indique que la décision de faire mettre un policier armé devant le poste le soir ne servira à rien, car même le policier du poste de Phoenix était armé. Mais il n’a rien pu faire face à une foule hostile. 

Selon le président de la POSU, il faudrait au moins dix policiers par poste. «Népli éna gran stasyon, ti stasyon aster. Dimounn ress partou, nerport kotsa kapav gagn problem. Pour que la police puisse offrir un bon service, il faut un nombre adéquat de policiers.» Même avec une équipe de quatre personnes le sergent ou caporal en charge doit envoyer quelqu’un devant les écoles le matin et l’après-midi à la sortie, sans compter les policiers qui doivent être présents lors des évènements officiels ou encore ceux qui doivent officier en tant que sentinelle devant les résidences de certaines personnalités politiques. «Deux autres doivent partir en patrouille dans les ‘hot spots’ et il leur faut aussi pouvoir répondre aux sollicitations, comme les bagarres, accidents, des cas de violence domestique. Comment on fait ça ?» demande Jaylall Boojhawon. 

Selon le constable Sivance, affecté à Roche-Bois, il n’y avait que quatre policiers au poste durant le dernier shift, de 23 heures à 7 heures, dans la nuit de jeudi à vendredi, en le comptant également. Tous des constables. «On a dû demander du soutien durant notre shift car il n’y avait pas suffisamment de gens pour le travail qui devait ce faire. On devait patrouiller près de l’autoroute, car on nous a signalé qu’il y avait un rally illégal qui s’organisait. Au poste, un détenu se sentait mal et voulait partir à l’hôpital. Heureusement qu’il n’y a pas eu d’appel d’urgence dans notre shift !» indique ce policier, également vice-président de la POSU.

L’inspecteur Jaylall Boojhawon explique qu’un poste peut recevoir jusqu’à une quinzaine d’appels pour des interventions par jours, surtout en week-end. «On peut prendre plus de trois heures lorsqu’il s’agit d’un accident, une heure en moyenne pour les querelles entre voisins ou encore dans les cas de violence domestique. Du coup, c’est sans surprise que le station orderly se retrouve seul pendant des heures dans un poste, ce qui le met non seulement à risque mais on ne peut offrir un service approprié à la population non plus.» C’est ainsi que la police met des fois plusieurs heures avant de pouvoir venir sur place lors d’un incident. 

Le policier a signalé ce manque d’effectif à ses supérieurs à plusieurs reprises, mais sans façon, dit-il. «Le commissaire de police pratique une politique de ‘je-m’en-foutisme’ car il part bientôt. Mais ce sont les policiers qui sont démotivés», fait-il remarquer. «Même s’il y a de nouvelles recrues tous les ans, il faut aussi prendre en compte ceux qui partent. Le Pay Research Bureau a recommandé le Bank of Police Officers Scheme en 2016, mais rien a été fait jusqu’ici.» Selon ce scheme, des policiers en congé peuvent être rappelés en renfort lorsqu’un poste est en sous-effectif. Mais, explique l’inspecteur, c’est le paiement de ces policiers qui poserait problème.   

Contacté à plusieurs reprises, l’inspecteur Siva Coothen a uniquement indiqué que lors de l’incident à Phoenix, il y avait cinq policiers affecté à ce poste. Mais que quatre étaient en patrouille. Il n’a pas voulu répondre à nos questions.