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Fatima Chuttoo: «L’heure est au redressement dans le tourisme»
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Fatima Chuttoo: «L’heure est au redressement dans le tourisme»
Si on vous donnait l’occasion de rester, qu’auriez-vous fait de plus que vous n’avez pu faire pendant 33 ans de carrière ?
En 33 ans, j’ai tout fait pour faire plaisir aux clients et pour pouvoir dormir tranquillement le soir lorsque mes clients dorment aussi sereinement. Ce que j’aurai fait de plus, c’est résoudre plus rapidement tout problème qui peut se présenter. En sus des clients de l’hôtel, je suis aussi en charge des villas du gouvernement. De deux à l’époque, il y en a cinq maintenant. Ce qui m’a permis d’accueillir des personnalités mondiales invitées par le gouvernement, dont deux chefs d’État (le président kenyan et le président malgache) en un mois.
Trente-trois ans après, que ce soit sous sir Anerood Jugnauth, sous Navin Ramgoolam, sous Paul Bérenger ou sous Pravind Jugnauth, pas un reproche. Je pars d’ici la tête haute avec le sens du devoir accompli.
Justement, on a entendu que des proches du pouvoir profitent aussi de ces villas du gouvernement…
Ceux qui résident dans les villas le font avec l’autorisation du Premier ministre. C’est donc le Prime Minister’s Office qui gère les réservations et je peux dire que cela s’est toujours bien passé.
«Il faut regarder dans la même direction (…) pour que Maurice récupère les marchés qu’il a perdus.»
Quelle est la période charnière du tourisme mauricien que vous avez connue ?
(Elle réfléchit) Les acteurs du tourisme sur le plan local, je les ai tous côtoyés, dont Gaëtan Duval. Avec le charisme qu’on lui connaît, Gaëtan Duval a laissé ses empreintes dans ce secteur. Il ne faut pas oublier au passage Cyril Vadamootoo (directeur de l’ex-Mauritius Government Tourist Office). Les deux emmenaient notre destination dans leurs valises pour la faire connaître au monde entier.
Vous avez servi des visiteurs de marque et connu les années de gloire du tourisme. Aujourd’hui, vous partez à la retraite à un moment où le secteur est en berne (-1,2 % dans les arrivées durant le premier trimestre).
C’est vrai que cela se ressent. Il y a un signal qui est là. Il faut s’assurer de renverser la vapeur. Ce que l’on avait acquis, il faut que l’on essaye de le regagner. On l’a eu avant, pourquoi on devrait le laisser nous filer entre les mains ?
Au contraire de ce qu’a dit le Chief Executive Officer (CEO) d’Air Mauritius (MK) dans un entretien à un quotidien cette semaine, nos concurrents dans la région s’en sortent bien durant ce premier trimestre (Les Maldives + 15 % ; les Seychelles + 11 % ; et le Sri Lanka, + 4,6 %). Comment en est-on arrivé là ?
Je ne suis pas habilité à répondre à cette question. Par contre, il ne faut pas oublier ces personnes qui nous représentent sur chaque marché. Elles ont des comptes à rendre. Et sont les mieux placées pour nous dire pourquoi et comment y remédier.
Au lieu de se tirer dans les pattes, quelles sont les mesures que le ministre du Tourisme et le CEO de MK doivent prendre d’urgence ?
Nous devons travailler en équipe. Chaque acteur touristique concerné doit faire son mea culpa et trouver la solution. L’heure est au redressement. Il faut mettre ses efforts ensemble, regarder dans la même direction. Nous souhaitons tous qu’une chose : que Maurice sorte gagnant en récupérant les marchés qu’il a perdus.
Visiblement, nos plages, nos hôtels et surtout notre China Town ne suffisent pas pour séduire les Chinois. Que cherche ce type de touriste…
Le Chinois, il est simple. Il arrive, il a juste besoin de se sentir accueilli et d’avoir un point de contact qu’il établit avec la personne à l’hôtel qui l’accueille en mandarin. Dès que vous lui parlez dans sa langue, il est rassuré. Le seul moment que ce contact de l’hôtel risque de voir le client chinois, c’est à l’arrivée parce qu’après, c’est le WeChat. À 11 heures le soir, à une heure du matin, il se rappelle qu’il doit se réveiller à 5 heures pour aller voir les dauphins, il va envoyer un message par WeChat.
Le touriste chinois est-il exigeant en termes de cuisine notamment ?
Au départ, on nous avait demandé de faire un chinese corner. Ou encore de prévoir certaines prestations comme le bol de nouilles instantanées dans la chambre. Au fil des années, ça a beaucoup évolué.
Le touriste chinois parcourt le monde. C’est pour cela qu’on le voit de plus en plus au buffet mauricien, au restaurant indien, à la soirée séga sur la plage. Il veut découvrir la culture. À Trou-aux-Biches, nous accueillons surtout la nouvelle génération âgée de moins de 30 ans et qui arrive en couple pour une lune de miel. Et aussi des familles durant la Golden Week.
Le visiteur chinois lorsqu’il arrive à Maurice est déjà connecté. Il a déjà acheté ses excursions. Le vol arrive le matin, mais ce n’est que le soir qu’on le voit à l’hôtel. Il y passe rarement ses journées. Il veut découvrir le pays. Il est curieux. Au contraire du touriste coréen, lui, il veut son indépendance et faire des choses à son rythme.
N’est-il pas temps d’avoir de véritables ambassadeurs du tourisme mauricien dans les salons à la place du ministre du Tourisme et autres officiels ?
Vous n’avez pas tort. Je ne dis pas que le ministre ou le représentant de la MTPA ne doit pas y être, mais il faut s’assurer que le salon soit marqué par un événement, une présence qui va faire que tout le monde en parlera. Pour marquer le coup, il ne faut pas tomber dans la monotonie. Il faut créer un buzz, ramener notre île Maurice sur place.
Des exemples ?
Usha Dwarka-Canabady me l’a rappelé lorsqu’on s’est vu durant la visite du président kenyan. Lorsqu’elle était affectée à l’ambassade de Maurice à Genève, on avait, le temps d’un salon dans cette ville suisse, fait venir 35 tonnes de sable d’un endroit en France. Pour faire quoi ? Vous avez vu notre Madonna locale dans le journal la semaine dernière (Elle fait référence à un article sur Radeeca Beedasy, intitulé «Soins médicaux: la ‘Madonna de l’île Maurice’ va mal» et paru dans notre dernière édition). À la demande de MK et de notre bureau en Suisse, j’avais emmené Madonna, qui vendait des ananas sur la plage de Trou-aux-Biches, à Genève. En sus de n’avoir jamais pris l’avion, Madonna n’avait jamais mis de chaussures.
À ce salon, la voilà, en plein hiver avec ses lunettes de soleil montures blanches à la Madonna, drapée d’un beau sari, assise en train d’éplucher des ananas. On avait peint le voilier Isla Mauricia dans le fond faisant croire que c’était la plage de Trou-aux-Biches. On avait fait le conseiller d’État suisse enlever ses chaussures pour marcher dans le sable…
Maurice avait ainsi créé le buzz ?
Oui, il suffit d’un rien. Notre Madonna de l’île Maurice a figuré sur une carte postale et a fait la couverture de magazines.
Quels sont les marchés émergents sur lesquels Maurice devrait se concentrer ?
On devrait aller puiser des visiteurs davantage dans les pays arabes. L’Inde aussi représente un gros potentiel. Les Américains viennent mais en combiné, après avoir été en Afrique du Sud ou au Kenya pour faire du safari. Je suis confiante et positive que si on réagit dans l’immédiat, la situation sera vite redressée.
Quel regard portez-vous sur la relève ?
Le sens d’appartenance y est moins ancré. Elle va s’occuper du client, à son rythme. Elle se soucie plus du côté technologique. Elle ne doit pas oublier le côté humain, primordial dans le domaine touristique.
Votre message à ces visages de l’hospitalité mauricienne ?
La base est là. Je leur demanderai de puiser un maximum de ce qu’il y a à apprendre de ceux qui partent.
Et vous, qu’allez-vous devenir après le 30 avril ?
Trente-trois ans, du matin au soir du soir au matin, j’étais accrochée à mon hôtel. Il me faudra beaucoup de temps pour essayer de retrouver mon équilibre. Ce sera une autre vie qui va commencer.
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