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Patrick Hofman: «Je regrette si mes propos ont pu blesser quelqu’un»
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Patrick Hofman: «Je regrette si mes propos ont pu blesser quelqu’un»
Ils ont attendu d’être officiellement mari et femme pour répondre à nos questions. Entretien avec l’ex-commandant de bord belge d’Air Mauritius Patrick Hofman et son épouse mauricienne Isabelle L’Olive, à l’issue de leur mariage au bureau de l’état civil à Port-Louis jeudi.
Enfin mariés
Un soulagement et un aboutissement, a déclaré le couple. «On est ensemble depuis 13 ans. Avant toute la tourmente Air Mauritius, on est passé par plus de douze longues et pénibles années de procédures pour mon divorce, avec d’autres dégâts collatéraux. J’ai une petite fille qui a 13 ans maintenant, que je n’ai pas vue jusqu’à ses quatre ans parce que la maman m’empêchait de la voir. J’ai dû me battre en justice pour ça aussi. Isabelle est restée avec moi envers et contre tout. Merci à mon avocat Gavin Glover qui a réussi à inverser beaucoup de choses. J’ai pu obtenir mon divorce le 13 octobre 2018», confie Patrick Hofman.
Pour lui, ce qui a le plus blessé son épouse, qui, dit-il, a été d’un soutien indéfectible dans l’ombre, c’est quand le couple a vu que tout cet aboutissement pourrait être remis en question. «On avait tout le droit de se marier ici. Il y a toute la famille et c’est plus facile pour les enfants de Patrick de se déplacer que pour ma famille d’aller en Belgique», renchérit son épouse.
Moyens financiers
<p style="text-align: justify;"><em>«Même si dan tou problem ena enn solisyon, sans argent, ça aurait été difficile de se battre»,</em> concède le couple. À Isabelle L’Olive-Hofman de poursuivre : <em>«Déjà, continuer au quotidien à pouvoir se voir, cela représente des frais énormes et nous avons des avocats qui gagnent l’argent qu’ils méritent parce qu’ils font un excellent travail.»</em></p>
Pourquoi avoir traité Pravind Jugnauth de fou ?
Un an et demi après les évènements, le pilote dit regretter ses propos. «Si ça a pu blesser quelqu’un, oui je le regrette. Maintenant il faut mettre cela dans le contexte. Quelles insultes et humiliations ne nous a-t-on pas aussi faites ?» soutient Patrick Hofman.
Revenant à ces propos, le pilote témoigne : «Ce sont des messages WhatsApp qui étaient dans un groupe privé où j’ai relayé mot pour mot des propos qu’on venait de me communiquer. On ne sait pas trop comment des échanges privés se sont retrouvés dans le domaine public le lendemain. Jamais on ne s’est imaginé que cette affaire pouvait prendre des proportions pareilles. Quand je m’en suis rendu compte, j’en ai parlé avec Gavin Glover.»
Patrick Hofman raconte avoir envoyé une lettre de trois pages au Premier ministre par la suite. «Je lui explique tout le contexte de ce message et je lui présente mes excuses si mes propos l’ont blessé, lui ou sa famille. Je lui explique aussi le contexte par rapport à l’émotion à ce moment précis.» Le pilote dit avoir reçu un accusé de réception du Prime Minister’s Office peu de temps après. «Le Premier ministre qui n’était pas au pays à ce moment-là a rencontré une délégation des syndicats pilotes de MK à son retour qui lui a parlé de cette lettre. Il a dit qu’il n’a rien reçu. Donc, cette lettre a disparu. Il m’a fallu utiliser d’autres moyens pour la lui faire parvenir une seconde fois. Mais, au final, la lettre qu’il a dû finalement recevoir est restée lettre morte.»
Retard de la cérémonie de mariage
<p style="text-align: justify;">Le Passport and Immigration Office (PIO) n’a pas fait de cadeau au couple jusqu’à la dernière minute. La cérémonie de mariage, jeudi, a démarré avec une demi-heure de retard, dont 20 minutes à attendre un document du PIO. Le couple dit avoir vécu cela très mal.</p>
<p style="text-align: justify;"><em>«On n’est pas des gens qui cherchent la guerre, souligne Patrick Hofman On n’a pas un tempérament de dominer. J’ai quitté le territoire cinq mois après les évènements du 5 octobre 2017. La loi permettait déjà au Premier ministre de me déclarer persona non grata. Je revenais, je repartais, je faisais ma petite vie et Isabelle venait me rejoindre de temps en temps en Europe.»</em></p>
Croyant que les choses se sont apaisées, le couple a trouvé que se marier à Maurice était pour lui, la solution la plus évidente. «Surtout en voyant la situation qui se détériorait à Air Mauritius, on s’est dit que peut-être plus haut, on a compris que Megh Pillay et Patrick Hofman étaient des messagers et qu’il fallait peut-être écouter leur message au lieu de tuer les messagers», soutient le pilote.
Isabelle L’Olive condamnée à aller vivre en Belgique ?
Dans l’état actuel des choses, oui, réagit le couple. Sauf qu’il ne compte pas baisser les bras.
«Le mariage est fait. Maintenant on passe à la phase 2 qui est de se battre. Nous estimons que nos droits ont été lésés et nous allons nous battre avec tous les moyens légaux avec nos hommes et femmes de loi, que ça soit sur le plan national ou à l’international, fait ressortir le pilote. Et d’enchaîner : «On focalise beaucoup sur Hofman mais il faudrait focaliser sur Isabelle qui a des droits de citoyenne mauricienne et derrière il y a toute la famille mauricienne. Je ne suis pas un criminel, pas un terroriste. Je n’ai jamais été poursuivi pour quoi ou par qui que ce soit.»
Patrick Hofman ajoute avoir obtenu après les faits du 5 octobre 2017, un certificat de moralité mauricien, en plus de détenir un certificat de moralité belge. «J’ai un casier judiciaire vierge. Il est totalement choquant de vivre en tant que coupable qui doit lui-même faire preuve de son innocence alors qu’il n’a été condamné de rien du tout. Nous avons perdu des batailles mais ni Isabelle ni moi, nous n’avons perdu une guerre jusqu’à présent.»
À Isabelle L’Olive-Hofman de faire remarquer : «Ce qui est dur, c’est que c’est tout sauf un mariage de convenance. On a élevé trois enfants ensemble. Qu’ils osent venir remettre ça en question ! En tant que femme, en tant que Mauricienne et maintenant en tant qu’épouse, je vais me battre.»
Le couple dit espérer que common sense will prevail enfin. «Qu’on sorte de cet aspect émotionnel et qu’on réagisse en personne responsable dans l’intérêt commun. Je suis un amoureux de l’île Maurice. J’ai beaucoup de popularité auprès des gens parce que j’ai beaucoup de respect pour les grands comme pour les ti dimoun», indique le pilote.
Contrat de pilote de MK résilié, expulsion avortée et habitant indésirable
Pour le pilote, c’est très lourd à porter «parce qu’il y a un sentiment d’injustice qui nous est fait. Pas seulement à Isabelle et moi, mais à toute ma famille en Belgique et à Maurice qui a énormément souffert. Je ne vais pas dire que c’est directement lié mais peu de temps après, consécutivement, ma belle-mère a dû être hospitalisée. Ma soeur a eu son troisième cancer. Ma mère de 96 ans qui s’est physiquement dégradée a été placée dans un Home. Il y a eu des dégâts collatéraux énormes».
Le Premier ministre ne lâche pas
<p style="text-align: justify;">Pravind Jugnauth continue à justifier ses actions lors de ses sorties publiques par rapport aux amendements de l’Immigration Act avec comme première cible Patrick Hofman. Isabelle L’Olive-Hofman affirme ne pas comprendre pourquoi. <em>«On est des gens simples et personnellement je ne m’intéresse pas à la politique.»</em></p>
Perturbations des vols le 5 octobre 2017
«Absolument pas.» L’ex-commandant de bord de MK dément être à l’origine des perturbations majeures des vols du transporteur national, le 5 octobre 2017, comme le lui reproche le Premier ministre. «Il était hors de question de lancer une quelconque grève. Ça aurait été illégal de toute façon. Ici, dix pilotes tombent malades et 190 sont incapables de les remplacer ?» fait-il valoir.
Patrick Hofman signale qu’il y a une chose qu’on sous-estime. «Les obligations de licence de pilote de ligne vous empêchent de prendre les commandes d’un avion si vous ne vous sentez pas fit to fly, y compris psychologiquement et indépendamment d’un certificat médical ou pas. Une heure avant le vol ou dix mètres avant l’avion, vous pouvez vous décider. Si vous prenez les commandes, vous risquez de perdre votre licence.»
Dans son cas, «comme la loi le prévoit, j’ai présenté un certificat médical qui souligne que je suis à l’arrêt pendant une semaine». Toujours selon le pilote, venir mettre la pression sur des gens qui n’étaient pas en état de prendre les commandes, «si ça se sait à l’international, c’est très grave».
L’ex-commandant de bord d’Air Mauritius note que le 5 octobre 2017 «et ce n’est pas ce qui a été reporté aux oreilles en haut ce jour-là», c’est que les 25 ou 30 pilotes qui auraient pu reprendre ont stuck to the contract.
«Un an avant cela, Megh Pillay s’en est rendu compte et il a dit à Mike Seetaramadoo que MK a une flotte vieillissante qui repose entre les mains des pilotes. Et que si on ne respecte pas leur roster et leur contrat, on est mort. Air Mauritius s’est attaquée au contrat des entrants mauriciens en leur faisant travailler à 30 % de moins que les autres en termes de rémunérations. Nous les autres pilotes, on était directement concernés car cela aurait eu un effet sur nos congés annuels et notre vie sociale.»
C’est ainsi, se rappelle Patrick Hofman, qu’il y a eu une solidarité. «Pour les pilotes, tout en respectant le contrat, il n’était plus temps de rendre un petit service. Sauf que toute cette affaire a été récupérée par des gens qui doivent faire face à leurs responsabilités. Ils n’ont montré qu’une petite partie à celui qui est au sommet en y mettant la sauce qu’il fallait pour upset le Premier ministre. Voilà comment on est arrivé à ce cocktail détonant.»
Convocation au CCID
<p style="text-align: justify;">Vingt pilotes sont dans le collimateur du Central Criminal Investigation Department dans le sillage des perturbations des vols d’<em>Air Mauritius</em>, le 5 octobre 2017. Patrick Hofman qui dit avoir vu une liste de 20 pilotes qui étaient malades les 5 et 6 octobre 2017, soutient n’avoir pas reçu de convocation à ce stade.<em> «Je n’en sais pas plus.»</em></p>
«Les mêmes traitements que Navin Ramgoolam»
<p style="text-align: justify;"><em>«Il faut remettre les choses dans leur contexte. Le message que je reçois lorsqu’on a voulu me déporter le samedi 7 octobre 2017, c’est qu’on va me traiter comme l’ancien Premier ministre, c’est-à-dire, venir m’arrêter»</em>, réplique Patrick Hofman.</p>
<p style="text-align: justify;">Comme on le lui a conseillé, le pilote s’est alors caché, le temps que le week-end passe et que son avocat puisse saisir la justice lundi. <em>«Un monde surréaliste ! Une centaine de pilotes, réunis dans le centre de l’île, ont décidé de débarquer à l’aéroport si je suis extradé pour empêcher tout ça. Le lundi, j’ai été exfiltré pour passer en cour où le PIO a été contraint d’abandonner le principe de l’extradition»</em>, se remémore-t-il.</p>
<p style="text-align: justify;">De son côté, Isabelle L’Olive-Hofman a retrouvé son partenaire trois jours plus tard. <em>«De mon côté, je ne pouvais absolument pas quitter ma maison car il y avait pendant une semaine des gens en civil dehors que je ne connais absolument pas et qui se relayaient. À maintenant, l’immigration patrouille toujours devant mon magasin lorsque Patrick n’est pas au pays»</em>, affirme l’épouse du pilote.</p>
Que devient sa carrière ?
Depuis qu’Air Mauritius a résilié son contrat, le 6 octobre 2017, Patrick Hofman qui quitte le pays le 6 mai, soit cinq jours avant l’expiration de son visa, dit faire de petites choses à gauche à droite dont un peu de consultancy. «Je vis de mes réserves en attendant des jours meilleurs», lâche le pilote belge.
Revolera-t-il un jour pour MK ?
Patrick Hofman soutient maintenir sa licence à jour. «Mais je ne vole pas beaucoup. Time will tell si je revolerai pour Air Mauritius.» Avant de rejoindre Air Mauritius en 2003, il a travaillé pour Sabena, l’excompagnie aérienne nationale belge qui a déclaré faillite en 2001, mais que le pilote a quittée en 1997.
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