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Shelter La Colombe: un enfant aurait été tabassé à coups de serpillière

12 mai 2019, 22:30

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Shelter La Colombe: un enfant aurait été tabassé à coups de serpillière

Difficile d’avoir la paix, semble-t-il, du côté du shelter La Colombe, à Pointe-aux-Sables. Une énième polémique vient d’y faire surface. Un enfant a atterri à l’hôpital Brown Sequard après avoir été frappé à l’aide d’un «baton mop», selon les employés. Récit.

Une fois encore, le shelter La Colombe se retrouve sous les feux des projecteurs. Et ce ne sont pas pour les bonnes raisons. Cette semaine, plusieurs personnes qui y travaillent affirment qu’un garçon âgé de 9 ans a été frappé par la directrice, Noor-E-Muhtasheem Soodhun, à coups de «baton mop». Il a par la suite été admis à l’hôpital Brown Sequard. De son côté, la directrice, dans une déposition qu’elle a faite puis retirée, donne une tout autre version de l’histoire. Qui dit vrai ? 

Les employés sont catégoriques. L’enfant, qui est pensionnaire de La Colombe depuis trois ans, a été battu par la directrice. Cela s’est en partie déroulé dans son bureau, d’où le fait que personne n’a pu intervenir. Selon ceux qui auraient assisté à la scène, la directrice a commencé à rouer l’enfant de coups à l’aide d’une serpillière, jusqu’à ce qu’il soit en sang. Ils affirment qu’à un moment, l’enfant est tombé par terre, mais la responsable des lieux n’a pas cessé de le frapper. Finalement, en voulant se défendre, ce dernier a alors également asséné un coup à la directrice. «Il est certes un enfant turbulent, mais pas différent des autres pensionnaires de l’abri», font valoir ceux qui côtoient les enfants au quotidien. 

Dans sa plainte, cependant, Noor-E-Muhtasheem Soodhun a donné une autre version des faits. Elle a relaté qu’elle était à l’abri ce jour-là lorsque l’enfant – qui est le fils d’une animatrice radio ayant eu des démêlés avec la justice par le passé – a commencé à devenir violent, tout en utilisant un langage de charretier. Toujours selon la responsable, alors qu’elle essayait de le raisonner, l’enfant lui a donné un coup au ventre suivi d’un coup de pied et d’un autre coup-de-poing. À la police, elle a précisé que les employés ont souvent des problèmes avec l’enfant en question. Mais elle s’est finalement rétractée et a enlevé la plainte…

«Ena kamera»

Les employés du shelter La Colombe, eux, n’en démordent pas. «Li ti bat zanfan-la pré kot enn store. Ena kaméra laba. Kifer la polis pa pé fer so travay?» Mais ils n’en veulent pas qu’à la police. Les employés racontent que la brigade des mineurs et les officiers de la Child Development Unit (CDU) sont venus sur les lieux pour effectuer un constat. «Sauf que personne n’a emmené l’enfant à l’hôpital. Ce n’est que très tard dans la soirée que le chauffeur du shelter l’a transporté à Brown Sequard. Plusieurs autres enfants ont également subi les foudres de la directrice par le passé sans qu’aucune sanction ne soit prise contre elle…» La question que se posent les employés : pourquoi une telle impunité ? «Serait-ce dû au fait qu’elle est proche d’un député du MSM ?» 

Une enquête initiée par les autorités propose une troisième version de l’affaire. L’enfant suvrait déjà un traitement à l’hôpital Brown-Sequard, apprend-on, pour des troubles du comportement. Cependant, il refuse systématiquement de prendre ses médicaments et de ce fait, il devient de plus en plus violent au point d’être ingérable. C’est pour cette raison qu’il a été admis à l’hôpital psychiatrique après cet énième éclat. 

Toujours est-il que le board du shelter a pris la décision de transférer la directrice. Elle est passée de la gestion du lieu à l’administration. Selon d’autres sources proches de l’enquête, elle devra se présenter devant un board disciplinaire, demain, lundi 13 mai. À savoir que les employés du shelter n’écartent pas la possibilité de faire grève si la directrice en question retrouve son poste au sein de La Colombe. 

Nous avons tenté, à plusieurs reprises, depuis vendredi aprèsmidi, d’avoir une déclaration de Noor-E-Muhtasheem Soodhun. Mais en vain. Idem pour la maman du garçon.

Tableau noir

<p style="text-align: justify;">Agressions sexuelles, menaces de mort, fugues, passages à tabac&hellip; Non, on ne parle pas d&rsquo;un centre pénitencier pour récidivistes notoires mais bien des problèmes survenus au shelter La Colombe depuis des années. Malgré les plaintes et les questions parlementaires sur cet abri, la situation ne s&rsquo;est jamais vraiment améliorée.&nbsp;</p>

<p style="text-align: justify;">Nous sommes le 26 décembre 2018. Un garçon de huit ans, pensionnaire du shelter La Colombe, est admis à l&rsquo;hôpital après avoir été agressé dans l&rsquo;enceinte de l&rsquo;établissement. Ses bourreaux ne sont nuls autres que deux autres pensionnaires de l&rsquo;abri. Ces derniers, qui font partir des <em>&laquo;grands&raquo;</em>, avaient demandé à leur victime de bousculer un autre enfant. Devant son refus, il a été roué de coups de barre de fer par l&rsquo;un alors que l&rsquo;autre l&rsquo;agressait à coups de chaise. Mais ce cas n&rsquo;était pas isolé. Quelques jours auparavant, deux autres garçons, âgés de 9 et 10 ans ont été conduits à l&rsquo;hôpital par le personnel de l&rsquo;abri. L&rsquo;un avait été agressé sexuellement alors que l&rsquo;autre a été victime de violences, toujours par les <em>&laquo;grands&raquo;</em>. Ce jour-là, aucun officier de la Child Development Unit n&rsquo;avait fait le déplacement car il y avait la fête de fin d&rsquo;année de l&rsquo;organisme&hellip;</p>

<p style="text-align: justify;">Les problèmes du shelter ne datent pas d&rsquo;hier. En 2013, un groupe de filles avait menacé de mort une de leur camarade de 17 ans et son nourrisson. Lorsque cette dernière a essayé de rapporter l&rsquo;affaire, les menaces sont devenues plus insistantes. Une des employés, qui a essayé de s&rsquo;interposer pour calmer les esprits, a été rouée de coups. Peu après cet incident, un employé de La Colombe avait été accusé d&rsquo;avoir sexuellement agressé une résidente de l&rsquo;abri.&nbsp;</p>

<p style="text-align: justify;">Retour en 2018. Le 22 juin, Aurore Perraud, ancienne ministre de l&rsquo;Égalité du genre, soulève deux problèmes concernant le shelter La Colombe au Parlement. Tout d&rsquo;abord, il y a le cas de cette fille qui est portée disparue depuis septembre 2017. Puis, plusieurs pensionnaires se sont plaints car ils sont forcés de dormir par terre parce que les chambres sont infestées de punaises. Le lendemain, dix garçons, âgés de 10 à 13 ans, s&rsquo;évadent de l&rsquo;abri en escaladant les murs. Personne ne les a vus faire. Il a fallu qu&rsquo;un automobiliste les repère et les conduise au poste de police pour que les caregivers se rendent compte de la disparition. Pourquoi ont-ils tenté de s&rsquo;enfuir ? Ces garçons voulaient suivre la trace de quatre de leurs amis qui avaient déjoué la vigilance du gardien une semaine plus tôt&hellip;&nbsp;</p>

<p style="text-align: justify;">Même lorsque les enfants essaient de s&rsquo;amuser, cela pose problème. Le 26 juin de cette année, un groupe d&rsquo;ados se retrouve sur le toit de l&rsquo;établissement. Ils voulaient y fabriquer une <em>&laquo;piscine&raquo;</em> car il pleuvait, mettant ainsi en péril leur sécurité. Il a fallu mobiliser le personnel de plusieurs instances du ministère pour les rappeler à l&rsquo;ordre.&nbsp;</p>

<p style="text-align: justify;">Pourquoi est-ce que les problèmes de ce shelter n&rsquo;en finissent pas ? <em>&laquo;Vous savez, la directrice n&rsquo;est pas apte à diriger cette instance. Elle n&rsquo;a ni la formation ni les qualifications nécessaires pour le faire&raquo;</em> explique une source officielle.&nbsp;</p>

<p style="text-align: justify;">Quant à Mireille Martin, qui était ministre lorsque les premiers problèmes ont commencé à faire surface à La Colombe, elle estime que tant que les shelters seraient surpeuplés, le problème d&rsquo;indiscipline ne sera pas résolu. <em>&laquo;Il n&rsquo;y a pas assez de personnel pour gérer le nombre d&rsquo;enfants. C&rsquo;est pour cela que lorsque j&rsquo;étais en place, j&rsquo;avais ouvert quatre shelters supplémentaires&raquo;</em>, a-t-elle fait savoir. De plus, elle est d&rsquo;avis que les caregivers doivent avoir une formation adéquate. <em>&laquo;Mais lorsque je parle de formation, je ne dis pas une formation en une fois. Il faut que cela soit en continu&raquo;</em>, précise l&rsquo;ancienne ministre.&nbsp;</p>

<p style="text-align: justify;">Rita Venkatasamy, Ombudsperson for children, voit pour sa part le problème autrement. Citant l&rsquo;exemple du dernier cas en date à La Colombe, elle estime que le pays manque d&rsquo;institutions spécialisées pour venir en aide aux enfants. <em>&laquo;Ce garçon qui a été admis à l&rsquo;hôpital psychiatrique a des problèmes de santé mentale. Mais nous n&rsquo;avons aucune institution adaptée pouvant venir en aide aux enfants qui ont des troubles psychiatriques.&raquo;</em></p>