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Chagos: vote aux Nations unies, et après ?

22 mai 2019, 10:45

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Chagos: vote aux Nations unies, et après ?

Ils étaient 94 pays à avoir voté pour demander à la Cour internationale de justice (CIJ) de donner un avis consultatif sur la séparation des Chagos de Maurice. C’était en juin 2017. Presque deux ans plus tard, l’Union africaine, représentée par le Sénégal, présente ce mercredi 22 mai une résolution relative à l’avis consultatif émis par la CIJ en février. Mais deux ans plus tard, le contexte n’est pas le même… La question de savoir ce qui vient après est celle qui retient l’attention.

Admettons que nous ayons le même succès qu’en 2017, qu’est-ce que cela change pour Maurice ? Nous avons posé la question au Senior Adviser du ministre mentor sur le dossier Chagos, Satyaved Seebaluck. «L’enjeu n’est pas le même qu’en 2017 pour toutes les parties concernées. À présent, il est question de demander aux Anglais d’appliquer l’avis que nous avons déjà eu», résume-t-il.

Il faut toutefois le reconnaître, les Nations unies ne peuvent forcer un pays membre à se plier à un avis. «Oui, mais c’est une pression supplémentaire sur un pays qui se dit défenseur des droits internationaux. Nous espérons que l’Angleterre revienne à de meilleurs sentiments», poursuit Satyaved Seebaluck. À la question de connaître l’option de Maurice, au cas où nous n’obtiendrions pas une majorité de votes, comme c’était le cas en 2017, le Senior Adviser de sir Anerood Jugnauth affirmera: «Nous n’en sommes pas là. Mais si c’est le cas, nous avons une stratégie quoi qu’il en soit.»

Pendant que se déroulent les dernières consultations à New York dans le camp mauricien, il nous revient que du côté des Anglais et des Américains, un dernier «forcing» était en cours. «Ils ne parviennent pas à faire que ceux qui ont voté en faveur votent, cette fois, contre. Mais ils essaient tout de même de convaincre ces pays de s’abstenir», enchaîne le conseiller. Tout comme cela a été le cas avec l’Inde ? C’est ce que fait ressortir un article de The Wire le 18 mai. Un article qui affirme qu’il y a eu tentative pour que l’Inde demande que la résolution soit allégée.

Ce que du côté de l’Hôtel du gouvernement, l’on réfute. «Nous avons l’assurance, et de manière officielle, d’avoir le soutien de l’Inde. Ce ne sont que des spéculations», précise Satyaved Seebaluck interrogé à ce propos également.

Pour le constitutionnaliste Milan Meetarbhan, il est très improbable que l’Inde change sa posture vis-à-vis de Maurice après avoir voté à deux reprises en faveur de l’île. «Il y a des pays qui peuvent certainement se rétracter mais pas les pays africains puisque la résolution a été déposée par l’Union africaine et pas l’Inde. Ce qui se passe, c’est qu’il y a des pressions que tentent d’exercer les puissances concernées pour diluer la résolution. Ces puissances demandent à ces pays d’assurer leur vote à Maurice à condition d’alléger la résolution. C’est ce que j’ai vu de par mon expérience. J’espère que nous ne changerons rien à la résolution.»

Rôle de la Chine

D’autres spéculations suggèrent que la Chine, qui en 2017 s’était abstenue de voter, pourrait cette fois se prononcer en faveur de Maurice. Pourquoi ? Parce que la société Huawei, une des fiertés de l’empire du Milieu, se retrouve directement plongée dans une crise ouverte l’opposant aux États-Unis.

Jeudi dernier, Donald Trump a placé le géant chinois des télécoms sur une liste noire lui interdisant d’acheter des produits fabriqués aux États-Unis. Or, ses téléphones sont équipés de logiciels américains. Le département américain du Commerce offre un sursis de trois mois à cette société pour qu’elle et ses partenaires puissent s’adapter à ce changement. Entre-temps, la firme chinoise se prépare à riposter. Est-ce que cette situation peut influencer le vote d’aujourd’hui ?

Pour Milan Meetarbhan, un conflit entre deux pays peut avoir une certaine influence, oui. «Mais dans le cas de la Chine, je pense que la prise de position ou l’abstention ne se fera pas sur la cause chagossienne elle-même mais plutôt sur la base de principe. Si la Chine accepte de voter pour la résolution, la même décision pourrait s’appliquer à elle dans le futur. Elle va accepter de créer un précédent disant qu’une instance comme les Nations unies pourra trancher dans un conflit territorial opposant deux pays», explique le constitutionnaliste.

Pour le député rouge et ancien ministre des Affaires étrangères Arvin Boolell, l’option de ne pas obtenir une majorité de votes aujourd’hui n’existe même pas. «Pour Maurice cela voudra dire deux choses importantes. La première, nous avons la force diplomatique avec nous même si l’avis n’a pas force de loi. Elle viendra au moins prouver que nous avons le soutien de la communauté internationale. Au pire des cas, cela pourra au moins pousser les États-Unis et l’Angleterre à prendre Maurice en considération pour des discussions trilatérales», conclut-il.