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Agression: la diffusion des vidéos fait plus mal que les coups

26 mai 2019, 22:15

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Agression: la diffusion des vidéos fait plus mal que les coups

Il y a la violence, les bagarres. Qui de tout temps ont existé. Mais leur médiatisation et amplification sur les réseaux sociaux intensifient le traumatisme des victimes. Cette diffusion décuple la honte chez des jeunes qui sont tellement préoccupés par leur image que cela les renferme sur eux-mêmes.

«Si ti fini sa lager la laba ek pa ti éna difizion sa vidéo-la, sa tifi-la ti pou kapav kontinié éna enn lavi normal.» Constat d’un enseignant après la médiatisation d’une vidéo d’une fille en uniforme gris en début de semaine. Mais, les gens, dit-il, semblent s’être déjà fait une opinion de la collégienne.

Rien qu’en l’espace d’une semaine, au moins quatre vidéos, où des jeunes s’entre-déchirent violemment, ont été mises en ligne et circulent sur les réseaux sociaux. Celle de la fille en uniforme gris a été au centre de l’attention. Son malheur, explique-t-on dans son entourage, a débuté dès que la vidéo a fait surface sur les réseaux sociaux. «Dimounn finn koumans ziz li ek pran nisa, san mem pran kont ki sé-t-enn zanfan», avance un proche de la fille.

Durant la semaine écoulée, cette vidéo montrant deux filles dans une ruelle, visiblement à Curepipe, a été largement diffusée. Elle a fait la risée du web, avec des montages, des memes et même des parodies, entre autres. Sur la vidéo, l’on aperçoit une collégienne, portant un uniforme gris, à bout de nerfs. «Mo éna kriz mwa, mo pou éklat li», entend-on. Elle et une autre fille se tirant par les cheveux sont rapidement séparées par des personnes sur place. Selon des proches de la principale concernée, une histoire de garçon serait à l’origine de la bagarre. «Sé bann zanfan lot lékol kinn trouv lager ek finn filmé sa san ki tifi-la realizé.»

Selon des amies de classe, d’un collège dans le Sud, la jeune fille n’avait aucun problème de ce genre dans le passé. «Li ti enn tifi normal kouma zot tou. Li ti pé vinn lékol tou normal. Elle est de nature calme et tranquille.» Sauf que depuis l’éclatement de cette affaire, elle ne vient plus au collège. Ce que confirment aussi des sources à la direction de l’établissement secondaire. «Li pa pé vinn lékol ditou dépi sa.» Selon les proches amies de la fille, celles qui ont filmé la scène doivent être sanctionnées car «zot finn fini lavenir enn tifi».

Du côté de l’établissement scolaire, l’on est catégorique aussi : la jeune fille n’a jamais été violente à l’école et n’est liée à aucune histoire de bagarre. «Li enn zanfan trankil, kouma tou zanfan.» Cependant, il est sûr que la réputation de l’établissement a pris un sale coup avec cette vidéo.

Selon plusieurs sources dans l’entourage de la fille, cette dernière a fait comprendre qu’elle ne souhaitait plus se rendre au collège, de peur d’être l’objet de moqueries. «Vous imaginez ce qu’elle peut ressentir quand elle voit tout ça ?» Néanmoins, personne n’a voulu donner plus de détails sur la jeune fille. «Li ti kontan kozé mé zamé li finn koz lor so fami, ni so lakaz. Li pa ti paret enn tifi a problem», relatent ses amies intimes. «Ki lavénir pou li aster, sirtou si li népli vinn lékol ?» se demandent plusieurs proches compatissants.

Autre vidéo, celle d’une agression qui s’est déroulée en septembre dans un autre établissement du Sud. Les parents de la victime ont porté plainte. Mardi, en visionnant une scène de violence dans une école, cette habitante de Rivière-des-Anguilles est tombée des nues. Elle y découvre sa fille, âgée de 14 ans, encaissant des coups qui pleuvent, alors que plusieurs collégiennes l’entourent, sans néanmoins lui porter secours. Toute la scène a été tournée pendant la récréation l’an dernier, alors que la jeune victime se trouvait avec ses amies sur le terrain de foot du collège.

«Une amie est venue me demander si ma fille était à l’école. (...) Elle m’a dit que ma fille a été agressée», raconte la mère de la collégienne. En regardant les images, elle se rend compte qu’il s’agit de l’agression dont avait été victime sa propre fille il y a des mois. Selon la mère, l’adolescente, qui a également vu la vidéo qui vient de faire surface, est traumatisée. «J’ai dû l’emmener chez un psy. Elle a peur et elle ne s’est toujours pas remise de cet incident

Au dire de la victime, des collégiennes sont venues la rejoindre alors qu’elle se trouvait en compagnie de ses amies. L’une d’elles, une habitante de Baie-du-Cap, aurait commencé à la malmener, avant de la gifler. «Mo’nn gagn laraz ar twa, to pa pé rod kozé. Mo dir twa to koz fran ek mwa, mo pa ti pou tap twa», lui aurait-elle lancé, avant que ses deux amies se joignent à la bagarre. La victime a encaissé plusieurs coups de poing, des gifles et a été tirée par les cheveux.

En septembre 2018, ses parents avaient déjà porté plainte. Puis, ils avaient décidé de ne pas aller de l’avant. Après la diffusion de la vidéo, ils ont toutefois changé d’avis. Ils ont à nouveau porté plainte, mardi soir, au poste de police de Souillac. L’adolescente s’y est rendue en compagnie de sa mère. Mais toutes les plaintes du monde ne pourront effacer ces images qui continueront à tourner en boucle dans les limbes d’Internet.