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Marie Ythier: le violoncelle, à la fois sa voie et sa voix
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Marie Ythier: le violoncelle, à la fois sa voie et sa voix
Le 28 juin, la Française d’origine mauricienne Marie Ythier, violoncelle soliste et enseignante au conservatoire d’Aulnay-sous-Bois en France, présentera son cinquième album. Intitulé «Une rencontre», le disque établit un pont entre le compositeur contemporain Tristan Murail et le compositeur allemand du XVIIIe Robert Schumann. Portrait de Marie Ythier au lendemain de la Journée internationale de la musique.
Son album Une rencontre (Divine Art Recording Group, Naxos distribution) a commencé à recevoir des revues élogieuses de plusieurs médias et non des moindres, à savoir le Times, la Radio 3 de la British Broadcasting Corporation (BBC), Musiq3 de Belgique et France Musique. D’autres interviews de presse se mettent actuellement en place. Marie Ythier est ravie, car cela fait deux ans qu’elle travaille sur ce projet. «Je suis très flattée que la BBC en particulier mais aussi France Musique et le Times, etc. aient eu des mots aussi élogieux, une curiosité et une analyse aussi fine de mon projet de disque Une rencontre. Après deux ans de travail, c’est une grande joie de pouvoir le partager et de sentir que les gens, la presse, l’apprécient avec autant de plaisir que j’ai eu à le jouer et que nous avons eu, Tristan Murail et moi, à l’imaginer», raconte par courriel cette jeune femme de 33 ans dont le grand-père était Mauricien.
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Elle est l’aînée de trois filles et si elle est née en Normandie, c’est à Paris qu’elle a grandi. Son milieu familial l’a formatée et est grandement à la base de son amour pour la musique car son père, qui exerce comme ingénieur, est musicien amateur. Il joue de la clarinette, de la guitare classique et folk et chante le gospel de temps à autre. Intéressé par la lutherie, il a aussi fabriqué un luth de l’époque Renaissance qu’il joue régulièrement. Si la mère de Marie Ythier est professeur d’économie, elle a la fibre artistique tout aussi développée car aussi longtemps que s’en souvienne sa fille aînée, elle peignait des tableaux. «Quand j’étais petite, mon père jouait de la clarinette. Je me souviens que nous mettions des cassettes. Mes soirées d’enfance ont été bercées autant par Bob Marley que par le concerto pour clarinette de Mozart !» raconte la violoncelliste.
Vers l’âge de cinq-six ans, elle veut prendre des leçons de piano mais il n’y a plus de places disponibles dans ce cours. Sa mère connaissant le directeur du conservatoire, elle prend conseil et celui-ci la dirige vers Pierre Bodin, professeur de violoncelle. Ce dernier apprend à Marie Ythier les bases de la maîtrise de l’instrument durant une dizaine d’années. «C’est lui qui a installé de manière définitive mon amour de la musique et plus particulièrement du violoncelle.»
Si Marie Ythier s’était écoutée, elle aurait lâché le cycle secondaire pour la musique car elle maîtrise bien son instrument et a eu le déclic pour le violoncelle. «J’ai su que le violoncelle serait mon compagnon de vie musicale pour toujours.» Mais sa mère tient à ce qu’elle décroche son baccalauréat, même si elle était déjà bien avancée au conservatoire. «Mais au lycée, je me suis débrouillée pour avoir un emploi du temps digne d’une filière à horaires aménagés en intégrant un cursus d’histoire de l’art», relate la violoncelliste.
Après le lycée, Marie Ythier intègre le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon. Elle est souvent appelée à remplacer son professeur au conservatoire et en parallèle à ses études, elle donne des cours de violoncelle. Au final, elle obtient une licence et un Master. S’il lui arrive parfois de douter d’elle, elle retient surtout «la joie et l’émerveillement de pouvoir m’exprimer à travers le violoncelle. C’est ma voie et aussi ma voix». Son Master en poche, elle embraye avec un cycle de perfectionnement au Conservatoire national supérieur de musique de Paris pour l’obtention d’un diplôme de troisième cycle.
À la fin de ses études supérieures, elle obtient un poste de professeur de violoncelle au conservatoire Frédérique Chopin. Marie Ythier n’est jamais à court d’élèves. «Les étudiants choisissant le violoncelle sont nombreux et ils ont bien raison car notre répertoire s’est bien développé et c’est un instrument merveilleux et aux possibilités infinies !» Elle ajoute qu’il y a actuellement beaucoup de violoncellistes qui ne se cantonnent pas à la musique classique mais qui jouent dans des groupes d’électro, de rock, de pop, voire de jazz. «C’est un instrument très tendance.»
Comme elle se produit en soliste et en musique de chambre, Marie Ythier a un agent artistique qui gère sa carrière. Étant une violoncelliste très douée, elle n’a aucun mal à obtenir des contrats de concerts en solo et de concerts de musique de chambre en France et en Europe. Mais intégrer un grand orchestre n’est pas pour elle. «J’adore jouer mais j’aime aussi transmettre. Je pense que les récitals, concertos et projets de musique de chambre correspondent mieux à ma personnalité musicale et à mon tempérament. C’est la raison pour laquelle je ne joue pas dans un orchestre.»
En 2013, au sein du Duo Denisov, elle sort son premier album Bestiaire pour saxophone et violoncelle et bénéficie du soutien de la Fondation Meyer pour le développement culturel et artistique. L’année d’ensuite, toujours avec le concours de la même fondation, Marie Ythier participe à l’enregistrement d’un deuxième album qui s’intitule DAI Répertoire contemporain et création volume 1. Le volume 2 sort en 2015, de même que son album solo Le Geste Augmenté pour violoncelle solo et électronique sous le label Evidences Classics, disque qu’elle qualifie de «très contemporain».
Ce même label a une fois de plus fait appel à elle il y a deux ans pour qu’elle fasse un nouveau disque. «J’ai accepté car c’était le bon moment pour moi, à condition de faire le programme qui me plaisait et dont j’avais une petite idée en tête... !» Ayant travaillé durant les dernières années avec beaucoup de jeunes compositeurs, Marie Ythier a pour habitude d’«expérimenter tous les possibles du violoncelle. Cette fois, j’avais envie de trouver dans la musique contemporaine un langage qui soit novateur mais qui tienne aussi compte du timbre traditionnel de l’instrument dans ce qu’il a de plus simple et de plus essentiel et de l’assumer.»
C’est à ce moment-là qu’elle a croisé la route du compositeur français Tristan Murail, «considéré comme l’un des plus grands», précise-t-elle et réalise que sa musique correspond parfaitement au désir musical qu’elle a. Par ailleurs, comme elle joue souvent des programmes de concerts alliant musiques contemporaine et classique, elle veut d’un disque qui lui ressemble. «J’avais également envie de présenter aux gens mes goûts pour la musique romantique et pour la liberté sans avoir à suivre des schémas déjà tracés.»
Elle propose alors à Tristan Murail de faire une rencontre avec Robert Schumann. «Il y avait beaucoup de similitudes compositionnelles qui me plaisaient chez eux et j’avais envie d’une forme libre, soit la rencontre de solos avec des pièces de musique de chambre.» Tristan Murail lui écrit à sa façon une relecture des Scènes d’enfants de Schumann. «Ce disque, c’est aussi notre rencontre compositeur-interprète et c’est un moment précieux de ma carrière.» Elle s’entoure de ses partenaires musicaux que sont Marie Vermeulin au piano et Samuel Bricault à la flûte et enregistre Une rencontre dont la sortie internationale a eu lieu hier.
Après le lancement du disque, l’emploi du temps de Marie Ythier est parsemé de déplacements: concert avec l’orchestre de Lyon, festival Jazz à Vienne, animation de Masterclasses de violoncelle pour l’académie internationale d’été de Flaine dans les Alpes, récital au festival Messiaen au Pays de la Meije, concert au festival de Dinan en Bretagne. Et il est prévu qu’à partir d’octobre, elle ait des concerts au Mexique et à Shanghai en Chine.
Et les vacances à Maurice dans tout cela ? «Maurice me manque. Mon dernier voyage pour voir ma famille qui y vit était en février 2017 et j’y reviendrai probablement en février 2020. J’essaie de revenir à Maurice tous les trois à quatre ans en moyenne.» À quand un concerto chez nous ? «J’espère très prochainement, avec un immense plaisir. J’aimerai aussi venir avec Tristan Murail afin de présenter sa musique aux étudiants du conservatoire et les sensibiliser à la création. Je serais extrêmement honorée de jouer à Maurice car c’est le pays de mon cœur…»
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