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Rencontre: Lokee, 22 ans, «Travay maniel pa enn laont»

23 juin 2019, 21:00

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Rencontre: Lokee, 22 ans, «Travay maniel pa enn laont»

Il est timide, n’aime pas parler de lui. Une chose ne lui fait pas peur : le travail. Pour ne pas être au chômage, il a appris à tout faire. Rencontre avec «enn ti zenes traser».

Dimanche matin. Les poules font la grasse matinée, lui, il est perché sur un mur, il bosse dur. Pour gagner sa vie, Yovind Deenarainsing lave des voitures, nettoie des cours et jardins, colmate les murs, travaille dans une pizzzeria le soir. Il a également été boulanger, aide-mécanicien, peintre. Lokee, comme l’appellent proches et potes, a 22 ans.

Il est timide, respectueux, plus poli qu’un galet resté longtemps près d’une rivière. Il sourit, baisse la tête, ne sait pas trop par où commencer quand vient l’heure de se confier. «Bizin trasé, sinon tasé.»

Il s’essuie le front de la manche de son T-shirt vert, jette un coup d’œil aux nuages gris. Lokee a étudié jusqu’à la Form VI. «Mo ti pé fer business, accounts, fransé main ek maths sub. Monn pasé zis dan fransé ek General Paper.»

Il a bien essayé de trouver du boulot après, a envoyé des CV un peu partout. Mais on n’a pas voulu de lui, on lui a dit qu’il y avait trop de diplômés sur le marché. Il n’est pas resté les bras croisés, s’est bougé. «Dépi toultan mo préfer travay maniel. Pa enn laont sa. Ena zenn trouv sa dégradan, pa mwa.»

Lokee a commencé par mettre la main à la pâte dans une boulangerie. Plus tard, il aimerait avoir la sienne. Il esquisse un sourire rêveur, déterminé. Mais avant, il compte lancer son petit business. «Mo pou okip tou séki antretien, lakour, lakaz. Monn koumans aster grinder, tondez, tronsonez.»

La recette du bonheur

Il est 9 heures à peine, il a déjà quelques billets de Rs 100 dans les poches. Par jour, il se fait entre Rs 500 et Rs 1 000. «Pa toulezour gagn travay, mé kan gagné, zamé mo pa réfizé, mem Samdi-Dimans.»

Quand il ne travaille pas, le prince des travaux en tous genres enfourche son fidèle destrier – son vélo – explore les coins et recoins de l’île. Il voyage dans sa tête, a de l’ambition. Le reste de son temps libre, il le passe en compagnie de son meilleur ami, à s’empiffrer de «gato dou», à jouer à des jeux de société.

Le Quatrebornais habite toujours chez ses parents. «Mo papa travay sofer, mo mama travay dan enn restoran, mo ser estétisyenn ek mo frer ankor lekol.» Pas de «35» à l’horizon pour le moment, il a d’autres préoccupations.

La sonnerie de son portable concurrence le chant d’un martin enrhumé. À l’autre bout du fil, un client. Pendant que d’autres iront à la plage, déjeuner en famille, Lokee, lui, veillera à remplir la panse de son porte-monnaie. De l’argent, il essaiera d’en mettre de côté, pour pouvoir réaliser ses projets.

Une pluie fine montre le bout du nez. Sur le front de Lokee, perlent quelques fines gouttelettes de sueur. L’humilité et la simplicité : voilà, selon lui, la recette du bonheur.