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Chenita et Manisha Gopaul de Bake My Cake: une partition gourmande à quatre mains
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Chenita et Manisha Gopaul de Bake My Cake: une partition gourmande à quatre mains
Si vous êtes en quête d’un gâteau alliant raffinement extrême dans l’exécution et finesse incomparable au niveau du goût, il ne faut pas chercher bien loin. Bake My Cake est ce qu’il vous faut. Derrière cette enseigne se cache deux sœurs qui se sont piquées de pâtisserie, à savoir Chenita et Manisha Gopaul.
Ces trentenaires ne sont pas jumelles mais c’est tout comme. Manisha Gopaul s’empresse de préciser qu’il y a deux ans et demi d’écart entre elle et son aînée. Chenita a beau dire qu’elles ne sont jamais d’accord, si ce n’est sur les gâteaux mais cela ne se voit pas, ni ne s’entend lorsqu’elles se racontent. Au contraire, elles paraissent très complices.
Ces Quatre-bornaises ont grandi entourées de leur grand-mère paternelle, qui était très disciplinée, de leur mère Sarita, infirmière dans le public et en fin de carrière dans le privé et de leur père Navin, employé du secteur portuaire, aussi strict que sa mère.
Tout le monde aime faire bonne chère chez les Gopaul et chaque membre de la famille a sa spécialité. Pour Sarita, ce sont les pâtisseries indiennes et européennes, pour Navin, la cuisine chinoise tandis que la mère de ce dernier faisait des «crêpes incomparables» qu’elle cuisinait sur feu de bois après avoir fait son propre charbon.
Aux plaisirs de la table s’ajoute l’amour des bêtes. Dans la cour familiale, les poules, chiens, pintades et lapins faisaient bon ménage, même si aujourd’hui il ne reste plus que les chiens, chats et poissons. Manisha a le goût des bêtes encore plus prononcé car en sus de leurs propres animaux, elle nourrit les animaux errants et même au chien du voisin.
Chenita se destine à la danse, plus particulièrement au manipuri. C’est donc au Mahatma Gandhi Institute qu’elle fait son entrée. Si au début, les cours lui plaisent, au bout de trois ans, elle réalise que cette danse requiert souplesse et efforts trop intenses pour elle. «Je voulais des paillettes mais pas des efforts qui vont avec». Elle change alors son fusil d’épaule et opte pour l’art et le design car elle pense initialement pouvoir vivre de ses futurs tableaux.
Manisha elle fréquente le collège Dunputh Lallah SSS où elle opte pour des sujets scientifiques et le Home Economics. Comme elle veut conserver cette dernière matière et qu’il ne figure pas au programme d’études de la Form VI dans son collège, elle fait sa Form VI au collège St Andrews.
Chenita réalise vite qu’elle ne pourra pas vivre de son art. Lorsqu’elle termine ses études au MGI, elle veut intégrer l’hôtellerie car elle se voit bien chef en cuisine. Si ses parents sont d’accord, la famille élargie estime que ce n’est pas la place pour une jeune fille. Un ami lui fait part que De Chazal Dumée Business School va offrir des cours en Visual Communication et elle se laisse tenter. Acceptée, pendant trois ans, elle suit les cours en Advertising et Marketing. De son côté, Manisha veut être vétérinaire mais elle ne veut pas abandonner la Food science. Donc, lorsqu’elle termine sa Form VI et contrariée par le fait qu’elle non plus ne pourra pas intégrer l’hôtellerie, pour s’occuper, elle suit un cours d’International Air Transport Association.
Lorsqu’elle obtient son diplôme en publicité et marketing, Chenita ouvre son agence de publicité qu’elle baptise CM Design. Autant son père a énormément de contacts, autant il refuse de lever le petit doigt pour l’aider à démarrer son entreprise. «Mon père qui avait vu sa mère élever seule ses quatre enfants car son père à lui, qui était garde-forestier, a passé de longues années en Tanzanie, disait toujours qu’il fallait que nous réussissions par nos propres moyens. D’ailleurs, il nous a rendus autonomes. Si bien que Manisha et moi savons manier une perceuse, changer une ampoule électrique ou une serrure. Il nous voulait indépendantes».
Si Chenita galère au départ pour se constituer son portefeuille de clients, le premier à lui donner sa chance est Esko pour qui elle traduit l’univers des dessins animés sur les emballages de biscuits et de chocolats. Son plus gros client d’affaires est la SIC. Manisha qui veut donner un coup de main à sa sœur intègre le CM Design et s’occupe de l’administration et du marketing. En parallèle, elle prend des cours de marketing à mi-temps auprès du Charles Telfair Institute. Les deux sœurs travaillent bien ensemble et apprécient l’univers de la publicité avec ses délais serrés et ses négociations avec les annonceurs. Comme dérivatif et pour se détendre, elles suivent un cours de pâtisserie de base avec le chef Célestin à Castel.
Ce qu’elles aiment moins en revanche au niveau professionnel, c’est qu’autant elles respectent les délais de livraison, autant les paiements qui leur sont dus tardent à venir. Elles doivent donc harceler certains clients à la main lourde pour se faire payer. Et puis la récession frappe les agences de publicité en 2012. Chenita choisit ce moment pour se marier. Autant jusque-là, dans son univers professionnel, elle n’avait pas d’heure pour boucler une campagne, depuis qu’elle est mariée, elle doit ajuster ses horaires pour mener à bien sa vie de couple. Sa grossesse subséquente est difficile. Chenita accouche prématurément d’un petit garçon. A partir de là, sa priorité devient sa famille et elle délaisse l’agence qu’elle sait entre les mains de Manisha. Elle se dit que dans trois mois, à la fin de son congé de maternité, les choses iront mieux et elle pourra reprendre son train de vie professionnel. «Dans notre tête, nous allions vivre de la publicité jusqu’à notre retraite et après, on aurait fait des cookies et quelques gâteaux que nous aurions vendus.»
Manisha gère tant bien que mal l’agence de publicité mais elle en a marre de courir derrière les mauvais payeurs. Voyant à quel point elles nagent à contre-courant, leur père n’arrête pas de les encourager à tout arrêter pour faire de la pâtisserie. Il va jusqu’à mener Manisha dans un magasin d’électroménagers et la conseiller sur la batteuse électrique à acheter. Quatre jours après, Navin Gopaul décède. Sa famille est tétanisée. Ses filles sont totalement débalancées par la disparition de ce père avec qui elles n’ont pas toujours été sur la même longueur d’ondes mais qui a eu un si grand impact sur leurs vies.
Pendant deux ans, elles végètent jusqu’à ce que Manisha décide d’écouter son défunt père et de se lancer dans la pâtisserie. Chenita a du mal à se projeter dans ce métier car elle pense qu’elles ne parviendront pas à gagner convenablement leur vie. Et puis, elle ne se voit pas passer d'un emploi à col blanc à artisane. Elle finit par se laisser convaincre.
Leur père a, sans le savoir, bien fait les choses car l’étage est calqué sur le rez-de-chaussée et elles se mettent à préparer des petits fours salés et des gâteaux sucrés à l’étage. Elles créent une page Facebook et l’annoncent. Pendant les six premiers mois, elles sont soutenues par leurs proches, leurs voisins et leur réseau d’amis. «Nous avions un oncle qui achetait au moins 500 samoussas par mois. C’était à se demander s’il mangeait tout cela», raconte Manisha en riant. Pour pouvoir offrir un produit frais, elles devaient souvent passer des nuits blanches. Mais malgré cela, leur passion pour la pâtisserie a pris le dessus de tout.
Elles finissent par réaliser qu’elles ne peuvent proposer un si large éventail de gâteaux salés et sucrés et qu’elles doivent se spécialiser. «Nous nous sommes posées et avons décidé d’une stratégie et de notre marketing comme on le faisait dans la pub». Elles décident alors de faire des gâteaux d’anniversaire simples où à étages, quatre étant leur maximum, décorés avec des figurines en pâte à sucre en forme d’animaux de la jungle ou de personnages de dessins animés, des Party cakes, des gâteaux pour baptême et fête prénatale. Ainsi, elles créent à un millimètre près le gâteau de vos rêves.
Avant de faire un rebranding en décembre 2016 et lancer l’enseigne Bake My Cake en janvier 2017, les deux sœurs font des essais avec les différentes pâtes à gâteaux, avec la pâte à sucre et l’humidité acceptable pour que les figurines ne fondent pas, les différentes crèmes, le chocolat. Elles décident alors de se répartir les tâches. Ainsi, Manisha prépare les différentes pâtes à gâteaux, y met tout ce qu’il faut – des ingrédients locaux de premier choix, hormis pour le chocolat qui est importé de Belgique ou de Suisse - et elle supervise la cuisson au four. Une fois le gâteau prêt, elle passe la main à Chenita qui s’occupe de la décoration et réalise les figurines à la main. Etant friande de dessins animés, Chenita qui a fait de la sculpture au MGI, a développé une maîtrise parfaite de la réalisation des figurines en pâte à sucre. Cela lui prend entre trois et cinq heures pour les réaliser et cela impacte sur le prix final du gâteau. «Quand je suis devant un gâteau, j’intègre le monde du dessin animé. Je laisse parler mon imagination et mes mains et c’est comme si que je raconte une histoire. Je ne m’étais pas rendue compte mais je suis née pour travailler la pâte à sucre.»
Elles ne veulent pas produire en masse. «Nous voulons proposer des gâteaux qui vont séduire au niveau du coup d’œil et procurer une explosion de saveurs en bouche.» Pour que leurs produits soit de prime fraîcheur, elles s’activent de nuit. «Si un client veut son gâteau à 10 heures, cela signifie que nous aurons passé une nuit blanche à le préparer pour qu’il soit livré à temps.»
Dès qu’elles affichent sur Facebook les photos de chaque gâteau qu’elles confectionnent à quatre mains, les commandes pleuvent. Si bien que leur calendrier est souvent rempli. De ce fait, elles exigent que les commandes soient passées et la moitié du paiement effectuée un mois et demi à l’avance. «Tout se fait par réservation via Messenger et tout est écrit noir sur blanc pour que ce soit une win-win situation autant pour le client que pour nous.»
Les deux sœurs ont finalement trouvé leur voie et se sentent enfin dans leur élément. «Nous sommes à notre place.» Les gâteaux de Bake My Cake sont des œuvres d’art. Jugez-en vous-mêmes.
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