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Alexandre Béchard: «Nous ne sommes pas en concurrence directe avec les banques»
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Alexandre Béchard: «Nous ne sommes pas en concurrence directe avec les banques»
Alexandre Béchard situe le lancement de Fundkiss, une plateforme de crowdlending qui a l’ambition de démocratiser le financement des PME. Loin de concurrencer les institutions financières classiques, la société, dit-il, souhaite offrir «la simplicité et la visibilité» dans l’expérience de crédit d’un entrepreneur tout en sachant que le prêt peut être risqué.
Le crowdfunding se veut être une transaction financière qui fait appel à un grand nombre de personnes afin de financer un projet. Fundkiss, dont vous êtes le cofondateur, opère dans ce créneau d’activités. Pourquoi cette démarche ?
Il faut préciser qu’il existe quatre grandes familles dans le crowdfunding (ou financement participatif) : le don, la récompense, l’investissment en capital ou equity et le prêt ou le crowdlending.
Fundkiss est une plateforme de crowdlending, c’est-à-dire que nous permettons aux entreprises mauriciennes d’emprunter directement auprès d’investisseurs particuliers et institutionnels à travers notre plateforme. Ces investisseurs ont, quant à eux, l’opportunité d’investir une partie de leur épargne dans des entreprises et des projets auxquels ils croient vraiment et qu’ils comprennent.
Nous nous sommes lancés en août 2018 avec pour ambition d’aider les entreprises mauriciennes à grandir en simplifiant et en démocratisant leur financement. Nous opérons sous une Regulatory Sandbox Licence («RSL») délivrée par l’Economic Development Board. Cette licence nous permet d’opérer dans un cadre spécifique et en toute transparence.
Fundkiss opère dans les services financiers et s’appuie sur le crowdfunding pour financer les petites et moyennes entreprises. Pourquoi limiter votre intervention uniquement aux PME ?
Il y a tellement à faire aujourd’hui pour mieux servir les Très petites entreprises (TPE) et les Petites et moyennes entreprises(PME) qui sont au coeur de l’économie mauricienne. Elles représentent 54,6 % de l’emploi et contribuent à 40 % de notre PIB. Leur rôle est prépondérant dans le tissu économique local, mais leur accès au crédit bancaire demeure compliqué. Comme en témoigne le dernier classement de la Banque mondiale où Maurice est classé en 20e position pour le «Ease of Doing Business» mais 75e pour l’accès des entreprises aux financements. Il y a donc un réel problème et un besoin d’apporter des solutions pour mieux accompagner ces entreprises.
Les grands groupes ont l’habitude de se financer partout, de faire des «infidélités» à leurs banquiers car ils ont les moyens de le faire. Or, pour les TPE et les PME, le crédit bancaire est souvent l’unique option. C’est pour cela que nous souhaitons leur offrir une solution alternative au financement avec Fundkiss.
Notre promesse est de donner à l’emprunteur/l’entrepreneur de la simplicité et de la visibilité dans son expérience de crédit pour qu’il puisse se concentrer sur son business et faire grandir son entreprise.
Estimez-vous que ce nouveau mode de financement soit largement accepté aujourd’hui par les opérateurs économiques ?
Notre solution de financement est tout à fait nouvelle dans le paysage économique local. Jusqu›à notre lancement en août 2018, le crédit aux PME était le monopole des banques commerciales. Il y a donc un énorme travail de pédagogie et d’éducation auprès des entrepreneurs et patrons de PME pour qu’ils changent leurs habitudes.
Pour ce faire, nous travaillons sur la mise en place d’une communauté de partenaires afin de présenter notre solution et d’échanger des leads : banques, cabinets comptables, conseillers en financement, organisation patronale, organisation gouvernementale, incubateurs, etc.
Mais Fundkiss commence à être connue et adoptée par des entreprises qui comprennent les avantages de notre solution en termes de simplicité et de rapidité de financement. Par exemple, les trois derniers projets que nous avons mis en ligne ont été financés chacun en moins de 72 heures. Cette rapidité dans les collectes signifie aussi que les investisseurs sont de plus en plus à l’aise avec notre solution et n’hésitent pas à financer plusieurs projets. Il y a un intérêt d’investir dans l’économie réelle, dans ces entreprises qui font le tissu économique local et auxquelles nos investisseurs croient.
Fundkiss concurrence directement les institutions financières traditionnelles. Comment comptez-vous vous y prendre pour encourager les opérateurs en manque de financement à se tourner vers votre plateforme au lieu d’avoir recours à une banque ?
Nous ne sommes pas en concurrence directe avec les banques. Nous nous voyons plus comme un complément ou une alternative au financement bancaire classique. Nous essayons d’ailleurs d’établir des partenariats avec elles afin de mieux servir ensemble les PME mauriciennes. Certains entrepreneurs ne peuvent pas être financés par une banque, soit parce que le délai est trop long, soit parce que le financement proposé n’est qu’à hauteur de 80 %, soit parce qu’une garantie est demandée et que la PME ne peut la fournir… C’est ici que Fundkiss intervient et travaille en complémentarité avec les banques.
Indépendamment du potentiel de collaboration avec le secteur bancaire classique, notre promesse client repose sur trois axes : la simplicité dans le parcours de financement en ligne et dans l’interaction avec notre équipe, la rapidité dans les réponses données et le financement, et la transparence vu que prêteurs et emprunteurs ont accès à toutes les informations sur nos critères de sélection, nos taux d’intérêt ainsi que sur notre processus de financement.
On souhaite que l’entrepreneur comprenne que chez Fundkiss on parle le même langage. On veut lui faire comprendre que chez nous il n’y aura pas de charabia, on parlera de son besoin, et uniquement de son besoin.
Au moment où certaines institutions bancaires sont confrontées à des créances douteuses aux proportions alarmantes, comment la société compte-t-elle se protéger face aux défauts de paiement ?
Le prêt aux PME est une activité risquée et la meilleure stratégie d’investissement pour réduire le risque de perte en capital est la diversification des investissements. Nous la conseillons à tous nos prêteurs car cela est crucial afin de minimiser l’impact des défauts.
Par ailleurs, en cas de retard de paiement ou de défauts, notre équipe privilégie toujours le dialogue afin que l’emprunteur régularise dans les plus brefs délais sa situation. En cas de non coopération, nous référons le dossier à notre partenaire de recouvrement et des poursuites judiciaires sont engagées si nécessaire.
Aussi, nous avons mis en place un Safeguard Fund afin d’indemniser en partie les investisseurs ayant participé au projet en difficulté. C’est pour minimiser ces défauts que nous effectuons un suivi rigoureux des dossiers financiers afin d’anticiper d’éventuelles difficultés de remboursement.
À terme, comment voyez-vous le crowdfunding comme un nouveau pilier économique ?
Notre activité, le crowdlending, s’inscrit dans un mouvement global, celui de la fintech, qui bouscule l’ensemble de l’industrie bancaire. Le mouvement n’en est qu’à son début à Maurice, mais la tendance peut s’accélérer très rapidement. Il n’y a qu’à voir le nombre de start-up qui ont obtenu au cours des derniers mois une licence sous le RSL et qui opéreront dans les mois à venir.
L’arrivée de nouveaux acteurs non bancaires sur ce secteur ne peut être que bénéfique pour les consommateurs car elle favorisera plus de transparence et une diminution des charges, frais et surcoûts divers générant des profits importants pour les acteurs historiques.
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