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Confidences: «Escort girl» et maman
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Confidences: «Escort girl» et maman
Elle a 26 ans. Et rêvait d’une autre vie. Elle nous accueille dans une petite pièce, prête à recevoir son premier client de la soirée. Maquillage, extensions dans les cheveux, robe moulante, sont de sortie. Comme chaque jour de «travail». Il faut à tout prix qu’elle soit désirable. Mais il ne faut surtout pas qu’on la reconnaisse. Car sa famille ne sait pas qu’elle est escort girl…
Emilie (prénom d’emprunt) avait tout pour être heureuse. Un mari aimant et une jolie petite fille, âgée aujourd’hui de trois ans. Son monde s’est écroulé quand son époux est décédé, il y a un an. «Monn perdi lamour de ma vie dan enn aksidan…» Du jour au lendemain, elle était seule. «Je ne pouvais compter sur mes proches, je viens d’une famille pauvre. D’ailleurs, avec l’argent que je gagne maintenant, j’arrive à aider financièrement ma mère et payer les études de ma petite sœur…»
Mère à plein-temps durant la journée, elle délaisse les tâches ménagères et les biberons, une fois la nuit tombée. «Mo kit mo tifi ek enn nounou. Mo dir mo fami mo travay dan enn restaurant dan lénor…»
Cet univers, elle l’a connu grâce à une amie, elle aussi escort girl. Elle a recommandé Emilie à un salon de massage, au début. «J’étais naïve. J’y suis allée sans arrière-pensée. Tout a rapidement dégénéré. Je n’en pouvais plus.» Le dégoût total de soi, elle l’a connu. «Je crois que toute les femmes comme moi sont passées par la même phase. Tu n’arrives même pas à te regarder dans le miroir après avoir vendu ton corps pour la première fois. Mais ça passe après deux ou trois fois. Et ma motivation, c’est mon ange, ma maman, ma sœur…»
La chose qui l’a le plus marquée ?«Il y avait ce haut cadre qui venait régulièrement. Dans la chambre, il se faisait passer pour une femme, portait de la lingerie, du maquillage, du vernis à ongles, des talons. Une façon de se défouler, racontait-il, pour pouvoir satisfaire sa femme une fois à la maison.»
Elle quitte alors le salon de massage. Pour elle, devenir escort girl allait être moins dur, moins brutal. Car le principe, à la base, c’est que la «soirée» ne se termine pas au lit. «Sauf qu’ici, ce n’est pas le même concept. Vous êtes obligée de ravaler votre dignité et vous plier aux exigences des clients. On nous prend pour des prostituées, la seule différence c’est qu’on ne fait pas le trottoir.»
Elle enchaîne les sorties. Puis un soir, elle tombe sur un «monstre». Qui la poussera par la suite, à faire une tentative de suicide. «Il était de forte corpulence. Par son apparence, il semblait être un homme éduqué. Dans cette chambre d’hôtel, alors que j’ai refusé la sodomie, ne l’ayant jamais pratiquée avant, il m’a immobilisée, ma prise de force et je n’ai rien pu faire pour m’en sortir. Pourtant, j’ai essayé. J’ai lutté de toutes mes forces. Boukou pou dir mo mérit li. Me okenn fam pa mérit sa.» La «bête» l’a aussi brutalisée et battue.
Pour sa fille
Le ton change, son sourire disparaît, de nature chaleureuse, Emilie se renferme sur elle-même. Une blessure qui ne semble pas guérir, même avec le temps. «Monn esay swisidé apré sa. Mais j’ai pensé à ma fille. Elle allait être orpheline. Je veux être là pour elle, la protéger pour qu’elle ait le meilleur et qu’elle ne finisse pas comme moi.»
Emilie n’a jamais pu porter plainte. «Ki mo ti pou al dir lapolis ?» Or, raconte la jeune femme, elle n’est pas la seule dans ce cas. Tout récemment, une de ses amies a vécu le pire. «Lors d’une de ses sorties, elle s’est fait violer par quatre hommes. Elle n’a rien pu faire. Ni pour que ces personnes paient pour ce qu’elles ont fait.»
Il arrive qu’elle rencontre des personnes plus humaines. «Ena bann zom ki santi zot tousel, ki vinn get nou pou koz-kozé. Ena vinn deman nou konsey apré al zot lakaz.» Des femmes font également appel aux services d’Emilie. «Li kapav pli intim mé ena pli boukou vini pou demann konsey pou satisfer zot mari.»
La jeune femme parvient tout de même à imposer quelques règles. «Pas de baiser, pas de câlin. Juste l’acte. Pou to fer plis ki sa bizin ena santiman ek mwa mo gard sa pou dimounn ki pou vinn dan mo lavi apré.»
Il y a cet homme qu’elle a rencontré il y a quelques mois. Qui lui a promis monts et merveilles. Il a même tatoué le nom d’Emilie sur son torse. «J’ai essayé. Mais les sentiments n’y étaient pas...»
Elle ne compte pas faire ce métier toute sa vie. Sa fille grandira un jour et elle ne veut pas qu’elle ait «honte» de sa maman. «Je projette d’ouvrir une pâtisserie prochainement. Une fois que j’aurai l’argent. Je suivrai aussi des cours en la matière pour me perfectionner.»
Des rêves, des projets… Et l’amour alors ? Après avoir vu défiler toutes sortes de pervers, de fétichistes et autres hommes mariés, il lui est difficile d’y croire. «Mé si demin mo gagn kikenn mo pou rakont li tou. Li pou bizin aksepté mwa ek mo passé. Et m’aimer pour ce que je suis.»
En attendant, elle se protège. Son meilleur ami, c’est le préservatif. «Même la fellation se pratique avec une capote. Je fais aussi des tests réguliers pour m’assurer que tout va bien.» Avec les femmes aussi, les risques d’infection ne sont pas à écarter. «Mo swazir bann klian bien avan mo fer kitsoz.»
L’argent dans tout ça ? Les affaires ne marchent pas très bien. «Ena mo bann kamarad ti pé gagn Rs 80 000 par mwa inn gagn inpé lané. Aster trop boukou fer travay-la, pri in bésé.» Par mois, elle se fait quelque Rs 35 000. Ses tarifs varient entre Rs 1500 et 2 000, dépendant de ce que demande le client. «Je peux prendre trois à quatre clients par nuit. Mais il est rare qu’on arrive à avoir tant de monde. Les sept jours pendant la menstruation sont exclus, bien sûr !»
A-t-elle songé ou essayé de faire autre chose ? «Avec mon SC, je n’ai pas beaucoup de choix. J’ai essayé les centres d’appels mais cela n’a pas marché. Et puis, il me faut suffisamment d’argent pour ma maman, ma sœur…» Et pour sa fille.
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