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JIOI 2019 - Ram Lollchand: «Il faut cibler les disciplines prioritaires porteuses de médailles d’or»

9 juillet 2019, 18:15

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JIOI 2019 - Ram Lollchand: «Il faut cibler les disciplines prioritaires porteuses de médailles d’or»

En sport, il y a un peu de parlotte et beaucoup d’actions. Ram Lollchand a été rangé aux oubliettes après une histoire de plagiat de discours alors qu’il était directeur des Sports au ministère de la Jeunesse et des Sports. Coup monté contre lui ? En tout cas, cela n’enlève en rien ses connaissances, ses actions et ses aptitudes, lui qui a été dirigeant sportif au sein d’organisations de sports d’élite depuis 1979. On en apprend beaucoup car il ne prend pas les pincettes pour dire ce qui ronge le sport et pourquoi Maurice stagne parfois dans les Jeux des Iles de l’océan Indien. Interview coup de poing ! 

 
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Que devient Ram Lollchand ?
Lorsque j’ai pris ma retraite du ministère en 2016, j’ai pris la responsabilité du centre international d’athlétisme de Maurice en remplacement de Vivian Gungaram. Je garde toujours un pied dans le sport, mais avec un peu plus d’accent dans l’athlétisme. 

Les Jeux des iles existent depuis 1979 et Maurice n’est jamais monté sur la première marche. Quels sont les facteurs qui jouent contre Maurice ?
Si on considère le nombre de médailles aux Jeux, les trois disciplines porteuses sont l’athlétisme, la natation et l’haltérophilie depuis qu’on est passé à trois médailles par catégories. A elles trois, elles totalisent environs 130 médailles d’or. Maurice était défavorisé au début sur le plan de la natation. En 1979, il n’y avait pas de piscine olympique et pour les nageurs mauriciens c’était difficile de rivaliser avec les Réunionnais. D’ailleurs ces derniers avaient raflé les 25 médailles d’or en jeu. On a progressé en natation mais pas d’une façon remarquable.

En athlétisme, Maurice a tiré son épingle du jeu. Quand Madagascar a rejoint la famille des Jeux en 1985, c’est devenu difficile pour les Mauriciens d’obtenir les même nombre de médailles. En deux occasions on a été à 10 médailles d’or du premier. Mais on n’a pas tiré les leçons des résultats. 

 

Et pourquoi cela ?
Le gros problème et je l’ai vécu moi-même, c’est qu’à chaque édition des Jeux, on commence à se préparer vraiment à une année de ces Jeux. Quand il y a eu la fin des Jeux de 2011, logiquement, il fallait déjà commencer à préparer en 2012 pour l’édition de 2015. Les gouvernements qui se sont succédé n’ont jamais accordé un budget de préparation additionnelle plus d’une année avant les Jeux que ce soit pour les sports collectifs ou individuels.

Lorsque les sportifs des autres pays, comme la Réunion, peuvent préparer les Jeux, trois ans avant, à Maurice on se contente de compétitions locales et rien de spécial en terme de stage. Connaissant le processus de préparation, on ne peut pas tout faire en une année. La préparation est continue. On ne peut pas s’arrêter pendant deux ans et dire qu’on va continuer après. Dans les sports collectifs, lorsqu’on leur demande de mettre sur pied une présélection, il y a une certaine réticence. Alors que dans d’autres pays, il y a des regroupements tous les ans. Une présélection est dynamique car certains viennent et d’autres partent. 

En 2011, les Seychelles avaient envoyé pratiquement toute leur délégation en Chine pour les sports individuels et en France pour les sports collectifs et avaient décroché le plus grands nombres de médailles d’or. Idem pour Madagascar en 2007. 

Vous avez connu plusieurs ministres des Sports depuis 1979, lequel a été vraiment efficace ?
Certains ministres étaient plus impliqués dans le sport que d’autres. Michael Glover ne comptaient pas uniquement sur le financement du gouvernement. Avec ses contacts et les sponsors, il avait trouvé les moyens d’envoyer des athlètes à l’extérieur. Dans les autres éditions, on n’a pas vu ce dévouement et cette implication personnelle. 

Michael Glover était-il le seul qui s’intéressait aux sportifs ?
Tous les ministres vous diront qu’ils s’intéressaient à eux. Mais Michael Glover était proches des athlètes, il descendait sur le terrain, il les écoutait, il n’attendait pas que les athlètes viennent le voir. Je me souviens que les autres pays enviaient Michael Glover. A la CONFEJES et au Conseil du sport suprême en Afrique, deux instances qu’il a présidé, un directeur de Cabinet de la France m’avait dit que si on avait un ministre comme lui en France, on aurait fait des merveilles. 

Michael Glover avait le sport à cœur. Ce n’est pas quelqu’un qui a commencé à aimer le sport quand il est devenu ministre des Sports. Il était lui-même athlète de haut niveau. 

Visiblement, ce n’est pas la politique du sport qui fait la différence, mais la personne ?
La personne a un grand rôle à jouer. Si un ministre n’a jamais aimé le sport, il ne pourra pas être aussi efficace que quelqu’un qui n’a pas eu le sport dans les mœurs. En 1985 à Maurice, j’étais co-responsable de l’aménagement avec Gilles Etienne, on n’avait pas les milliards d’aujourd’hui et on comptait beaucoup sur les sponsors. Je me souviens qu’à chaque fois qu’on avait des petits problèmes mineurs, comme déplacer une colonne dans le Village des Jeux, il nous disait, à chaque fois que vous avez le moindre problème, vous m’appelez. Et c’est vrai quand on l’appelait, en l’espace de quelques heures le problème était réglé. Même s’il n’avait pas toujours les moyens, il cherchait à soulager l’athlète. Et ça, c’est une source de motivation pour l’athlète. 

Malgré tout le progrès en termes d’infrastructures et de budget, Maurice n’y arrive toujours pas cependant…
Personnellement j’aurais fait comme la Malaisie et la Côte d’Ivoire, en ciblant les disciplines prioritaires. On connait les trois disciplines qui rapportent le plus grand nombre de médailles et je n’hésiterais pas à mettre de côté le football dans le budget de préparation parce qu’ils ont largement le financement de leur fédération internationale. Idem pour le basket qui depuis 1979, n’a pas eu vraiment de progression. Il y a des disciplines qui ne ramènent pas grand-chose comme résultat. Il y en a d’autres comme la boxe, le judo et l’haltérophilie reviennent à chaque édition des Jeux et souvent certains disent qu’on ne peut pas commencer la préparation tant que nous ne connaissons pas la liste des disciplines. C’est un prétexte. 

Donc une fois les six à dix disciplines ciblés, il faut mettre tous les moyens et toutes les ressources financières et humaines à leur disposition. Outre les Jeux des iles, les athlètes se préparent également pour les compétitions continentales. Celui qui a la responsabilité du sport, doit avoir le courage de le faire. Si on veut faire plaisir à tout le monde, comme c’est souvent le cas, je ne pense pas qu’on va bouger. 

Il faut pouvoir dire que le football aujourd’hui, n’est plus le sport populaire qu’il était en 1979 et 1985.  Si on veut progresser, il faut commencer par la base. Comme à l’époque avec le centre de formation. On ne peut pas reprendre ce qui existe déjà et dire qu’on va professionnaliser le football en prenant les mêmes footballeurs et recommencer. Cette formule-là c’est pour les personnes qui cherchent les résultats pour le lendemain.  Dans le sport on sait que ce n’est pas possible. 

Est-ce que la politique du sport et du secteur de l’éducation vont de pair actuellement ?
Malheureusement non. Bien que dans tous les discours on dit que les deux ministères vont travailler ensemble et qu’il y a eu concertation et réflexions entre leurs représentants, dans la réalité ce n’est pas le cas. Notre pépinière se trouve dans les écoles. A aucun moment, il y a eu cette volonté gouvernementale pour que ces deux ministères travaillent ensemble. Avoir une rencontre entre deux ministres, c’est superficiel. La volonté doit venir du gouvernement et on doit le voir dans le programme gouvernemental par exemple et le chef du gouvernement doit lui-même, en être convaincu.

Nous avons tous les moyens possibles dans les établissements d’Etat principalement. Le Physical Education (PE) dans les écoles et la formation des jeunes sont deux concepts totalement différents mais qui peuvent être amalgamés s’il y a cette concertation et la volonté du gouvernement.

Dans les autres pays développés, on voit que le développement du sport commence dans les établissements scolaires. Si ça n’a pas marché pendant tout ce temps, ça ne marchera pas pendant longtemps tant qu’il n’y a pas cette volonté du gouvernement au plus haut niveau. 

La natation rapporte plusieurs médailles, mais les nageurs butent justement sur le choix entre les études et le sport…La bourse sport-études peut-il y remédier ?


Le Trust Fund for Excellency in Sports avait bien démarré dans ce sens. C’est dommage qu’aucun ministre depuis la création du Trust Fund n’ait vraiment soutenu le concept sport-études du TFES. Je peux vous dire que je l’ai vécu de l’intérieur. Il n’y a pas eu cette volonté de travailler ensemble pour vraiment avoir les résultats que le Trust Fund attendait.

Si on veut vraiment encourager les athlètes à poursuivre leur carrière sportive tout en se préparant pour leur carrière académique, la seule solution c’est d’accorder plus de bourses sport-études. Si certains sportifs dans la natation, le tennis et l’athlétisme sont restés dans le sport, c’est grâce au soutien du Trust Fund. C’est dommage qu’il n’y ait pas eu de suivi. Les responsables sportifs des différents gouvernement qui sont arrivés n’ont jamais eu à cœur le développement du Trust Fund. Il y avait une frayeur par rapport au fait que le responsable du Trust Fund ne devienne aussi important. 

Etes-vous pour ou contre l’embauche d’un DTN étranger ?
On connait bien le dicton : nul n’est prophète en son pays. Dans le contexte local ça existe toujours. Si on veut que la personne soit vraiment respectée, dans certaines disciplines, c’est encore nécessaire d’embaucher des étrangers. Il ne faut pas présenter le DTN comme un entraîneur national. Il faut qu’il prenne toute l’organisation technique, partant de la formation des encadreurs en allant jusqu’au soutien qu’il doit apporter à l’entraîneur national et dans certains cas, assumer ces responsabilités. Il doit assurer le développement de la discipline dans sa globalité. 

Avez-vous assisté à des non-renouvellements de contrat alors que le DTN faisait un bon travail ?
Il y a eu des bons et des mauvais (sourire). Certains ont effectivement été appelés à partir alors qu’ils faisaient du bon travail. Dans certains cas, c’est arrivé à cause des relations entre le DTN et les dirigeants de la fédération, principalement les présidents. Ce n’est pas tout le temps sous le contrôle du ministère. 

Je prends le cas du malgache Bertin en handball. C’est quelqu’un qui travaillait pour un salaire minimal et qui faisait un très bon travail. Malheureusement pour une raison ou une autre, il a dû partir. Dans les cas semblables, comme en natation avec Philippe Pascal, il faut voir les résultats que la personne a apportés et voir si le sport a progressé durant son mandat. Il y a eu des départs qui n’étaient pas bien calculés. 

C’est une des raisons de la stagnation de Maurice ?
Exactement. Lorsqu’un entraîneur ou un DTN travaille bien, les athlètes ont un attachement et ils se fixent des objectifs. Quand, à mi-parcours, on fait partir la personne, certains athlètes sont démotivés et partent. On ne met pas « athletes first » comme dirait l’anglais. 

Dans le cas de l’haltérophilie, la venue d’un étranger doit être faite à l’avance. Ça aurait évité tous les tiraillements qu’on a eus avec cette fédération. 

Dans certaines fédérations, il y a des brebis galeuses. Vous qui avez été dirigeant, quelles sont les qualités pour être un bon dirigeant ?
La personne doit venir du milieu sportif et aimer le sport. Le temps est un élément très important car si la personne ne donne pas son temps et est disponible pour servir son sport, je pense qu’elle ne devrait même pas postuler comme dirigeant d’une fédération. Malheureusement, il y a aussi une tendance à créer des clans et c’est au détriment de la fédération. Si la personne n’est pas convaincue qu’il peut travailler pour son sport, il ne prendra pas des décisions dans l’intérêt de l’athlète. Et dans les conflits internes, c’est toujours l’athlète qui est pénalisé.

Même quand toutes les conditions sont réunies, l’athlète ne donne pas le meilleur de lui-même, comment faire pour remédier à cela ? 
Dans les cas pareils, il y a un code de conduite que l’athlète doit respecter. Il y a aussi la responsabilité des dirigeants. S’il y a une décision injuste qui pénalise l’athlète, il y aura cette réaction. Cela ne doit évidemment pas expliquer son mauvais comportement. L’athlète doit savoir que l’Etat investit dans sa préparation. Il a toutes les assistances nécessaires et des objectifs ont été fixés et indépendamment de l’entraineur, respecter ces objectifs.

Vous vous attendez à quoi de Maurice pour ces Jeux de 2019 ?
Jamais dans les annales des Jeux, nous n’avions eu autant d’argent. Que ce soit dans la préparation des athlètes ou dans la création de nouvelles infrastructures. Mais c’est arrivé trop tard. Dans plusieurs disciplines, les athlètes n’ont pas la possibilité de s’entraîner sur certains sites des Jeux, dûs au retard, et ce à trois semaines de l’évènement. Pour les résultats, je pense que Maurice va bien faire vu que les athlètes sont motivés. Mais ce qui est dommage c’est que l’athlète ne va pas jouer « home », comme on dit. Même si la piscine de Côte d’Or est prête, à peine pourra-t-il nager et s’entraîner.

Est-ce qu’il y a une personne qui tire la sonnette d’alarme sur ces décisions de rénovations ou de constructions d’infrastructures qui vont à l’encontre de l’athlète ?
Malheureusement non. Ce n’est pas nouveau. Un administrateur n’est pas vraiment concerné par les résultats. Le plus important pour lui, c’est terminer le stade avant les Jeux. C’est la différence entre un administrateur et un technicien. Bien qu’au ministère de la Jeunesse et des Sports, il y a ces deux cadres, ils sont isolés dans leurs cloisons. Il n’y a pas de cohésion. 

Lorsque ces demandes sont faites au ministère des Finances par exemple, elles trouvent le même cadre, purement administrateur. Au niveau décisionnel, tant qu’il n’y a pas des gens concernés qui mettent l’athlète en avant, malheureusement, il n’y aura pas de changement. 

 

Profil 

<p style="text-align: justify;">A débuté comme <em>&laquo; Sports Officer &raquo;</em> au ministère de la Jeunesse et des Sports en 1979</p>

<p style="text-align: justify;">A été nommé Assistant au Directeur des Sports en 1999&nbsp;</p>

<p style="text-align: justify;">A été nommé Directeur des Sports en 2013 jusqu&rsquo;à la retraite en décembre 2016</p>

<p style="text-align: justify;"><em>&laquo;Managing Secretary &raquo;</em> &nbsp;du Mauritius Sports Council de 1986 à 1995</p>

<p style="text-align: justify;">Secrétaire Général de CJSOI (Commission de la Jeunesse et des Sports de l&rsquo;Océan Indien) de 1993 à 2013</p>

<p style="text-align: justify;">Membre du Board du World Leisure Organization de 2004 à 2012</p>

<p style="text-align: justify;">Membre du COJI (Commission de l&rsquo;organisation des Jeux des Iles) en 1985 et en 2003</p>

<p style="text-align: justify;">Commissaire Général du COJI (Jeux de la CJSOI en 1995 &amp; 2006)</p>

<p style="text-align: justify;">Chef de délégation de Maurice aux Jeux d&rsquo;Afrique, Jeux de la Francophonie et des Jeux des Iles de l&rsquo;océan Indien&nbsp;</p>

<p style="text-align: justify;">Décoré par la France, le 14 juillet 2009 (Médaillé d&rsquo;Or de la République Française) pour la promotion du sport dans la région de l&rsquo;océan Indien</p>

<p style="text-align: justify;">Chairman du High Level Sports Unit de 2006 à 2013</p>

<p style="text-align: justify;">Actuellement Directeur du <em>&laquo; International Athletics Development Centre &raquo;</em> de Maurice</p>