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Shameem Korimbocus: one and not lonely
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Shameem Korimbocus: one and not lonely
«Inn pran enn lamerdman Dubaï inn amenn isi.» C’est Shameem Korimbocus lui-même qui l’a dit lorsqu’il a débarqué à Maurice – à l’insu de son plein gré – jeudi 1er août. Ce Mauricien établi à Dubaï depuis huit ans, connu sous le pseudo de Shameem Onenonly sur Facebook et dont la page La vérité ki pou dérange zot a été likée par 53 000 personnes, ajouté à presque 60 000 facebookeurs qui suivent cette page, a été expulsé du pays sans raison apparente.
Depuis, les questions se bousculent et les politiciens tentent tant bien que mal d’y répondre sans trop se mouiller. Surtout qu’en novembre dernier, l’internaute avait déjà écopé d’un avertissement des autorités dubaïotes. Mais pourquoi est-ce qu’un homme qui était à environ 5 000 km de Maurice dérangeait tant la classe politique ici ?
Si le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a fait savoir qu’il ne connaît pas Shameem Korimborus et qu’il a remis en doute la version de l’expulsion, son adjoint, Ivan Collendavelloo, a fait savoir que «si ena gouvernma so lamé ladan, bizin ena enn rézon». Représente-t-il donc une quelconque menace ? Sollicité à ce propos, le Chief Whip du gouvernement, Bobby Hurreeram, n’a pas souhaité répondre à la question.
«Savat boutey plastik»
En attendant que le mystère soit élucidé, ce qu’on sait, en revanche, c’est que cela fait près trois ans à peu près que Shameem Korimbocus fait des vidéos caricaturales sur la politique locale. Un de ses premiers clips date de l’époque où particuliers et compagnies réclamaient de l’argent et réparation à l’État (NdlR, Betamax, Ish Sookun, Hassenjee Ruhomally, Nandini Soornack, Rawat etc.). Il s’était déguisé en marchand portant des «savat boutey plastik» et un «mayo lagazet». L’idée : montrer qu’après que le gouvernement a dédommagé tout le monde, le peuple pourra seulement se payer des sous-vêtements en papier journal et des savates en plastique donc.
Peu après, il revient avec une autre parodie, suivant le désormais fameux calcul de Ravi Rutnah sur la baisse de 10 sous sur le pain. Depuis, les vidéos s’enchaînent. L’actualité est commentée de manière comique, ludique. Les politiciens en prennent pour leur grade, Shameem Korimbocus ne leur fait aucun cadeau. Petit à petit, le nombre de ses «followers» dépasse celui de plusieurs influenceurs locaux. Ses vidéos sont massivement partagées. Est-ce cela qui fait peur ?
En novembre dernier, à la suite des amendements apportés à la Judicial and Legal Provisions Act, qui criminalise tout contenu sur Internet pouvant «cause annoyance» à quiconque, Shameem Korimboccus est inquiété par les autorités dubaïotes. Il reçoit un avertissement : il ne doit plus tourner de vidéos. Était-ce un complot des autorités mauriciennes pour le museler ?
Bande-son de Soodhun
Après cette convocation, une bande sonore non-authentifiée commence à circuler et un agent politique confirme qu’il parlait à Showkutally Soodhun. Dans cette bande sonore, la voix qui semble être celle de l’ancien ministre parle d’enquête d’Interpol alors que quelque temps avant, Pravind Jugnauth avait affirmé que son gouvernement n’était au courant de rien au sujet de toute cette troublante affaire. Aujourd’hui, l’histoire a l’air de se répéter, personne ne sait rien…
Pourquoi aller si loin pour faire taire un internaute ? «Dès que quelqu’un dit tout haut ce que les autres pensent tout bas, il devient un problème. Il représente alors un danger pour ce gouvernement», avance Shakeel Mohammed. Le député rouge rappelle que lorsqu’il avait fait des révélations au Parlement, sir Anerood Jugnauth avait menacé de le faire arrêter et la menace s’est concrétisée quelques semaines après. Revenant sur la déclaration d’Ivan Collendavelloo, le chef de file du Parti travailliste au Parlement fait ressortir qu’il n’a pas démenti l’implication du gouvernement dans cette affaire…
Quant à Zouberr Joomaye, député du Mouvement socialiste militant, il explique que chaque citoyen a le droit d’avoir ses opinions politiques et de s’affilier à n’importe quel parti et s’exprimer librement. «Et là, nous sommes en période électorale, donc les couleurs sont plus prononcées», ajoute-t-il.
Mais est-ce que Shameem Korimbocus fait peur ? «Il y a des spéculations quant à son expulsion, mais vous savez, Dubaï est un pays souverain et les lois doivent être respectées.» Mais est-ce que Shameem Korimbocus fait peur ? «Le Premier ministre s’est exprimé dessus et c’est normal que nos adversaires essaient de nous faire porter le chapeau.» Pour une réponse claire et nette, il faudra repasser.
Faire rire
Sinon, qu’en pense le principal concerné ? «Mwa, enn menas?» Le Facebooker éclate de rire. Estime qu’il ne l’est pas. Certes, lorsque quelque chose le dérange, il le dit car il est un «gran labous» de nature, mais il a toujours fait attention à ne blesser ou diffamer qui que ce soit. Son but est de faire rire.
Puis, comment est-ce que des vidéos comiques peuvent constituer une menace pour un pouvoir en place ? «Bon, apré, si zot zot trouv mwa enn menas, bé sa sé zot problem…» D’ailleurs, l’internaute n’a pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Dès qu’il se sera un peu reposé, il reviendra avec ses vidéos comiques sur l’actualité, toujours en faisant attention à ne diffamer personne.
D’autre part, est-ce que son affiliation politique pose problème ? Shameem Korimbocus répond que malgré le fait qu’il était au congrès du PTr vendredi, il n’est ni membre, ni proche du parti. Sa présence s’explique, assure-t-il, par sa passion pour la politique locale, qui, selon lui, est le sujet favori de tous les Mauriciens. Mais ce n’est pas pour autant qu’il est un rouge. «Demin, mo kapav al kongré PMSD ek MMM.» Et le MSM ? «Apré seki mo’nn, vivla, zamé mo pou met lipié laba!» Ainsi, pense-t-il que son expulsion est motivée politiquement ? Il répond sans détour. «Lané dernier, kikenn dan gouvernman inn dir Interpol inn vinn get li pou enn lanket lor mwa. Samem dir tou sa!»
Ce qui est certain, en revanche, c’est que Shameem dérange.
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