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Baisse du taux directeur à 3,35 %: un œuf pour un bœuf…

12 août 2019, 22:25

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Baisse du taux directeur à 3,35 %: un œuf pour un bœuf…

«Le gouvernement a donné un œuf au secteur privé pour prendre un bœuf», lâche Azad Jeetun, économiste et ex-directeur de la défunte Mauritius Employers’ Federation. Une phrase lourde de sens, illustrant la récente décision de la Banque de Maurice (BoM) de réduire symboliquement de 15 points de base du taux directeur, qui passe de 3,50 % à 3,35 %

Une démarche qui aura un impact limité sur le taux d’intérêt à relancer les investissements alors que d’un autre côté, l’intransigeance gouvernementale de mettre en œuvre la Workers’ Rights Act est susceptible, selon les opérateurs privés, de fragiliser les entreprises, allant jusqu’à provoquer des licenciements. 

Une chose est toutefois sûre : à l’approche des élections, les opérateurs seront peu enclins à s’engager dans de nouveaux projets. Ce qui fait dire à l’économiste Éric Ng que la baisse du taux directeur est un coup d’épée dans l’eau. «Cette baisse est trop faible pour relancer l’économie. Cette mesure, voulue par le ministère des Finances, vise à calmer le secteur privé dans le contexte des nouvelles lois sur le travail.»

Business Mauritius, instance suprême du secteur privé, affirme, par la voix de son Chier Executive Officer (CEO), Kevin Ramkaloan, que «cette loi n’a pas fait l’objet de consultations techniques approfondies et, si le court terme est privilégié, les entreprises seront fragilisées et tout le monde sortira perdant plus tard». 

D’autres spécialistes poussent leur réflexion plus loin et s’interrogent sur la pertinence de cette baisse. Faut-il voir dans cette démarche la reconnaissance que les récentes mesures budgétaires n’ont pas été à la hauteur pour relancer l’économie, insistent-ils. «Le textile, le tourisme et le sucre sont en crise et la croissance dans l’offshore et les TIC en baisse. La réduction du repo rate confirme donc la nécessité de stimuler l’économie dans cette situation difficile alors que le dernier Budget n’a offert aucun espoir à ces secteurs clés», souligne le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval. 

Impact négatif sur la roupie 

Toujours est-il que, même si la baisse est insignifiante, l’impact est que la roupie sera moins attrayante aux yeux des investisseurs qui seront tentés de privilégier d’autres devises dans leur stratégie d’investissement, dont le dollar. L’économiste Swadicq Nuthay rappelle à cet effet que, de juillet 2018 à juillet 2019, la roupie s’est dépréciée de plus de 5 % face au billet vert. 

Il s’attend que la décision du Monetary Policy Committee (MPC) impacte négativement la valeur de la monnaie locale car il est fort à parier que la baisse du repo rate va davantage faire fuir les épargnants avec des taux d’intérêt à l’épargne qui dépassent rarement 2 % et ceux sur le dépôt à long terme de 5 ans (fixed deposits) qui ne franchissent pas la barre de 4 %. D’ailleurs, au niveau national, le taux est en chute, estimé à 10,8 % du PIB en 2019 contre 11,1 % du PIB en 2016. 

Du coup, c’est la consommation qui sera privilégiée. «C’est un effet mécanique. Si le taux d’intérêt n’attire pas les épargnants, logiquement, ces derniers vont être tentés par la consommation», explique Azad Jeetun. Il souligne d’ailleurs que les dernières statistiques confirment que les dépenses liées à la consommation des ménages ont augmenté depuis 2016 et représenteraient quelque 3,3 % du PIB au terme de cette année, soit un montant estimé à Rs 382 milliards ou 75 % du PIB évalué à Rs 507 milliards en 2019. 

Arme à double tranchant

Bien entendu, toute hausse des dépenses de consommation influe positivement sur la croissance. Une posture prônée par la Mauritius Chamber of Commerce & Industry qui privilégie la consommation pour doper la croissance. Toutefois, cette politique est une arme à double tranchant. Car elle peut parallèlement creuser le déficit du compte-courant étant donné que 75 % des produits consommés localement sont importés. En revanche, une baisse du repo rate, même si elle est faible, a le mérite d’alléger le niveau d’endettement des entreprises. «Avec des groupes hôteliers endettés à plus de Rs 15 milliards ou Rs 20 milliards, une baisse du taux directeur peut leur donner un ballon d’oxygène momentanément», observe Azad Jeetun. 

Reste à savoir que l’information de taille que la population attendait sur l’utilisation du Special Reserve Fund de la BoM pour financer, avant l’échéance de juin 2021, la dette publique n’a pas été donnée par le gouverneur de la BoM, Yandraduth Googoolye. Celui-ci a renvoyé la balle au Trésor public alors qu’il était clair de la part de Pravind Jugnauth, lors du summing-up des débats sur le Finance Bill, que la décision finale reviendrait au conseil d’administration de la BoM. Comprenne qui pourra…

 


Banque de Maurice: développer de la résilience pour absorber les chocs externes

<p style="text-align: justify;">La décision des membres du MPC de réviser à la baisse le <em>&laquo;repo rate&raquo;</em>, de 3,50 à 3,35 %, est motivée par le fait que la conjoncture économique internationale est toujours fragile sur fond de tensions commerciales entre les deux grandes puissances économiques, les États-Unis et la Chine. Du coup, Maurice, a expliqué le gouverneur de la BoM, Yandraduth Googoolye, doit développer de la résilience pour absorber les chocs externes. Et d&rsquo;ajouter que jusqu&rsquo;à présent, le pays a su démontrer cette résilience en s&rsquo;appuyant sur des perspectives économiques positives.</p>