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Les risques d’une nouvelle recession n’interpellent pas les décideurs
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Les risques d’une nouvelle recession n’interpellent pas les décideurs
Alors que les dirigeants du pays ont les yeux rivés sur le prochain scrutin électoral, après l’euphorie des récents jeux des îles de l’océan Indien, les risques qu’une nouvelle récession, voire un ralentissement de l’économie, visibles à l’échelle mondiale pourraient menacer nos rives ne les préoccupent pas.
Récession mondiale ou ralentissement économique ? Une question posée actuellement par des spécialistes financiers et des courtiers face à la turbulence boursière de ces dernières semaines. Et ce, sur fond de tensions économiques occasionnées par une guerre commerciale larvée engagée par les États-Unis de Donald Trump et la Chine de Xi Jinping. À Maurice, à l’exception des analystes, les dirigeants du pays sont loin de prêter une oreille attentive, encore euphoriques qu’ils sont après les résultats des récents Jeux des îles ou trop obnubilés par le prochain scrutiny électoral.
Il y a certes des signes qui ne trompent pas. Les rendements des obligations à long terme sur les marchés américains sont inférieurs à ceux du court terme. «Aujourd’hui, les obligations de 10 ans sont rémunérées à 1,65 % annuellement alors que celles de six mois le sont à 1,95 %. Ce qui est contraire à une logique financière. L’explication, elle est simple : les investisseurs n’ont pas confiance dans le marché de titres et se tournent plus vers le marché obligataire. Du coup, la valeur de ces obligations grimpe alors que le taux de rendement baisse», explique Mitesh Hassamal, analyste financier chez Redwood Finance Ltd.
Une analyse qui rejoint celle de Kevin Teeroovengadum, consultant international et directeur de compagnie, qui note que depuis l’année dernière, l’économie globale s’est ralentie alors qu’il existe des signes que ce ralentissement se poursuivra jusqu’à la fin de l’année et même après. «Si en 2007-2008, c’est la bulle immobilière qui a déclenché la récession, aujourd’hui, il n’y a pas qu’une seule raison mais une combinaison de facteurs qui impacteront négativement la croissance mondiale.»
Outre la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine qui débouchera éventuellement sur une guerre monétaire, il y a, ajoutet- il, les tensions géopolitiques au Moyen-Orient, et récemment au Cachemire, la décélération de l’économie allemande, jadis le moteur de croissance de l’Europe, ou encore la montée du populisme. «Il est clair que ce que nous vivons aujourd’hui aura des implications profondes sur l’économie mondiale vu qu’il y a actuellement un changement de paradigme qui dépasse largement la crise des subprimes de 2007. Les risques de récession sont beaucoup plus élevés cette fois.»
Un constat qui a contraint d’ailleurs la Banque mondiale à réduire de 0,3 % sa prévision de croissance, la ramenant à 2,6 % en 2019 dans son étude semestrielle, le Global Economic Prospects Report. Une situation qui a précipité des institutions internationales à revoir à la baisse leur taux directeur. À commencer par la Federal Reserve Bank (FED) qui, sous la pression des marchés et de Donald Trump, a réduit son taux directeur de 0,25 point. La dernière fois que la Réserve fédérale avait baissé son taux directeur c’était en décembre 2008, alors que la crise financière battait son plein. «En baissant de nouveau son taux le 31 juillet dernier, la Banque centrale américaine met fin à une longue période de normalisation de sa politique monétaire, qui s’est échelonnée sur 43 mois», soutient l’économiste Swadicq Nuthay.
Taux directeurs
D’autres banques centrales lui ont emboîté le pas, comme la Reserve Bank of India, celle de la Russie ou de la Turquie alors que la Banque centrale européenne (BCE) pourrait baisser ses taux d’intérêt dans un avenir proche en vue de mettre du tonus dans l’économie de la zone euro.
À Maurice, la baisse symbolique de 15 points de base du taux repo, passant de 3,50 % à 3,35 %, s’explique, selon les économistes, par l’incertitude découlant de la conjoncture économique internationale, plus particulièrement la crainte d’un ralentissement de l’économie mondiale. Ce qui a d’ailleurs motivé la décision des membres du Monetary Policy Committee à prendre en amont des mesures de précaution pour éviter que la croissance déjà faible ne soit davantage fragilisée. D’ailleurs, Kevin Teeroovengadum ne croit pas en l’estimation de croissance de 4 % de la Banque de Maurice l’année prochaine. «Je prévois une croissance inférieure à 3,7 % cette année. Il y a trop de «downside risks» susceptibles de tirer la croissance à la baisse et je ne vois aucune lueur d’espoir à l’horizon qui pourrait aider la croissance à bondir.»
Aujourd’hui, des économistes étrangers sont catégoriques : une récession aux États-Unis s’étendrait à l’échelle planétaire car la marge de manoeuvre pour un «soulagement monétaire et fiscal» est plus limitée aujourd’hui qu’en 2001 avec notamment une inflation mondiale en hausse et une politique fiscale compliquée vu que des pays du G87 sont confrontés à des déséquilibres fiscaux.
Avis partagés
Faut-il craindre alors des risques de récession à Maurice ? Les avis sont partagés. Le CEO de la Stock Exchange of Mauritius, Sunil Benimadhu, soutient qu’il n’existe aucun signe qui prouverait que l’économie mauricienne ferait les frais d’une récession mondiale. «Il y a des facteurs externes, comme la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine ou le Brexit, qui peuvent créer un sentiment d’attente sur les marchés. Mais de là à dire que des risques d’une récession se profilent déjà à l’horizon, je n’irai pas aussi loin. Je pencherais beaucoup plus en termes d’un ralentissement économique.»
Alors, pourquoi des investisseurs étrangers quittent-ils le marché boursier mauricien ? Des spécialistes affirment que ce n’est pas un phénomène nouveau. «Les marchés émergents sont sous pression depuis au moins trois ans. L’année dernière, il y a eu des désinvestissements de USD 25 milliards sur les bourses asiatiques», soutient Sunil Benimadhu. Et Neeraj Umanee, manager de Swan Securities, d’ajouter que depuis 2018 et même avant, il y a eu plus de vendeurs que d’acheteurs sur les deux principaux titres qui attirent les investisseurs étrangers, soit MCB et SBM. À titre d’exemple, en 2017, contre Rs 5,1 milliards de titres acquis par des étrangers, il y a eu des ventes totalisant Rs 7,6 milliards, soit une différence nette de Rs 2,5 milliards. Il y a eu la même tendance l’année dernière et pour les premiers six mois de 2019.
Récession: les facteurs déclencheurs selon l’économiste Nourriel Roubini
<p style="text-align: justify;">Dans un article publié dans le <em>«Financial Times»</em> du 10 août, intitulé <em>«Le monde doit se préparer à la récession aux États-Unis»</em>, l’économiste de l’Université de New York, Nourriel Roubini, soutient que bien que la FED ait décidé de mettre fin à sa série de hausses du taux d’intérêt, cette décision est intervenue trop tard. Résultat des courses : les États-Unis font face à une récession. Et d’ajouter que trois facteurs déclencheront la récession américaine : le ralentissement du marché de l’immobilier ; les prix élevés du pétrole et les taux d’intérêt élevés. Il avance que <em>«les effets de la récession dans l’immobilier seront plus graves que ceux qui ont suivi l’éclatement de la bulle technologique en 2000, la raison étant que la propriété constitue une part beaucoup plus grande de la richesse d’un ménage que des actions en technologie.»</em></p>
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