Publicité

Haute couture: Perry Ah-Why, patron des robes de mariées

20 août 2019, 15:45

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Haute couture: Perry Ah-Why, patron des robes de mariées

Notre compatriote aux allures d’éternel adolescent, qui excelle à Paris dans la création de robes de mariées exclusives, monte encore d’un cran avec l’invitation qu’il a reçue pour présenter un modèle en clôture du défilé Octobre Rose aux côtés de grands couturiers. Et ceci, dans l’optique de sensibiliser à propos du cancer du sein.

Perry Ah-Why s’accorde actuellement des vacances bien méritées dans son île natale. Une coupure légitime vu qu’il est seul à dessiner, faire des prototypes, couper, monter, coudre, et souvent créer ses tissus et ses accessoires avec une minutie rare dans les détails, au sein de sa boutique de la rue Condorcet, dans le 9e arrondissement de Paris.

II n’entrevoit pas son invitation à participer à Octobre Rose comme une consécration, même si depuis 2015, plusieurs de ses créations ont été publiées dans les magazines Marie-Claire, Le Point, Paris-Match, Madame Figaro, Elle de Hong Kong, Vogue du Brésil et qu’une autre de ses créations a paru dans l’édition 2018 de l’Officiel de la Mode dans la catégorie des 20 plus belles robes de mariées repérées. Cette revue est internationalement connue.

Si Perry Ah-Why est content d’avoir été choisi pour clore le défilé Octobre Rose, le 15 octobre, dans les salons de la mairie du 9e arrondissement de Paris, aux côtés de grands couturiers comme Stéphane Rolland, Christophe Josse, Eymeric François, Tara Jarmon, il n’est pas pour autant sur un petit nuage en permanence. «C’est génial d’avoir été sélectionné pour clore ce défilé Octobre Rose, organisé par Marilyn Mugnier, créatrice de turbans, qui a remporté le Prix 2019 des Entrepreneuses en action. Je serais entouré de célébrités de la haute couture qui habillent des stars internationales, comme par exemple, Stéphane Rolland, qui, dans le milieu, est l’équivalent de Chanel. C’est sûr que présenter ma robe de mariée pour clore le défilé aura un impact fort. Je suis également content de pouvoir contribuer à sensibiliser sur le cancer du sein. Les retours de presse me profiteront, c’est certain. Mais je ne suis pas là à attendre ça. Pour moi, ce qui compte le plus, c’est le facteur plaisir de réaliser ce qui est beau, de combler la femme qui se marie, en lui confectionnant LA robe qui lui ressemble le plus et qui ne la fasse pas se sentir déguisée lorsqu’elle l’a enfilée», soutient Perry Ah-Why, qui à 46 ans, a conservé un look de grand adolescent.

Le modèle qu’il a choisi pour boucler ce défilé d’Octobre Rose est une robe dos-nu en Gazar de soie blanc cassé, avec sur le buste un énorme coeur monté sur du crin, orné des tulles et dentelles de Calais rebrodées. Ce qu’il veut transmettre comme message avec cette robe de mariée c’est que la femme qui a souffert d’un cancer du sein peut l’assumer en s’habillant ainsi. «C’est une façon d’encourager les femmes et en particulier celles que je connais et qui l’ont eu, à en parler plus librement et à se défaire du regard des autres, qui peut être très complexant parfois», ajoute ce créateur de robes de mariées, installé depuis la fin des années 90 dans la capitale française.

Cette créativité l’habite depuis toujours mais se révèle à lui lorsqu’il a cinq ans. Il réalise alors que ce qu’il veut faire lorsqu’il sera grand, c’est un métier associé à tout ce qui est esthétique. Il apprend à coudre par lui-même après que sa voisine lui ait conseillé de coudre tout droit et lui ait prêté sa machine à coudre.

S’il étudie l’art en Form VI au collège St Joseph, c’est en 1991 qu’il organise un premier défilé de mode à l’hôtel Villa Pointe aux Biches et cette manifestation rencontre un succès qui l’étonne. À partir de là, il se dit qu’il sera costumier et propose ses services aux hôtels organisant des spectacles d’animation pour les touristes, à l’instar de l’hôtel Paradis où il sympathise avec le directeur artistique Rémi Vachet. Comme Perry Ah-Why habite Pointe-aux-Sables, il est convenu qu’il couse les costumes à domicile et les emmène ensuite à l’hôtel et assiste au spectacle.

Lorsque Rémi Vachet quitte le Paradis pour l’hôtel Berjaya, il le suit avant d’intégrer le Club Méditerranée en tant que gentil organisateur, dispensé cependant d’être animateur de spectacles en raison de sa grande timidité. C’est dans cet établissement que va se jouer son destin. Il y croise la créatrice de robes de mariées très connue à Paris, Catherine Varnier, qui lui demande de venir la saluer s’il passe un jour à Paris.

C’est ce qu’il fait un jour. Il explique à la styliste qu’il cherche un emploi. Elle l’embauche sur le champ. Il intègre alors l’équipe de la créatrice, dont la boutique est installée dans le 15e arrondissement de Paris. Il devient son couturier attitré, cousant non seulement les robes de mariées mais fabriquant aussi des accessoires comme des bijoux de cheveux et des bijoux et sacs pour mariées. Ce qu’il apprend de son mentor, c’est surtout comment vaincre sa timidité pour gérer une clientèle. De plus, il est heureux de pouvoir travailler avec de belles matières.

Au bout de six ans, Perry Ah-Why a le sentiment qu’il a fait le tour de l’établissement et se sent surtout prêt à se lancer. Il décide de louer une boutique à Montmartre, qu’il prend le temps de retaper et de décorer selon son goût, durant ses heures de liberté. Il l’appelle Perry Ah-Why Créations. Il s’y installe en 2004. «Je ne voulais pas contracter un emprunt et en mettre plein la vue pour fermer dans les six mois. Je voulais commencer petit et me faire un nom», raconte notre interlocuteur. Comme il n’a pas les moyens d’acheter de belles matières, Perry Ah-Why a la judicieuse idée de dessiner des croquis de robes de mariées, de réaliser des prototypes dans des matières moins nobles et les exposer en vitrine. «Lorsque je vendais une robe, avec l’argent obtenu, j’achetais de belles matières. » Montmartre étant très fréquenté, il ne tarde pas à se faire une clientèle parisienne mais aussi touristique, en particulier des Américains et des Japonais de passage. Si bien qu’il est vite à l’étroit dans la boutique.

Il s’en cherche une autre à louer et la trouve à la rue de Condorcet. Il la transforme en showroom et y laisse parler sa créativité. Il l’occupe toujours et a nettement plus de visibilité qu’à Montmartre. «La boutique marche mieux car elle est plus accessible et plus spacieuse, même si le parking est difficile dans Paris.»

Qu’est-ce qui a changé entre ses débuts et aujourd’hui ? «Autrefois, les filles qui assistaient au mariage, découvraient la robe et venaient me voir lorsqu’elles allaient convoler. Et comme la mariée n’allait pas avoir ses photos avant trois mois, le retour n’était pas forcément immédiat. Ce qui a changé, ce sont les réseaux sociaux. La mariée d’aujourd’hui fait un selfie et poste sa photo sur Facebook ou Instagram et si elle m’apprécie, elle va taguer mon nom. Cela va me ramener des clientes rapidement.»

Perry Ah-Why ne peut dire s’il a des concurrents. «Il y a beaucoup de créateurs de robes de mariées car depuis cinq à six ans, la robe de mariée est devenue à la mode, idem pour l’univers mariage, d’où la popularité des Wedding planners et les stéréotypes du genre Bohemian Chic. Toutes les femmes qui veulent d’une robe de mariée la veulent bohème. Il y a une uniformisation dans les goûts qui est étrange. Moi, je fais comprendre à la cliente que sa robe ne peut être bohème si ses invités et son cadre ne le sont pas. Je lui propose un modèle plus authentique, qui convient mieux à sa personnalité et qui va dans le sens de mon travail. Ce sont donc des modèles uniques. Aujourd’hui, presque toutes les femmes qui vont se marier viennent avec une photo prise sur leur portable et disent avoir du mal à se projeter dans leur robe. On discute longuement et après, je leur dessine un modèle. Je réalise le prototype et le leur propose dans telle ou telle matière.»

La démarche la plus surprenante à laquelle il a été confronté jusqu’ici est celle d’une jeune femme qui a flashé sur une de ses robes de mariées en vitrine et qui l’a achetée alors qu’elle n’était pas en projet de mariage. «Elle m’a dit après l’achat qu’elle allait se mettre en quête du mari.»

Depuis 2013, Perry Ah-Why organise des défilés. Le premier a eu lieu à Maurice à l’hôtel Saint Géran et malgré la distance géographique, il a eu de très bons retours une fois rentré à Paris. Après, il en a fait au Carrousel du Louvres pendant la Fashion Week et l’événement a été un succès. En 2015, il a changé de cadre, faisant défiler ses mannequins dans les salons de la mairie du 9e arrondissement. «Un défilé, c’est comme un salon du mariage. Cela réveille les clientes». L’année d’ensuite, il a renouvelé l’exercice dans la cour de la mairie et le succès était une fois de plus au rendez-vous. L’an dernier, c’était dans les locaux de la Fondation Dosnethiers que son défilé a eu lieu et il n’a pas eu à le regretter. Ce qui lui a d’ailleurs valu d’être remarqué par le magazine l’Officiel de la Mode. Le 30 juin, il a remis ça dans les locaux de la fondation susmentionnée et en sus du retour de presse, il a reçu l’invitation pour le défilé d’Octobre Rose. Nul doute que sa participation à cet événement le 15 octobre lui apportera d’autres retombées.