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Clarisse House: la résidence officielle du PM prend de l’usure
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Clarisse House: la résidence officielle du PM prend de l’usure
Des bardeaux manquants, d’épaisses couches de moisissure sur le toit, un volet en lambeaux… Tel est l’état dans lequel se trouve la Clarisse House aujourd’hui. Des photos publiées sur la page Facebook «Nou Patrimoine, Nou Richesse» le 13 août et confirmées par notre photographe, ont mis sous les feux des projecteurs l’état de décrépitude dans laquelle se trouve la résidence officielle du Premier ministre. Cela même si l’actuel chef du gouvernement tout comme son père, sir Anerood Jugnauth avant lui, ont choisi de ne pas y habiter.
Pourtant, trois jours avant la publication de ces images, Pravind Jugnauth et son épouse Kobita ont reçu les sportifs mauriciens ayant participé à la 10e édition des Jeux des îles de l’océan Indien dans le jardin de la Clarisse House, située à Riverwalk, Vacoas. Et, c’est bien en ce lieu que l’annonce de doubler les primes aux médaillés et de récompenser les non-médaillés a été faite par le chef du gouvernement.
La situation d’abandon de cette bâtisse créole fait tristement penser à la salle municipale de Curepipe, l’ex-Malmaison, fermée en 2016, ayant perdu son lustre d’antan et actuellement en rénovation. Tout comme le théâtre de Port- Louis, avant son relooking.
Ceux derrière la page «Nou Patrimoine, Nous Richesse » ont, avec les photos, publié la note suivante «Nous avons été informés de l’état de la Clarisse House qui semble clairement nécessiter des travaux de réparation urgents». Leur objectif est d’alerter les autorités concernées afin que des mesures soient prises pour remédier à la situation. Avant que l’édifice ne tombe définitivement en ruine.
Projet de rénovation
Pour sa part, Nelly Ardill, ex-présidente de l’association SOS Patrimoine en Péril, n’y va pas par quatre chemins. «Ce n’est pas normal que le Premier ministre ne s’occupe pas de cet endroit. C’est un lieu de travail et le minimum, c’est qu’il s’en occupe. Ça me fait dire que les Jugnauth ne sont pas sérieux. Faut-il que je fasse un sit-in toute nue devant leur porte pour alerter les autorités concernées? !» fustige Nelly Ardill.
Interrogée à cet effet, une source au bureau du Premier ministre affirme qu’un projet de rénovation est d’actualité. Sauf que l’évaluation requise pour un constat des dégâts n’a pas encore été réalisée. «C’est à partir de ce moment qu’on pourra préparer les documents d’appel d’offres nécessaires», a confié notre interlocuteur avant de nous référer au conseiller en poste à la Clarisse House pour plus de renseignements. Toutefois, ce dernier, que nous avons sollicité, par le biais d’un policier en poste sur place, n’est pas encore revenu vers nous.
D’après les dotations budgétaires prévues pour le bureau du Premier ministre, le projet de rénovation de la Clarisse House est estimé à Rs 13,5 millions, dont Rs 6 millions pour l’année budgétaire 2019-2020.
Si les murs pouvaient parler…
Bien d’anecdotes en sortiront au fil des différents Primeministerships. Avant les Jugnauth, l’histoire retiendra que le dernier accord politique Bérenger-Ramgoolam à la veille des élections générales de 2014 a été fait à la Clarisse House. En arrivant au pouvoir en décembre 2014, sir Anerood Jugnauth a fait une croix sur ce haut lieu qui reste la résidence officielle du Premier ministre. Dans l’entourage de ce dernier, l’on explique que SAJ a toujours préféré habiter sa résidence à La Caverne, même au temps où il était au Château du Réduit. Une habitude qu’a prise son fils Pravind Jugnauth par la suite. Par contre, comment oublier que le 23 décembre 2016, sir Anerood Jugnauth avait reçu à dîner à la Clarisse House des parlementaires de la majorité gouvernementale, y compris la présidente de l’Assemblée nationale Maya Hanoomanjee. Ce qui avait donné lieu à une question parlementaire du chef de file du Parti travailliste au Parlement, Shakeel Mohamed, au Premier ministre Pravind Jugnauth, le 13 juin 2017. Et de vifs échanges où Pravind Jugnauth avait argué qu’hormis des ministres et autres parlementaires, des invités intimes étaient également conviés à ce dîner privé financé par sir Anerood Jugnauth. Au passage, le chef du gouvernement n’a pas manqué d’éclabousser Navin Ramgoolam, qui, dit-il, «abusait de la Clarisse House où des fêtes étaient organisées à plusieurs reprises aux frais du gouvernement». Dans sa réponse Pravind Jugnauth est allé jusqu’à dire que «(…) I would not say in one case, Madam Speaker, I think it was not a party that was organised, it must have been an orgy!»
Brin d’histoire…
Au temps où elle présidait SOS Patrimoine, Nelly Ardill est allée aux renseignements sur l’histoire de cette demeure. D’après les informations qu’elle nous a relayées, le terrain sur lequel se situe la Clarisse House a été octroyé en concession, le 27 juin 1764, à Gruchet Vaulbert. Un transfert, puis, cinq ventes successives plus tard, Edmond de Chazal, alors propriétaire de la sucrerie Saint-Antoine, y construit, pour sa retraite, la maison qui s’y trouve toujours.
C’est d’ailleurs ce père de trois filles qui lui a donné le nom de Clary House, d’après le prénom de son épouse Claire, née Rouillard. Le domaine faisait alors cinq arpents et 88 perches. Sauf qu’Edmond de Chazal n’aura pas vraiment occupé ce bien puisqu’il est acquis par la Banque commerciale en 1876. L’institution bancaire ayant saisi, cette année-là, les avoirs du sucrier après ses déboires avec le pou à poche blanche et la sécheresse à Saint-Antoine.
En 1883, la maison est revendue à John Walter Girout et Samuel Bigaignon. D’autres propriétaires se succèdent. Vincent Georges et ensuite Henry Adam, qui a renommé la maison «Le Refuge». Les militaires qui avaient fui la malaria qui faisait rage à Port-Louis achetèrent par la suite des terrains de l’Anglo-Ceylon à Vacoas vers 1898-1900 pour la construction de leurs casernes, notamment.
Ils ont à un certain moment logé le commandant des troupes au Refuge qu’ils ont rebaptisé la «Headquarters House».
C’est en 1922 que le gouvernement mauricien fait l’acquisition du terrain et de la Headquarters House pour Rs 75 000 en vue d’y loger le secrétaire colonial. Après l’Indépendance, la maison a accueilli des visiteurs de marque jusqu’au moment où elle fut rénovée en vue de devenir la résidence officielle du Premier ministre. C’est là que le nom de Clarisse House, venant sans doute de Clary, lui fut donné.
Par contre, aucune explication de la variante de terminaison à ce jour. Le document de SOS Patrimoine se termine sur cette note : «Clarisse House évoque de façon toute particulière la vie confortable menée par la haute bourgeoisie, tant anglaise que mauricienne (…). Les vastes pelouses du Gymkhana et des «quarters» militaires rappellent l’espace presque illimité dont disposaient les gens de ce temps. Espérons que ce vestige d’une époque passée sera conservé et entretenu pour la plus grande joie de la génération présente et de celle à venir.»
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