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Maurice face au Brexit: le bonheur est dans… les services financiers

2 septembre 2019, 22:30

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Maurice face au Brexit: le bonheur est dans… les services financiers

La dépréciation de la livre sterling affectera sans doute l’économie mauricienne. Le tourisme et l’investissement direct devraient en souffrir, comme indiquent deux rapports publiés par l’Economic Development Board (EDB). Cependant, Maurice peut également profiter de la situation. Comment ? En développant le secteur des services financiers...

Museler le Parlement britannique afin d’avoir le champ libre pour mener son Brexit coûte que coûte pour le 31 octobre. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a décidé de suspendre les séances parlementaires de la mi-septembre au 14 octobre. Ce qui fait que l’opposition ne disposera que de deux semaines pour tenter d’empêcher une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), avec ou sans accord. Cette manœuvre donne déjà des sueurs froides aux autorités, avec des manifestations un peu partout au Royaume-Uni. Si dans l’immédiat, Maurice ne devrait pas ressentir des effets, la donne peut changer dans le moyen terme.

À cet effet, l’Economic Development Board (EDB) a travaillé sur deux rapports. Le premier met en exergue les conséquences du retrait de la Grande-Bretagne de l’UE, avec accord, sur l’économie mauricienne. L’autre explore les effets auxquels Maurice devra faire face en cas d’un retrait sans accord – no-deal Brexit, qui semble être à l’heure actuelle le scénario le plus plausible.

À titre d’exemple, les deux rapports de l’EDB évoquent l’impact éventuel d’une perte du pouvoir d’achat des Britanniques sur le secteur du tourisme, en raison d’une dépréciation attendue de la livre sterling (voir tableau). Cette dépréciation vis-à-vis de la roupie risque d’affecter Maurice, soutient l’économiste Eric Ng. «Lorsque la roupie s’appréciera face à la livre sterling, le secteur touristique pourrait en prendre un coup. Le coût de la destination Maurice risque de devenir plus cher pour la bourse du touriste britannique

Les deux rapports de l’EDB indiquent par ailleurs que cette perte du pouvoir d’achat des Britanniques affectera également leur intérêt pour l’achat de produits qu’exporte Maurice vers le Royaume-Uni. Il s’agit notamment des produits textiles, des produits de la mer ou le sucre.

Maurice pas indemne

Pour Azeem Salehmohammed, économiste de la Chambre du commerce et de l’industrie de Maurice (MCCI), une sortie sans accord du Royaume-Uni de l’UE sera mauvaise pour le segment investissements directs étrangers. «Bien que nous n’en recevons pas énormément du Royaume-Uni, ce segment va certainement en ressentir l’impact.» Il estime que le marché boursier de Maurice ne sortira pas indemne non plus des suites d’un retrait sans accord du Royaume-Uni de l’UE.

Azeem Salehmohammed pense qu’il en sera de même pour les Britanniques qui ont investi à la Bourse. «Si le pouvoir d’achat des Britanniques baisse, investir à la Bourse de Maurice ne sera certainement pas leur priorité. Il n’est pas impossible d’imaginer qu’ils puissent envisager de retirer l’argent qu’ils ont investi sur le marché boursier mauricien.»

Azeem Salehmohammed indique qu’à moyen terme, le tourisme ne sera pas le seul secteur à être affecté par une baisse du pouvoir d’achat des Britanniques. Il n’écarte pas la possibilité que cela puisse également être le cas pour le secteur des exportations. «Les Britanniques pourront décider de limiter leurs dépenses

Avancer comme un seul homme

Si les effets sont énumérés avec recul et sans complaisance aucune, les auteurs du rapport sont loin d’être alarmistes. Mais font état d’une posture qui a toujours été le point fort de Maurice en pareilles circonstances, comme le souligne Marc Hein, fondateur et président du conseil d’administration de Juristconsult Chambers, qui compte de nombreuses années d’expérience comme juriste dans le secteur mauricien des services financiers.

Il s’agit de la capacité de repérer les opportunités que recèle une circonstance qui, en apparence, a tout l’air d’être potentiellement désastreuse. «Maurice, soutient Marc Hein, a toujours su faire preuve de sa capacité à être proactive, c’est-à-dire en anticipant les contours des événements futurs

D’où sa proposition pour que les professionnels de tous les secteurs devant être affectés par la sortie du Royaume-Uni de l’UE – les institutions rompues à la gestion de telles situations, tels le Mauritius Chamber of Commerce and Industry, la Financial Services Commission et le ministère des Affaires étrangères – à se mettre autour d’une même table. L’idée est de permettre à Maurice d’avancer comme un seul homme dans sa gestion des effets associés au Brexit.

«Le Royaume-Uni aura à négocier de nouveaux accords bilatéraux. Il va falloir jouer serré de la part de l’île Maurice. Il faut exploiter à fonds les relations que nous pouvons développer avec certaines personnes influentes comme Geoffrey Cox, le procureur général, qui aura un rôle déterminant à jouer lors de ces négociations. Il faut mettre toutes les chances de notre côté afin qu’en toute circonstance, ce soit le pays qui sorte gagnant», avance Marc Hein. Il lance un appel pour que la campagne électorale ne constitue aucun handicap dans le processus de négociation qui doit se mettre en place.

Compétitivité améliorée

Devesh Dukhira, Chief Executive Officer du Mauritius Sugar Syndicate, société chargée de vendre le sucre mauricien, a cette même volonté à repérer les opportunités d’une situation qui, à première vue, pourraient susciter son lot de soucis. Avec l’imposition d’une taxe de 150 euros sur la rentrée au Royaume-Uni, du sucre blanc en provenance des pays de l’UE, Devesh Dukhira y voit surgir une situation où le sucre mauricien bénéficiant déjà d’un accès libre au marché britannique, pourrait améliorer le niveau de sa compétitivité. Il faut toutefois tenir compte des prévisions en vue d’une dépréciation de la livre sterling qui pourrait inciter les Britanniques à revoir leur consommation en général, y compris leur consommation du sucre et les produits à base de sucre.

Devesh Dukhira estime que des opportunités pour le sucre mauricien vont surgir également sur le marché européen. Son argument repose sur le fait que les pays de l’UE accusent déjà un déficit en matière de production du sucre de betterave.

Autre élément qui, selon lui, pourrait potentiellement constituer une opportunité pour le sucre mauricien est le fait que les conditions climatiques aient joué de mauvais tours aux producteurs européens. Selon les prévisions, les effets découlant des conditions climatiques sur l’agriculture en Europe vont se faire sentir en 2019, tout comme cela a été le cas l’année dernière.

L’après-Brexit

Pour sa part, Azeem Salehmohammed de faire valoir que le secteur mauricien des services financiers pourra tirer profit de l’après-Brexit. «Maurice se positionne déjà dans plusieurs secteurs d’activités économiques. À l’instar de la gestion des fonds, la délocalisation des quartiers généraux des sociétés du secteur des services financiers, du Royaume Uni ou ailleurs. Maurice jouit d’un secteur financier relativement stable. L’exploitation des opportunités dans le domaine de la gestion des actifs ou encore au niveau de la stratégie de certaines sociétés du global business à relocaliser leur quartier général pourrait s’avérer payante

En outre, Azeem Salehmohammed ajoute qu’il existe un autre secteur que Maurice pourrait bien développer : celui de la silver economy. «Si nous étudions les possibilités de ce secteur et qu’elles se matérialisent, il est fort possible que nous pourrions attirer des retraités qui vivent actuellement en Europe mais qui ne bouderont pas l’occasion de passer leur retraite à Maurice

De son côté, l’économiste Eric Ng estime que les exportations ne devraient pas être affectées par un retrait du Royaume-Uni de l’UE sans accord. Il s’appuie essentiellement sur les dispositions d’un accord que Maurice a signé avec la Grande-Bretagne en février. Et d’ajouter qu’il est grand temps que Maurice songe à diversifier les sources de provenance des investissements directs étrangers «Au-delà de la vente des villas, il faudrait se pencher par exemple sur les opportunités qui existent dans le domaine de la technologie et des services financiers

Implications of Brexit for Mauritius (1) by L'express Maurice on Scribd

 

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