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Père Philippe Goupille: «Le pape ne se considère jamais comme un donneur de leçons»
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Père Philippe Goupille: «Le pape ne se considère jamais comme un donneur de leçons»
Le père Goupille s’est retrouvé dans une position unique. C’est à lui qu’échut l’honneur de traduire l’homélie du pape François et de servir d’interprète lors de ses conversations avec le Premier ministre et le président de la République. Il confie ses impressions et ce qui l’a frappé chez le Saint-Père.
Était-ce votre première rencontre avec le pape François ?
C’était bien la première fois. J’avais eu l’occasion de rencontrer le pape Jean Paul II à plusieurs reprises alors que j’étais le collaborateur du cardinal Jean Margéot. Ce sont deux personnalités différentes, mais qui dégagent l’une autant que l’autre une énergie positive qui vous touche et vous met à l’aise.
Que ressentez-vous en ce moment ?
Je ressens actuellement une grande paix intérieure car je ne vous cache pas que j’appréhendais la responsabilité d’avoir à traduire, devant toute une foule et devant tous les journalistes internationaux, l’homélie du pape. Lors des rencontres personnelles en tête-à-tête avec le président et le Premier ministre, cela s’est bien passé. Mais j’ai toujours peur de ne pas trouver les mots justes lorsque je traduis.
Quel genre de personne est le chef de l’Église ?
Le pape François est quelqu’un de profondément humble, qui vous met tout de suite à l’aise. Du reste, le mot humilité vient du mot latin «humus», qui veut dire terre. Un homme humble est celui qui a les pieds sur terre. Quand on a les pieds sur terre, on est face-à-face avec les hommes et avec la création, on ne va pas tomber dans la tentation de se laisser glorifier ou de laisser la popularité nous monter à la tête.
Comment se prépare-t-on à passer toute une journée aux côtés du pape ?
Le plus important, c’est la préparation spirituelle. Il faut constamment développer une attitude de service et d’accueil. Puis, il y a les préparations plus techniques, comme trouver les mots justes pour les sujets qui vont être abordés. Je dois dire d’emblée que je me suis senti très à l’aise avec lui. Nous avons pu aborder des sujets intéressants sur la vie de l’Église, mais aussi, dans la voiture, il m’a posé des questions sur le pays, sur le port, sur le tourisme.
Qu’avez-vous ressenti en lisant l’homélie du Saint-Père ?
J’ai ressenti une joie profonde de voir que tant de personnes étaient rassemblées pour écouter son discours. Il me semblait que l’assistance communiait à ses paroles tout en recevant son message. J’ai eu à l’avance une copie de son homélie et de son mot de remerciement à la fin. Le texte m’est parvenu quelques jours avant la messe.
L’homélie du pape était forte. Pensez-vous qu’il a pu blesser le gouvernement ?
Je ne pense pas que l’homélie du pape ait pu blesser qui que ce soit, car le pape ne se considère jamais comme un «donneur de leçons». Il se contente d’interpeller les personnes à tous les niveaux, que ce soit dans l’Église ou dans le gouvernement. Il rappelle certains principes. Il souligne certaines valeurs importantes à sauvegarder. Il fait appel à la responsabilité de chacun. On ne sent pas non plus dans son ton qu’il juge ou qu’il critique.
Quel enseignement l’île Maurice doit-elle tirer de son passage ?
Nous avons eu l’occasion pendant les Jeux des îles de nous retrouver en tant que Mauriciens, au-delà des frontières religieuses ou communautaristes qui nous enferment parfois sur nous-mêmes. C’est le même élan patriotique que j’ai ressenti à l’occasion de la visite papale. C’est important maintenant que chacun fasse son examen de conscience et se convertisse à une vraie identité citoyenne au-delà de nos identités individuelles. Il nous a montré que nous sommes capables de respecter l’autre, de l’accueillir et de construire l’unité dans la diversité. Bien sûr, nos leaders politiques comme nos leaders religieux doivent en faire une priorité, mais rien ne se passera vraiment si aucun de nous, à la base, ne se laisse convertir profondément et n’apprend à enterrer tous les préjugés et les blessures du passé. Comme l’a si bien dit le pape François, l’avenir de l’Église, comme l’avenir du pays, réside entre les mains de la jeunesse. C’est maintenant à elle de recueillir l’héritage que nous avons construit, avec ses hauts et ses bas, pour avancer avec enthousiasme et générosité afin de bâtir l’avenir de la nation mauricienne. L’avenir, nous dit le pape François, ne réside pas dans un rêve inaccessible, il est là, aujourd’hui et maintenant.
Comment s’est déroulée la traduction lors des conversations entre le pape et les politiciens ?
Cela s’est bien passé, parce que je connais bien le président par intérim de la République que j’ai rencontré à plusieurs reprises au niveau du Conseil des religions. Le Premier ministre aussi m’a facilité la tâche par sa simplicité et sa bienveillance envers le pape.
Vous avez également rencontré le pape Jean-Paul II. Quelle est la différence entre ces deux hommes ?
Je pense qu’il y a bien une différence du fait qu’ils sont de culture d’origine différente. Le pape Jean Paul II avait grandi en Pologne, dans un pays communiste, où il a eu à affronter beaucoup de problèmes concernant la liberté d’exister et de s’exprimer. Le pape François vient, lui, d’Amérique latine, c’est une culture bien différente. Je peux dire cependant que les deux ont en commun un désir profond d’aller à la rencontre de tous les pays et de tous les humains. Jean Paul II a beaucoup voyagé et l’actuel Saint-Père est de la même lignée. Les deux ont une conscience très profonde de leur rôle comme «rassembleur» et pèlerin de paix.
Quel est le trait qui vous a le plus frappé chez le souverain pontife ?
Je dirais que c’est sa compassion et son désir de rencontrer les personnes, de les accepter telles qu’elles sont sans préjugés. En plus de cela, il est très direct dans sa façon de parler.
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