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Violence conjugale: mari, pourquoi t’es violent ?

15 septembre 2019, 21:30

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Violence conjugale: mari, pourquoi t’es violent ?

«Li tro kozé, li fer lagel… Li insit mwa pou tap li…» David (prénom d’emprunt), peintre de son métier, aurait pu avoir une vie tranquille avec ses deux fils et sa fille et son épouse, celle qui était avant la femme de sa vie, qu’il aimait, dit-il. Sauf que les yeux du voisinage se tournent souvent vers sa modeste maison, sise dans les faubourgs de la capitale. Cris, hurlements, pleurs des enfants, jurons, c’est le quotidien de ce couple qui s’est dit oui, il y 15 ans… Les disputes, relate le mari violent et presque sans remords, s’enchaînent sur tous les sujets possibles. Sur les finances, les plats que prépare sa femme, les enfants, le sexe, tout… À l’écouter, ce n’est pas sa faute. Pas complètement…

«Nou népli konpran nou kamarad. Mo madam pa pran mwa kont kouma avan. Kan bizin fer lamour ousi, li toulétan fatigé…» De la patience, il dit en avoir mais il arrive que la colère prenne le dessus, des fois… très souvent. «Li kozé, mo kozé, li tro kozé, kan li pa ékouté, mo tapé.» Ces gestes, ces gifles, il ne peut l’expliquer. «Mo gagn sagrin apré, mé mo pa rési kontrol mwa.» Il explique avoir aussi des doutes sur la fidélité de sa femme, c’est ce qui le pousserait à la battre, bien qu’il n’a jamais eu de preuve. «Kouma pou explik sa distans ant nou la sinon ?»

De plus, selon David, sa femme l’inciterait à le faire. «Kan mo kozé, li lev lavwa pli for. Mo pa kontan sa…li fer mo ner mont plis lerla! Mwa ki mari, dimounn ki pou dir?» Cependant sa femme n’a jamais déserter le toit, ni n’a-t-elle porté plainte. La raison ? «Akoz zanfan… Zot ankor tipti. Mo ousi mo resté akoz samem…»

Ont-ils éssayé de s’en sortir ? D’avoir une meilleure vie ? «Fami inn kozé plizir fwa. Noumem nou finn asizé kozé. Enn dé semenn trankil apré li anpiré. Fodé enn ant nou mor mem pou lapé revini dan sa lakaz la», lâche soudain le quadragénaire.

Est-ce cela qui est arrivé à Shabneez, Joyce, Stéphanie, Chansela et les autres ? Toutes celles qui sont mortes sous les coups de ceux qui étaient censés les aimer ?

 

Tristes chiffres

<p style="text-align: justify;">Selon le rapport de <em>Statistics Mauritius</em>, publié le 20 juillet dernier, l&rsquo;on note une hausse en ce qui concerne la violence domestique pour l&rsquo;année 2018. Rien que pour cette année-là, 84, 6 % sur les 1 527 cas de violence domestique rapportés au ministère de l&rsquo;Égalité du genre concernaient des femmes, soit quelque 1 292 cas. De plus, en 2018, 32 féminicides ont été comptabilisés&hellip;&nbsp;</p>

 

 

 

Ambal Jeanne, Manager de SOS Femmes: «Beaucoup de femmes n’osent toujours pas dénoncer»

<p style="text-align: justify;">Quatre femmes qui perdent la vie en espace de quelques jours. C&rsquo;est tout simplement alarmant, soutient Ambal Jeanne de SOS Femmes. Même si elle dit, de son côté, noter une légère baisse dans le nombre de cas &ndash; rapportés &ndash; de violence conjugale à l&rsquo;encontre des femmes. Mais cela ne reflète pas nécessairement la réalité. <em>&laquo;Car plusieurs femmes n&rsquo;osent toujours pas dénoncer et porter plainte.&raquo;</em> Raison pour laquelle la manager de SOS Femmes tient à mettre l&rsquo;accent sur la responsabilité citoyenne. Il faut, selon elle, par exemple, faire des campagnes de sensibilisation dans les médias. <em>&laquo;Pourquoi pas mettre les numéros de téléphone en cas d&rsquo;urgence. Il faut aller plus vers la prévention.&raquo; </em>Il faut impérativement sortir les victimes de leur enfer. <em>&laquo;Les encadrer mais surtout leur faire comprendre que c&rsquo;est encore pire de rester avec un conjoint violent à cause des enfants. Zanfan pli tromatizé ek sa! Zot bizin kapav konpran sa!&raquo;</em></p>

 



Manifestation contre les féminicides en Afrique du Sud

<p style="text-align: justify;"><em>&laquo;Ça suffit !&raquo;&nbsp;&laquo;Non, c&rsquo;est non !&raquo;&nbsp;&laquo;Maîtrise-toi, tu n&rsquo;es pas un animal,&raquo;</em>&nbsp;Des centaines de personnes ont défilé avant-hier à Johannesburg pour dénoncer les violences faites aux femmes et exiger du gouvernement des mesures immédiates pour les protéger. L&rsquo;Afrique du Sud a été le théâtre ces dernières semaines d&rsquo;une série de meurtres de femmes qui ont défrayé la chronique, dont celui d&rsquo;une étudiante de 19 ans, violée et tuée dans un bureau de poste. Selon la ministre des Femmes, Maite Nkoana-Mashabane, plus de 30 femmes ont été tuées par leur conjoint lors du seul mois d&rsquo;août. <em>&laquo;Tous les jours je suis confrontée à des enfants qui viennent frapper à ma porte pour se plaindre de viol&raquo;</em>, a déclaré vendredi à l&rsquo;AFP une manifestante, Tshego Modisane, qui enseigne dans le township de Soweto.<em> &laquo;Ces filles n&rsquo;ont nulle part où aller.&raquo;</em></p>

<h3 style="text-align: justify;">Plus de 110 viols par jour</h3>

<p style="text-align: justify;">Les statistiques annuelles de la criminalité publiées jeudi ont recensé une hausse de près de 4 % des viols en Afrique du Sud pays pendant l&rsquo;année qui s&rsquo;est achevée le 30 mars dernier, avec 41 583 cas recensés par la police, soit de plus de 110 par jour. Sommé de réagir, le président Cyril Ramaphosa a promis la semaine dernière de durcir la répression des féminicides et des crimes sexuels. <em>&laquo;Les hommes qui tuent et violent doivent rester toute leur vie en prison&raquo;, </em>a martelé le chef de l&rsquo;État,<em> &laquo;la loi doit changer pour qu&rsquo;un violeur ou un meurtrier soit condamné à la perpétuité, sans possibilité de mise en liberté provisoire&raquo;. </em>Les manifestants de vendredi ne lui en ont pas fait crédit et exigé <em>&laquo;des actes, pas des mots&raquo;. &laquo;Pendant que le rand (la devise sudafricaine) monte, les femmes tombent&raquo;,</em> proclamait une banderole déployée lorsque les manifestants défilaient devant le siège de la Bourse de Johannesburg,<em> &laquo;cher Cyril, combien vaut ma sécurité ?&raquo; </em>Seuls quelques hommes ont défilé vendredi aux côtés des manifestantes dans le quartier financier de Sandton.</p>


 

Laurent Baucheron de Boissoudy: «La violence domestique est un cercle vicieux qui se joue à deux»

Que se passe-t-il dans la tête d’un mari violent ?
Des comportements violents de la part d’un mari sur sa femme proviennent avant tout d’une réaction émotionnelle dont le siège se situe dans le centre émotionnel, le coeur et non la tête. Les comportements de violence sont des réactions motivées par l’inconscient, elles ne sont pas réfléchies. Elles sont liées à un trouble pathologique de l’attachement. Dans sa tête, l’homme ressent juste qu’il est hors de question que sa femme puisse lui échapper.

Comment en arrive-t-on au crime ?
En tant que réactions pulsionnelles provenant des tréfonds de l’inconscient, la réaction de l’homme n’est pas sous le contrôle du (sur)moi qui est capable de distinguer le bien et le mal. Les émotions éveillées par l’homme possessif sont si archaïques qu’elles trouvent leur origine au moment où pour l’enfant, contrôler son objet d’amour est une question de vie ou de mort.

À quel moment passe-t-on de violence verbale à violence physique ?
C’est une question de progression. Lorsque les affects ne sont pas trop forts, l’homme va se montrer menaçant au niveau verbal. Plus la situation lui échappe, plus il perd le contrôle et plus il va devenir violent physiquement, au risque d’aller crescendo jusqu’à l’irréparable.

La thérapie est-ce vraiment une solution ? Quels sont les autres recours ?
Le juge devrait donner l’injonction, c’est-à-dire l’ordre à un homme violent de suivre un programme thérapeutique constitué de séances de psychothérapie individuelle mais aussi de séances de groupe et d’un travail de réapprentissage des relations entre les hommes et les femmes.

Quels sont les couples qui sont le plus touchés par la violence ? Les plus anciens ? Les plus «jeunes» ?
Les couples dont les partenaires ont eu une histoire personnelle chaotique avec des carences au niveau affectif, au niveau de la stabilité familiale… ces personnes, lorsqu’elles sont en couple, courent un grand risque de répéter les scénarios qu’ils ont vécus dans leur enfance. Il n’y a pas vraiment de rapport avec l’âge mais disons que cette violence est plus fréquente dans la tranche d’âge comprise entre 20 et 40 ans.

Est-ce qu’un homme violence peut changer ?
Oui et non et c’est là le principal piège dans lequel se trouvent prisonnières les femmes victimes de brutalités domestiques. L’homme va toujours dire après un accès de violence qu’il est désolé, qu’il ne sait pas ce qui lui a pris et qu’il ne recommencera pas, mais la part de lui qui se désole n’est pas la part de lui qui dès la première menace de perdre le contrôle sur sa femme va la brutaliser… Sans l’obligation d’un traitement contrôlé par le système judiciaire, les choses ont peu de chance de changer.

Y a-t-il un profil type de l’homme violent ? Comment en reconnaître un ?
Les hommes ayant une forte dépendance affective, un besoin anormal de contrôle, de maîtrise, qui veulent protéger tout en maintenant une emprise… Ces hommes-là sont susceptibles de devenir violents verbalement et physiquement lorsque la relation va s’approfondir et que la souffrance de perdre le lien exclusif avec la compagne va se faire ressentir.

Certains vont jusqu’à dire, souvent, que c’est la «grande gueule des femmes» qui engendrent les disputes et les coups…
Il ne s’agit pas de retirer aux femmes le statut de victimes lorsqu’elles subissent la violence de leur partenaire, cependant il est intéressant et important de s’interroger sur la position et l’attitude des femmes dans la relation de couple. Dans la prise en charge thérapeutique de femmes battues, nous découvrons bien souvent que ces femmes portent en elles, à travers leur histoire personnelle, les «ingrédients» qui les prédisposent à se retrouver en position de victimes d’hommes violents. La thérapie analytique est nécessaire pour repérer et neutraliser ces «traces du passé» qui les conditionnent à se retrouver dans de tels scénarios morbides. La violence domestique est un cercle vicieux qui se joue à deux.