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Le Chef Soopayah Moothoosawmy: des saveurs gourmandes à découvrir

5 octobre 2019, 17:43

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Le Chef Soopayah Moothoosawmy: des saveurs gourmandes à découvrir

Le nom de Soopayah Moothoosawmy ne vous dira sans doute rien. Par contre, si l’on vous dit le chef Ané, certains d’entre vous visualiseront ce quinquagénaire à la voix douce et au bel embonpoint, qui a officié pendant 21 ans aux côtés de la chef Jacqueline Dalais. Le chef Ané est désormais à son compte à travers son service traiteur, il vous propose de découvrir ses saveurs gourmandes.

Saveurs gourmandes, c’est aussi le nom qu’il a donné à son service traiteur, qui donne directement sur la rue Swami Vivekananda à Curepipe. Si vous ne voyez toujours pas où se situe cette rue, dites-vous que c’est celle qui passe à l’arrière du complexe So’Flo et qui va se jeter sur le Chemin Du Sucre. Si l’intérieur de l’établissement ressemble à n’importe quelle cuisine de restaurateurs, certains objets pourraient sembler incongrus comme par exemple cette vieille marmite noircie par des cuissons successives, accrochée au mur, ou encore cette ancienne balance, presque une antiquité, trônant sur une étagère. Or, ces objets sont liés au passé du chef Ané, nom signifiant «grand-frère» en tamoul et qui lui a été attribué par le chef Nizam Peeroo lorsque Soopayah Moothoosawmy faisait ses premières armes comme plongeur au restaurant Le Gourmet. Mais ne brûlons pas les étapes.

Ce natif de Castel, huitième et benjamin des enfants Moothoosawmy, est né de parents laboureurs. Ce qu’il retient de son arrière-grand-père est que ce dernier travaillait comme cuisinier chez plusieurs familles franco-mauriciennes cossues. La marmite noircie appartenait d’ailleurs à son arrière-grand-père. Et de tous les enfants Moothoosawmy, Soopayah a été le seul à vouloir la conserver car elle avait une valeur sentimentale. Il en va de même pour la balance ancienne que son père utilisait lorsqu’il allait vendre les légumes qu’il plantait durant son temps libre au bazar de Curepipe.

Soopayah Moothoosawmy fréquente le Curepipe College. Mais il ne va pas au-delà de la Form II car à cette époque, la scolarité est payante et ses parents n’ont pas les moyens de continuer à lui payer ses études. Il prête d’abord main-forte à son père dans la vente de légumes et en tire une leçon. «Cela m’a permis de savoir quel légume pousse à quelle saison. Des connaissances utiles lorsque j’ai intégré la cuisine du restaurant Le Gourmet», dit-il.

Un de ses voisins qui travaille pour un voyagiste l’invite à se joindre à lui pour entasser les valises des touristes sur la toiture des cars comme cela se faisait à l’époque. Il l’accompagne jusqu’à l’hôtel Touessrok à cet effet. Lorsqu’il aperçoit un cuisinier en uniforme, Soopayah Moothoosawmy a un coup de cœur. Il se dit qu’il aimerait bien en porter le même un jour et devenir un maître en cuisine. Il s’inscrit dans une école hôtelière privée à Quatre-Bornes où il apprend la base de la cuisine. Après quoi, il va frapper à la porte du restaurant Le Gourmet, géré par la chef qu’on ne présente plus, Jacqueline Dalais. Soopayah Moothoosawmy, qui n’a alors que 18 ans, est recruté comme plongeur. Il n’en prend pas ombrage car il voit toujours le bon côté des choses. «Il faut commencer à ce poste en cuisine car il faut savoir quel équipement ou matériel vous êtes en train de laver et comprendre à quoi ils servent».

«Nourrir les députés lors des débats budgétaires, demande une organisation extraordinaire.»

C’est dans cet établissement qu’il côtoie le formateur Tiburce Plissonneau-Duquène, le chef Nizam Peeroo, qui le rebaptise Ané. Il reste plongeur pendant six mois avant de s’intéresser aux sauces. Inventif, il effectue plusieurs mélanges qu’il fait ensuite goûter à Jacqueline Dalais. Lorsqu’elle les apprécie, elle les adopte. Il ne compte plus le nombre de sauces qu’il a inventées et concoctées, si bien qu’à un moment, il se voit attribuer le titre de Meilleur Saucier chez Le Gourmet. Pendant trois ans, il se familiarise aux rouages des métiers de cuisine et lorsque Jacqueline Dalais reprend les rênes du restaurant gastronomique Le Clos St Louis, il la suit. Il n’est pas peu fier d’avoir cuisiné pour le président François Mitterrand lors de son passage à Maurice, pour Kofi Anan, l’ancien secrétaire général des Nations unies ou encore pour Nelson Mandela, le premier président post-apartheid d’Afrique du Sud, même s’il n’a pas eu l’occasion de les rencontrer. Soopayah Moothoosawmy suit Jacqueline Dalais lorsqu’elle ouvre La Clef des Champs à Floréal.

Avec elle, Nizam Peeroo et lui font non seulement tourner la cuisine du restaurant mais ils s’activent aussi pour les mariages et autres évènements dont la restauration est confiée à la chef. Lorsque le chef Nizam Peeroo quitte La Clef des Champs pour les cuisines de l’hôtel Labourdonnais, Soopayah Moothoosawmy devient le chef attitré de La Clef des Champs. Il a alors l’occasion d’intégrer le Club International des Toques Blanches, d’obtenir un certificat d’excellence de la Clef des Champs, d’aller faire la promotion de la cuisine mauricienne à Paris et à Versailles.

Étant d’un calme olympien, les meilleurs moments pour le chef Ané sont ceux de paniques en cuisine, notamment lorsqu’il faut servir les repas à l’Assemblée nationale. «Moi, je garde toujours la tête froide. Avec Jacqueline Dalais, j’ai servi pendant dix ans à l’Assemblée nationale. Ministres et députés mangent toutes sortes de choses différentes qu’il faut préparer. Nourrir les parlementaires, surtout lors des débats budgétaires, demande une organisation extraordinaire. Il faut être rapide car ils n’ont pas énormément de temps pour le déjeuner ou le goûter et tout doit être chaud. Pendant 15 jours ou plus que durent les débats budgétaires, on est sur pied de 7 heures à 2 heures du matin.»

Si après 21 ans aux côtés de Jacqueline Dalais, le chef Ané décide de se retirer, c’est «pour laisser la place aux jeunes que j’avais formés lorsque Nizam Peeroo est parti. J’ai dû au fil du temps former 15 à 20 jeunes. Certains ont par la suite pris de l’emploi dans d’autres établissements ou sur des bateaux de croisière. Je voulais donner la chance à ceux qui sont restés de prendre la barre. Et puis, on ne peut travailler en cuisine 24/7.»

Il travaille d’abord pour une personne qui ne s’y connaît pas en restauration mais qui ouvre un restaurant à Floréal Square. Le chef Ané n’y reste que deux mois. «Les gens ne se rendent pas compte qu’en restauration, il faut acheter énormément de produits et que cela nécessite beaucoup de matériel.». C’est alors qu’il décide d’ouvrir son service traiteur qu’il nomme Saveurs Gourmandes et qui est attenant au poissonnier Escale Poissons.

Le chef Ané n’a pas eu de mal à fidéliser une clientèle car sa réputation était déjà établie. Ses plus gros clients pour le déjeuner sont le personnel de Lux Resorts et celui d’Inicia. Chaque semaine, il leur propose trois différents menus non végétariens, un menu végétarien, un menu diététique, des sandwichs et des salades au choix. Sachant que les gens n’ont pas le temps de préparer certains plats à la maison comme le moulouktany, le kalia, le vindaye de poisson, le dry curry ou encore la béchamel de poisson, il met ces plats sur ses menus et ils sont nombreux à les commander. Bien qu’il achète ses ingrédients chez les meilleurs fournisseurs, notamment ses viandes à La Bovida à Curepipe, il fait en sorte que ses prix soient raisonnables. Un menu ne dépasse pas Rs 200 alors qu’un sandwich est à Rs 75.

Le chef Ané propose aussi ses services pour les mariages – une centaine d’invités à monter - et pour les réceptions – à partir de 25 personnes à monter. Il livre aussi beaucoup de plats à emporter. Il se fait aider par quatre personnes dont trois sont en cuisine. Sila Sabita est à la plonge, Véronique Sauterelle l’aide en cuisine, Sunil Kumar est un cuisinier indien qui prépare les spécialités indiennes et Akshay Hittoo est le chauffeur qui va livrer les commandes.

S’en sort-il avec trois personnes uniquement en cuisine ? «Si tou sa létan la ounn travay ou pa paré, kan ou pou paré ? Ler gouvernma donn ou Rs 13 500 », dit-il en riant.

Le service qu’il offre est personnalisé. Lorsqu’un client lui commande un plat, il va lui lister tous les ingrédients servant à sa préparation. «Je dois le faire car il se peut que lorsque je propose un sauté de légumes, telle ou telle personne déteste un des légumes qui s’y trouve ou ne digère pas un légume ou encore y soit allergique. C’est important de tout détailler.»

Le chef Ané est marié à Brinda qui lui a donné deux fils, Yoven, 25 ans, employé par la compagnie de bateaux de croisières Royal Carribean où il agit comme superviseur et Dalen, 22 ans, qui a fait des études d’hôtellerie et s’est spécialisé en service clientèle. Depuis un mois, il est employé par le Pearl Beach Hotel. Brinda vient l’aider le matin en cuisine puis repart car il lui a transmis le goût de la vente des légumes comme le faisait son père et elle tient un «petit bazar».

Si son service traiteur tourne de 8 à 16 heures, pour les mariages, les réceptions et autres évènements, le chef Ané ne regarde pas sa montre. «Et à partir du 1er décembre jusqu’au 31 décembre, on travaille matin et soir.»

S’il est satisfait de son parcours, son souhait serait d’aller avec une équipe faire d’autres promotions de la cuisine mauricienne à l’étranger. Qui sait de quoi les lendemains seront faits…