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Circonscription n°5: Angéline ou la misère en pleine face
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Circonscription n°5: Angéline ou la misère en pleine face
Rangées dans un coin, des chaussures. À peine plus grandes que la paume de la main. Une vieille voiture en plastique, usée jusqu’au châssis. Un ours en peluche qu’il a dû serrer contre lui, souvent. Des objets qui appartiennent à Kewel, 3 ans. «Linn al lékol-la…»
Cité Florida, Baie-du-Tombeau. Dans ce quartier où le seul signe extérieur de richesse semble être l’entraide, assise devant la porte, dans une ruelle, Angéline Baptiste attend, comme toujours, comme tous les jours. Un bon Samaritain, une poignée de riz, la visite d’un voisin charitable. La jeune femme de 27 ans, frêle comme une brindille, esquisse un sourire triste.
Sur son corps menu, son visage, sa poitrine, des balafres, des séquelles, des cicatrices gravées dans sa chair. Elle boitille, s’appuie sur ses jambes qui ne veulent plus la porter. Ses épaules s’affaissent sous le poids du quotidien. «Enn pano blok inn tom lor mwa kan mo ti éna 19 an, mo ti paralizé enn koté, pa kapav travay, pa gagn pansion. Mo pa démann boukou, zis enn ti ed, enn ti manzé, silvouplé…»
Sa détresse se lit dans ses yeux jaunis, dans sa voix cassée, dans les larmes qui ruissellent lentement le long de ses joues marquées. Elle ne se drogue pas, est vraiment «handicapée», confirment les voisins, pour ceux qui auraient des doutes sur son honnêteté. Kewel et elle survivent grâce aux Rs 1 700 d’aide de son concubin, avec qui elle ne s’entend plus. «Mo péna swa, mo bizin res isi dan lakaz so frer ek li parski mo péna okenn par pou alé... Mo panvi perdi mo Kewel, tansion dimounn fer konplint… Ed mwa silvouplé…»
Elle n’ira pas voter
Elle n’est pas «vraiment» allée à l’école, a essayé de travailler, son accident a tout changé. Pour manger, elle parcourt les rues, avec sa douleur aux jambes, elle collecte les bouteilles en plastique vides. «Kan kamion vini, zot pran zot alé. Mo gagn enn ti Rs 200. Mé zot pa pasé souvan.»
Angéline triture son foulard, replace sa casquette qui retient ses cheveux en bataille. Ses mains et ses pieds, nus, sont recouverts de terre. Elle craque. «Parfwa mo manz enn sel répa. Mo tipti, séki donn li pou al lékol samem. La mo’nn kas inpé bred, éna paké sosis, nou pou trasé…»
Sat et Pinceau – ses toutous – reviennent de leur virée. «Zot mem vinn ar mwa partou.» La pauvreté aussi l’accompagne à chaque heure, chaque minute. Le frigo vide hante ses cauchemars la nuit. Dans la salle à manger, une banane à moitié noire. Dans l’évier, les fourmis dansent dans un bol tellement vide qu’il semble avoir déjà été lavé. À côté de la cuisine, des latrines de fortune, d’infortune.
Pour les élections, elle n’ira pas voter. «Personn pa pou fer nanyé pou mwa, pou bann dimounn kouma mwa…» Frapper aux portes des députés, elle l’a déjà fait. «Zot dir pou fer, apré pa fer nanyé. Zot pa pran kont dimounn mizer, enn ta kouma mwa éna isi dan landrwa.»
Les démons de la pauvreté, Angéline n’arrive plus à les combattre seule. «Mo panvi perdi mo zanfan… Pa pé démann boukou, zis enn ti manzé, zis enn ti ed, silvouplé…»
Indira Ramsamy : Tekwa et «Faner dal»
Sous les oriflammes qui flottent presque à côté des nuages, le petit commerce d’Indira Ramsamy. Le parfum des chanapuri, mais aussi et surtout des tekwa, chatouille les narines gourmandes et les estomacs affamés. Cela fait 20 ans qu’elle travaille là. «Mo bolom inn mor, mo trasé.» Welcome au n°5, à Triolet.
Derrière, les tekwa gonflent à vue d’oeil, comme la pomme d’Adam d’un politicien qui s’apprête à prononcer un discours. «Parfwa, trouv zot vini, zot vinn asté gato.» Ce qu’ils ont fait ici ? La commerçante de 51 ans hésite. «Ki mo pou dir la? Zonn aranz simé, inpé biro…» Les clients affluent par dizaines. Indira n’a pas le temps de penser aux politiciens, qu’ils aient fann dal ou pas. «Mo pou al voté selman.» Pour qui ? «Sékré sa…»
Muhammad Hussen Chummun : marchand de coco et «Donn li so coco»
Au Jardin de Pamplemousses, il y a les nénuphars – du moins, ce qu’il en reste –, les arbres. Et un spécimen rare : Muhammad Hussen Chummun, 53 ans. Personnage attachant, le marchand de noix de coco n’a pas sa langue dans sa poche. Il parle 20 langues. Italien, russe, portugais, espagnol, afrikaans, de quoi en perdre son latin. Il parle également français mieux que les Français, selon lui. «Venez boire de l’eau de coco et surtout les filles vous deviennent (sic) plus belles encore.» Il ira accomplir son devoir civique, il y tient. Souhaite-t-il donn so coco à quelque député en particulier ? Non, il a un message à faire passer. «Restez bien dans votre circonscription, travaillez bien comme ça vous pourrez grave (sic) les échelons.»
Circonscription n°5 (Pamplemousses-Triolet)
Nombre d’électeurs
65 115
Élus en 1995
Navin RAMGOOLAM (Alliance PTR-PMXD)
Jyaneshwur JHURRY (Alliance MSM-MMM)
Dev HURNAM (Alliance MSM-MMM)
Élus en 2000
Navin RAMGOOLAM (Alliance PTR-PMXD)
Jyaneshwur JHURRY (Alliance MSM-MMM)
Dev HURNAM (Alliance MSM-MMM)
Élus en 2005
Navin RAMGOOLAM (Alliance Sociale)
Satish FAUGOO (Alliance Sociale)
Devanand RITOO (Alliance Sociale)
Élus en 2010
Navin RAMGOOLAM (PTR-PMSD-MSM)
Devanand RITOO (PTR-PMSD-MSM)
Satish FAUGOO (PTR-PMSD-MSM)
Élus en 2014
Soodesh CALLICHURN (L’Alliance Lepep)
Sanjeev TEELUCKDHARRY (L’Alliance Lepep)
Sharvanand RAMKAUN (L’Alliance Lepep)
Localités
- Arsenal
- Baie-du-Tombeau
- Calebasses
- D'Epinay
- Morcellement St-André
- Pamplemousses
- Pointe-aux-Piment
- Terre-Rouge
- Triolet
- Trou-aux-Biches
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