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Joute triangulaire: une alliance postélectorale pas impossible
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Joute triangulaire: une alliance postélectorale pas impossible
Depuis 1976, c’est la première fois qu’il y a lutte entre trois blocs politiques de premier ordre dans des élections générales. D’un côté, il y a l’Alliance Morisien, formée du Mouvement socialiste militant (MSM) et du Muvman Liberater (ML). Puis, l’Alliance Nationale du bloc Parti travailliste (PTr)–Parti mauricien social démocrate (PMSD). Et, enfin, le Mouvement militant mauricien (MMM), seul. Cette configuration, selon des observateurs, laisse la porte ouverte à un arrangement postélectoral entre deux des trois forces si aucune d’entre elles n’obtient une majorité absolue à l’issue des élections.
Même si Paul Bérenger et Pravind Jugnauth s’invectivent à coups de « galimatias » et autre « kadadak » et qu’on n’a pas encore trop entendu Navin Ramgoolam sur le sujet, la question mérite d’être posée.
En 1976 (voir plus bas les résultats détaillés), trois principaux partis prétendaient à la victoire. Après les résultats, sur les 62 sièges de nos 21 circonscriptions, le MMM obtint 30 sièges, le PTr 25 et le PMSD 7. Cette configuration mena le leader du PTr d’alors, sir Seewoosagur Ramgoolam, à négocier une alliance postélectorale avec le PMSD de sir Gaëtan Duval. Quand les huit sièges de Best Losers furent attribués, l’alliance formée après les élections par le PTr et le PMSD obtint 36 députés (4 Best Losers) et le MMM (4 Best Losers aussi) échoua avec 34 sièges. Ainsi, le MMM ne forma pas le gouvernement du fait de cet arrangement postélectoral entre Rouges et Bleus.
Pour 2019, une fois encore l’électorat aura le choix entre trois principaux partis ou alliances de partis. Ces derniers obtiendront sans aucun doute des sièges lors des élections. La question qui se pose est la suivante : est-ce qu’un de ces trois principaux blocs pourrait obtenir, après l’attribution des 8 Best Losers, et en comptant sur le soutien des deux élus de Rodrigues, la majorité de 36 députés, sur 70, ce qui lui permettrait de gouverner sans arrangement postélectoral ? Pas si sûr, nous ont répondu trois observateurs qui suivent ces élections de près.
Le MSM adversaire principale du PTr à la campagne
D’abord, il y a le journaliste et historien Yvan Martial. Il avance qu’en 1976, la lutte était entre le MMM et le PTr dans les circonscriptions rurales et entre le MMM et le PMSD dans celles urbaines. Cette fois-ci, selon Yvan Martial, c’est le MSM qui est l’adversaire principal du PTr à la campagne (30 sièges à pourvoir dans la fameuse «Hindu Belt») tandis que dans les villes (également 30 sièges à pourvoir), il y aura une lutte à trois.
«C’est dans ces circonscriptions urbaines que le MMM remportera des sièges, mais je n’avancerai aucun chiffre. À la campagne, je prévois une lutte serrée entre le MSM et le PTr, mais je trouve qu’aucun d’eux ne pourrait obtenir suffisamment de sièges pour former un gouvernement. De ce fait, il existe la probabilité d’une alliance postélectorale. Toutefois, j’aurais souhaité que si aucun parti ne remporte une majorité de sièges, qu’il y ait une synergie entre les différents partis au Parlement. Par exemple, avant la présentation d’un projet de loi, qu’il y ait des discussions entre eux, pour trouver un consensus, avant de le faire voter.» Yvan Martial ajoute, néanmoins, que seul sir Seewoosagur Ramgoolam aurait pu faire cela.
Légère avance
Dharam Gokhool, ancien ministre et observateur politique, soutient qu’il pourrait se faire une meilleure idée de la situation après le Nomination Day du 22 octobre. N’empêche, il constate, lui, que le PTr a une légère avance sur le MSM dans les régions rurales et que ce sont les sièges des circonscriptions urbaines, notamment à Rose-Hill, Beau-Bassin, Curepipe et à Port-Louis Mari- time qui pourront faire la différence. Et là, il estime que le MMM, dans une lutte à trois, pourrait obtenir plus de sièges que ses adversaires dans ces circonscriptions. Pour résumer, Dharam Gokhool estime qu’il existe une grande probabilité qu’une alliance postélectorale se fasse.
Feizal Jeeroburkhan, de Think Mauritius et aussi un des membres fondateurs du MMM, trouve, lui, que le parti du cœur pourrait remporter une quinzaine de sièges dans les villes et à la campagne. «Je dis cela car j’ai noté que le MMM a retrouvé ses militants. Ceux-ci n’ont aucun prétexte pour ne pas voter pour ce parti car c’est Paul Bérenger qui est présenté comme Premier ministre.»
Pour les 40 à 45 sièges qui resteraient, il prévoit une lutte entre le MSM et le PTr, même s’il estime que ce sont les Rouges qui partent avec une avance. Donc, comme nos deux autres interlocuteurs, il prévoit lui aussi qu’il y a une forte probabilité qu’un arrangement postélectoral se fasse entre deux de ces trois formations, après le 8 novembre, jour des résultats.
Les élections de 1976: un rappel historique
Les dernières élections dans une lutte à trois eurent lieu il y a 43 ans, en 1976, opposant le Parti travailliste (PTr), le Mouvement militant mauricien (MMM) et le Parti mauricien social-démocrate (PMSD).
Pour l’information de nos lecteurs, notamment les plus jeunes, et pour les amateurs de statistiques électorales, nous publions les notes et tableaux suivants sur la lutte à trois historique de 1976:
- Aucune majorité nette ne se dégagea des élections générales de cette annéé-là. Avec 38,66 % des voix et 30 sièges sur 62 (deux de moins que la majorité requise), le MMM était le premier parti à l’arrivée, mais sans la marge voulue pour constituer un gouvernement majoritaire. Le PTr prenait la seconde place avec 38,06 % des voix et 25 sièges, alors que le PMSD terminait troisième avec 16,48 % des suffrages et 7 députés (5 à Maurice et 2 à Rodrigues).
Les 8 sièges de «best-losers», une fois octroyés, se répartirent comme suit: 4 au MMM, 3 au PTr et 1 au PMSD, avec pour conséquence que le décompte final des 70 sièges s’établissait comme suit:
- MMM: 34
- PTr : 28
- PMSD: 8
À noter aussi que dans pas moins de 9 des 20 circonscriptions, il y eut panachage et que le résultat final fut 2-1. Neuf jours après les élections, le PTr et le PMSD décidaient d’unir leurs forces pour constituer un gouvernement de coalition PTr –PMSD.
Au total, 398 452 personnes exprimèrent des votes valides aux élections à Maurice et 9 416 à Rodrigues, pour un total de 1 214 190 suffrages sur l’ensemble du territoire national (Maurice et Rodrigues).
- Les résultats détaillés, en termes de suffrages (chiffres officiels de la Commission électorale) furent les suivants: MMM 469 420 suffrages ou 38,66 %
- PTr 461 951 suffrages ou 38,04 %
- PMSD 200 203 suffrages ou 16,48 %
- Autres 80 799 suffrages ou 6,82 %
Les élections de 1976 furent donc essentiellement une lutte entre trois principaux partis nationaux, MMM, PTr et PMSD. Ceux-ci réunis, représentèrent 1 131 574 suffrages sur 1 214 190 suffrages exprimés au total, ou 93,19 % des voix.
Les autres petits partis engagés dans la course furent balayés: L’Independent Forward Bloc, un grand parti des années 50, ne recueillit que 20,000 suffrages environ, (ou 1,71 % des voix) ; l’Union démocratique mauricienne à peine 13 000 suffrages (ou 1,10 %) ; le MMMSP de Dev Virahsawmy, dissident MMM, 5 300 voix au total.
> ÉLUS AVEC PLUS DE 50 %
En raison de la dispersion des voix, seuls 9 députés sur 60 furent élus avec plus de 50 % des voix. Il s’agissait, dans l’ordre, de :
1. Bashir Khodabux (MMM) 59,32 %
2. Sir S. Ramgoolam (PTr) 58,05 %
3. Cyril Guimbeau (PMSD) 57,26 %
4. Nicol Francois (PMSD) 56,32 %
5. Casssam Uteem (MMM) 56,02 %
6. Osman Gendoo (MMM) 55,88 %
7. Sir Veerasamy Ringadoo (PTr) 51,87 %
8. Ramdath Jaddoo (MMM) 51,41 %
9. Sir Satcam Boolell (PTr) 51,19 %.
À l’inverse, les députés élus avec le plus faible pourcentage des voix, furent :
1. Vidula Nababsingh (MMM) 33,40 %
2. Eliézer Francois (PMSD) 33,90 %
3. Heeralall Bhugaloo (PTr) 34,50 %
4. Angidi Chettiar (PTr) 34,77 %
5. Burty David (PTr) 34,81 %
6. Robert Rey (PMSD) 35,55 %
7. Paul Bérenger (MMM) 36,67 %
8. Rajen Dyalah (MMM) 37,10 %
9. Ghislaine Henry (PMSD) 37,32 %
10. V. Venkatasamy (MMM) 38,31 %
> LE RAPPORT DES FORCES AU NIVEAU DES RÉGIONS
De manière générale, le Parti travailliste devança légèrement le MMM dans les régions rurales (de 23 000 suffrages environ), alors que le MMM prenait le dessus sur le PTr dans les régions urbaines (avec 32 000 suffrages de plus que les Travaillistes).
Le PMSD fut surtout présent dans les régions urbaines, où il obtenait 158 000 suffrages contre 195 000 au PTr et 227 000 au MMM) et pratiquement inexistant dans les régions rurales.
> LES CIRCONSCRIPTIONS RURALES
Dans les circonscriptions rurales (n°s 5 à 14), le Parti travailliste maintint sa position de premier parti rural. Ses candidats ruraux rallièrent autour de leurs noms 265 000 suffrages, mais le MMM le talonnait de près avec 242 000 suffrages, confirmant des assises populaires solides à la campagne à cette époque aussi bien qu’en ville.
Le Nord (circonscriptions 5, 6 et 7) demeura la région où le PTr réalisait son meilleur score : 46,2 % de l’ensemble des suffrages populaires (contre 38,0 % au MMM), avec une pointe de 50,7% des suffrages – son meilleur score – dans la circonscription du Premier ministre, Pamplemousses – Triolet (n°5).
Le PTr confirmait aussi une solide implantation à Piton –Rivière-du-Rempart (n°7) réalisant 45,9 % des suffrages populaires. Le MMM, pourtant, l’emportait à Grand-Baie – Poudre-d’Or (n°6) avec 42,7 % des suffrages contre 41,9 % au PTr, mais ne pouvait guère dépasser la barre des 40 % à Pamplemousses – Triolet (33,1 %) et à Piton – Rivière-du-Rempart (38,0 %).
Le PMSD n’obtenait, lui, dans les circonscriptions du Nord, que 8,3 % des voix, avec une pointe de 12,1 % à Grand-Baie – Poudre-d’Or.
L’Est, de manière générale, donnait aussi une petite avance au PTr, en termes de suffrages exprimés, les circonscriptions 8, 9 et 10 (Quartier-Militaire – Moka, Flacq – Bon-Accueil et Montagne-Blanche – GRSE) votant en moyenne à 43,5 % pour les candidats travaillistes, à 42,9 % pour les candidats MMM et à seulement 1,5 % pour les candidats du PMSD.
Dans le Sud, le même phénomène était observé : avance du PTr (43,6 %) sur le MMM (39,9 %) en moyenne des suffrages, mais il faut noter à l’intérieur de ce résultat que celui-ci fut surtout dû à une nette victoire travailliste au n°11 (Vieux-Grand-Port – Rose-Belle), où le PTr obtenait 48 % des voix contre seulement 32 % au MMM, alors que dans les deux autres circonscriptions (Mahébourg – Plaine-Magnien (n°12) et Rivière-des-Anguilles – Souillac, le MMM devançait, en fait, le PTr, 43-41 % au 12 et 44-40 % au 13. Le PMSD ne réalisait que 4,4 % des voix dans le Sud.
À l’Ouest dans la circonscription no 14 (Savanne – RivièreNoire), légère suprématie également du PTr (avec 45 % des voix face au MMM (42,9 %) et au PMSD (9 %).
> LES CIRCONSCRIPTIONS URBAINES
Dans les circonscriptions de la région portlouisienne (1 à 4) et des Plaines-Wilhems (15 à 20), le MMM s’affirmait comme le principal parti urbain avec 37,87 % des suffrages exprimés par les électeurs des villes, devant le Parti travailliste (32,51 % des suffrages), et le PMSD (26,38 % des suffrages).
Le résultat détaillé en termes de suffrages urbains fut le suivant:
- MMM 227 387 suffrages
- PTr 195 208 suffrages
- PMSD 158 408 suffrages
On notera à cet effet que le MMM fut le premier parti en termes de suffrages tant à Port-Louis (MMM: 44 %, PTr: 30 %, PMSD: 22 %) qu’aux Plaines-Wilhems (MMM: 34,4 %, PTr: 33,7 % et PMSD: 28,5 %).
> À PORT-LOUIS
La capitale vota MMM, en 1976, dans une large mesure. Le détail des suffrages à Port Louis:
- MMM 91 805 (44 4 %)
- PTr 62 358 (30,1 %)
- PMSD 46 092 (22,2 %
Le MMM remporta les 4 circonscriptions et les 12 sièges de Port Louis, réalisant une pointe de 57,0 % au n°3 (Port-Louis Est – Port-Louis Maritime), son meilleur score au niveau du pays. Il gagnait facilement au n°4 (Port-Louis Nord – Montagne-Longue) avec 42,8 % contre 30 % au PTr et 22 % au PMSD, et tout aussi facilement au no 2 (43,4 %).
Au no 1, la lutte fut plus égale, le PMSD y réalisant son meilleur score dans la capitale (31,1 %) et le MMM l’emportant avec 38,7 % seulement.
> AUX PLAINES-WILHEMS
Aux Plaines-Wilhems, la lutte fut très serrée.
- MMM 135 582 suffrages (34,44 %)
- PTr 133 847 suffrages (33,75 %)
- PMSD 112 316 suffrages (28,53 %)
Le PMSD confirmait sa suprématie à Curepipe et BeauBassin, réalisant son meilleur score dans le pays à Curepipe (38,2 % des voix), alors que le PTr s’imposait dans la région de Vacoas – Floréal, La Caverne – Phoenix et Quatre-Bornes (où M. Bérenger, parvenait tout juste à se faire élire). Le MMM, lui, l’emportait nettement à Rose Hill, où le MMM réalisait son meilleur score urbain (39,5 %).
À Rodrigues, enfin, le PMSD l’emportait aisément (56 % contre 33 % à l’OPR), alors que la présence Travailliste n’y était que symbolique (8 %) et que le MMM n’y présentait pas de candidats.
Plusieurs leaders politiques furent battus aux élections de 1976 : sir Gaëtan Duval (PMSD), 7e au n°4 ; sir Abdool Razack Mohamed (CAM) 4e au n°3 ; M Sookdeo Bissoondoyal (IFB) 7e au n°11 et M. Guy Ollivry (UDM) qui perdait sa caution.
Paul Bérenger (MMM) n’était élu qu’avec 350 d’avance sur les deux candidats du Parti travailliste, Heeralall Bhugaloo et James Burty David.
Au total, 10 ministres sortants furent battus. Jean Ah Chuen, sir Abdool Razack Mohamed, Raymond Rault, Rameshwar Jaypal, Radhamaney Poonoosamy, le Dr Beergoonuth Ghurburrun, Kher Jagatsingh, sir Harold Walter, Kistnasamy Tirvengadum et le Dr Régis Chaperon. Enfin, 34 des 70 anciens parlementaires ne furent pas réélus.
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