Circonscription n °8: Saint-Pierre au paradis…

21 octobre 2019

21 octobre 2019, 13:45

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Circonscription n °8: Saint-Pierre au paradis…

Il y a le ciel, la pluie, les arbres, la montagne, la verdure, la fraîcheur. Les hypermarchés, les supermarchés, les restaurants, les bâtiments. Au n °8 (Quartier-Militaire–Moka), le vieux et le neuf cohabitent, signe des temps, décidément…

À Saint-Pierre, la vieille cheminée de l’usine Mon Désert Alma côtoie un centre d’affaires, Vivéa Business Park. D’un côté, les images d’aujourd’hui : les nouveaux complexes commerciaux abritant magasins, commerces, boutiques. De l’autre, des clichés d’antan, un réparateur de bicyclettes, une ancienne bijouterie.

À en croire George Sevathean, 69 ans, l’endroit est un joyau. Le père de cinq enfants, le grand-père de six petits-enfants est «happy». «Mo res isi dépi toulétan. Ou get avan ek aster, bel progré. » Lesquels, concrètement ? Chemins «koltaré », cimetières clôturés, terrains de foot aménagés, manquerait plus qu’un «hip hip hurray» pour que Tonton George fasse tout rimer.

Les Saint-Pierrois sont-ils vraiment au paradis ? Pas complètement, il y a les jeunes, par exemple, qui connaissent l’enfer de la drogue synthétique. «Wé momem mo’nn trouvé, éna apé roulé, pé fimé», finira par avouer George. «Mé Prémié minis ek lapolis pé fer zot travay…»

Quid de la MBC, de son JT, est-ce qu’on peut en parler, de la redevance télé ? «Rs 150-la mo pa trouv sa lour pou péyé, mo travay.» Voyons ailleurs. Si on jetait un regard du côté de l’hôpital Moka, lieu où, affirment de nombreux Mauriciens, ou rantré kaylous ou sorti aveg ? «Zamé mo pann al laba, mo pa gagn problem lizié…»

Zyeutons ailleurs. Sur le parking du centre commercial Kendra, des gens à perte de vue. Les petites lumières de Divali illuminent les allées. Au milieu de ses plantes de lavande, Soodesh Somarchand, 49 ans, celui qui aime bien rire. Sa moustache frétille comme les feuilles de laurier sous la bise légère. «Dépi mo zanfan mo res Moka, avan ti éna plis verdure, mo rappel sak pié goyav, sak pié prunes…»

Aujourd’hui, les bâtiments en béton ont poussé comme des champignons après une pluie d’été. «Nek pé konstrir, konstrir, konstrir, légal, illégal, sovaz…» La nature est dans les choux, selon cet amoureux de la terre. «Avan isi, ti éna kann à sucre. Mo pa pé dir dévélopman pa bon, mo pa tro pour, mo pa tro kont.»

Trois rires et deux blagounettes plus tard, le futur quinquagénaire toujours vert se remémore les souvenirs d’avant, il s’agit d’un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître. Hormis les plantes, Soodesh encadre aussi les jeunes, il est président d’un club d’arts martiaux.

Le métro c’est bien, mais il faut également remettre «bann zenn-la» sur les rails. Les valeurs se perdent, comme les arbres qui perdent leur combat inégal face à la tronçonneuse. «Les racines ne sont plus aussi solides.»

Il a une dent de sagesse contre le béton, envoie également mémé dans les orties. «Un jour, il faudra avancer les infrastructures pour voir un morceau de terre…» La nature risque bien, alors, de mordre la poussière. Il n’y en a presque pas du côté du bazar de Saint-Pierre, devenu «ze place to be» pour ceux qui font leur marché le dimanche. Mais, Nishal (prénom d’emprunt), receveur d’autobus, est amer. Li gagn dévélopman margoz, direz-vous. «Non, pa sa, li bon li. Mé zo’nn fer sa, zo’nn révov li tousala, mé plas parking pou bis zot pann prévwar. Dan dimans mari bloké isi.»

Sur la route qui mène à Quartier-Militaire, neuf et vieux font de nouveau le va-et-vient. Le trafic est dense, en cet après-midi de vendredi, les motos dansent entre les voitures et les autobus. Pas de bicyclette en vue, des automobilistes atteints de road rage jurent comme des charretiers. De ce côté-là, il n’y a pas eu de développement.