Une fois n’est pas coutume, le temps était couvert et les coureurs ont été accompagnés tout le long du parcours par un vent frais, conséquence du front nuageux qui a traversé la région ces derniers jours. Il avait plu dans la nuit et le brouillard et une pluie fine étaient au rendez-vous tôt hier matin dans les hauts de l’île.

4h43. Le jour se lève sur l’hôtel Tekoma et la plage d’Anse Alli, théâtre du départ du Trail de l’Eden. Le ciel est gris, le temps venteux. Ils sont 73 sur la ligne de départ qui sera donné à 5h06 juste après que Rose de Lima Edouard, Commissaire aux Sports, n’égrène le compte à rebours:«10, 9, 8, 7, 6, 5, 4,3, 2, 1 galoupé!»

Simon Desvaux de Marigny, sixième du 38 km en 2012 et quatrième du 44 km en 2015 – l’épreuve-reine se courait sur des formats différents il y a quelques années – s’installe en tête dès le départ. Cinq minutes plus tard, le groupe de tête s’attaque à la première difficulté du parcours : la montée de Patate Théophile. Simon Desvaux de Marigny, Benjamin Allouche, David Hauss, Fabrice Armand, Liraud Flore, Ludovic Pommeret, Ivan Cliff Rose, Jean Will Smith, Patrice Chan Seem et Vishal Ittoo donnent le ton. La première femme est alors la Sud-Africaine Landie Greyling. Elle précède la Française Valérie Tixier et l’icône rodriguaise Antoinette Milazar.

A Graviers, huit kilomètres plus loin, le vent, la pluie fine et la fraîcheur répondent toujours présent, une première au Trail de Rodrigues, réputé très chaud. A 5h57, alors que le soleil essaie de poindre à travers une trouée de lumière dans les nuages au-dessus de l’océan Indien, les hommes de tête font leur apparition sur la plage. Simon Desvaux de Marigny, David Hauss et Benjamin Allouche mènent la danse. Ivan Cliff Rose, vainqueur de la première édition en 2010, n’est pas très loin.

Dix minutes plus tard, c’est au tour d’Antoinette Milazar de traverser la route, en direction de la plage. Elle a déjà course gagnée. Elle compte, alors, trois minutes d’avance sur la Réunionnaise Hortense Bègue et la Française Valérie Tixier, triple vainqueure de l’épreuve.

Séga Tambour

Quatre-Vents, km 30, 8h14. C’est là que le 50 km et le 25 km se rejoignent. Simon Desvaux de Marigny et Ludovic Pommeret, qui a fini deuxième de la Diagonale des Fous le 18 octobre dernier, sont seuls en tête. Un écart de dix minutes les sépare de Benjamin Allouche. Et là, coup de théâtre, David Hauss, tenant du titre, décide d’abandonner. Il ne se sent pas bien et préfère s’arrêter. Il ne s’est pas remis de sa sixième place à la Diagonale des Fous 2019 après une remontée épique en raison d’un balisage défectueux suite à un acte malveillant en début de parcours. «Je manquais d’énergie. Au départ, nous étions sept en tête. Rapidement, j’ai eu du mal à suivre. C’était trop rapide pour moi. J’ai dû baisser l’allure. Je suis tombé plusieurs fois, j’étais en quinzième position quand je me suis arrêté. J’avais perdu une heure sur les premiers. Je me voyais mal continuer encore 20 kilomètres.»

La course s’est poursuivie sans lui et la victoire allait se jouer entre ce duo qui continuait à imprimer son rythme à la course. A 9h46, Ludovic Pommeret et Simon Desvaux de Marigny parvenaient au Pont Suspendu à Pistache. Il ne leur restait alors que sept kilomètres pour rallier l’arrivée à Anse Quitor.

10h13. Le bras droit sur les épaules de Simon Desvaux de Marigny, qui le tient par la taille, Ludovic Pommeret et l’ultra-trailer mauricien offrent une magnifique image de fraternité dans l’effort en guise de point final à un 50 km qui aura tenu en haleine coureurs, organisateurs et journalistes.

«Il fait beau, c’est sympa. Nous avons eu un temps clément, c’est cool. J’avais demandé la clim, ils l’ont mise», plaisante Ludovic Pommeret. Avant d’ajouter : «La première partie était assez fraîche avec la pluie. Cela nous a bien aidés. La fin, par contre, était assez chaude mais couverte. Ça a été une su- per course avec Simon. On s’est bien tiré mutuellement. Mais dans les bosses, c’était lui le plus fort. Je dis un grand merci au Trail de Rodrigues.»

Les deux hommes ont «décidé» naturellement de terminer ensemble à un kilomètre du but. «C’était super ! On a fait la course ensemble, Ludovic et moi, depuis le début. Je me suis tordu la cheville au km 10. J’ai tenu le coup jusqu’à mi-parcours. Après, ça tirait un peu. Je souffrais de ma cheville, je n’arrivais pas à descendre. La chaleur était dure, il y avait beaucoup de relances aussi. C’était un peu couvert dans les hauts, heureusement. Je suis content du parcours et de ma course.»

La troisième participation aura été la bonne pour Simon Desvaux de Marigny.

Une sorte de revanche sur le sort puisqu’il était en deuxième position et pouvait espérer une place sur le podium du Trail de Bourbon il y a un peu plus d’une semaine quand il a préféré abandonner après s’être égaré et avoir perdu un temps précieux, tout cela en raison d’un balisage qu’il avait qualifié de léger.

Le podium masculin du 50 km a été complété par Liraud Flore, triple vainqueur du format long (2015, 2016 et 2017) et troisième l’année dernière. «J’ai couru à l’aise. J’ai eu une course tranquille. J’ai essayé de suivre les élites mais à Montagne Limon, à peu près au km 17, ils m’ont lâché. J’ai poursuivi ma course tout seul. C’est à Eau Vannée, à peu près au km 30, que je suis passé en troisième position.»

Vishal Ittoo, malgré une douleur persistante aux lombaires depuis plusieurs jours, a terminé sa course en 5h53’49 pour prendre la septième place. «Au début, j’ai bien géré et j’ai poursuivi ainsi jusqu’à l’arrivée. Je souffrais du bas du dos. Je pensais ne pas pouvoir courir ce 50 km. Et puis ce matin, (Ndlr: hier), j’ai décidé de prendre le départ.»

10h57. Celle que tout le monde attendait franchira la ligne d’arrivée à la dixième place au scratch dans le temps de 5h57’35. Antoinette Milazar retrouvait le Trail de Rodrigues après cinq ans d’absence après des victoires en 2010, 2011, 2012 et 2014. «C’était difficile! Il y avait beaucoup de montées et de descentes. Il n’y avait pas trop de soleil, heureusement. Il faisait relativement bon. Je dédie cette victoire à ma famille, à mon amie Sonia Bégué, qui m’a aidée sur le parcours et à tous ceux qui m’ont soutenue.» Le podium féminin du 50 km a été complété par la Sud-Africaine Landie Greyling (6h30’59) et la Réunionnaise Hortense Bègue (6h50’08).

La 10e édition du Trail de Rodrigues aura connu le succès escompté. La Commissaire aux Sports Rose de Lima Edouard-Ravina, marraine de l’événement, aura été de tous les départs hier matin. Elle était à l’arrivée aussi pour saluer vainqueurs et participants. «C’est un sentiment de satisfaction qui prévaut. L’esprit de famille a primé. Culture et sport ont fait bon ménage durant ce trail. Le séga tambour a accompagné les coureurs sur plusieurs points de passage.»

Les autres vainqueurs, hier, ont été Sébastien Issarambe (2h27’06) ex-aequo avec Florient Durque et Léa Cavelier (3h18’41) sur 25 km, Rickinson Edouard (1h11’58) et Anne-Marie John (1h35’23) sur 15 km, Jérémie Momus (32’16) et Marie-Anaëlle Gentil (49’04) sur 7 km.