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Promesses électorales: c’est le contribuable qui payera la note au final
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Promesses électorales: c’est le contribuable qui payera la note au final
Des promesses en veux-tu, en voilà… il y en a eu pendant cette campagne électorale. Mais aucun des grands blocs politiques, qui aspirent à prendre les rênes du pays après le scrutin de jeudi, n’a jugé utile d’indiquer comment les nombreuses promesses de son manifeste électoral seront financées.
Que ce soit pour le Mouvement militant mauricien, l’Alliance Nationale ou l’Alliance Morisien, leur manifeste n’a pas dépassé les paramètres d’un document qui n’est, ni plus ni moins, qu’une déclaration d’intention, donc nullement contraignante juridiquement.
On ne peut toutefois écarter l’hypothèse, qu’après avoir examiné les caisses de l’État, le gouvernement issu des urnes déclare que la situation budgétaire ne lui permet pas de réaliser toutes les promesses de sa campagne. C’est en tout cas un argument sur lequel s’appuie un segment du secteur privé mais dont les représentants refusent dans les circonstances actuelles d’en parler à visage découvert.
«Toutes les promesses et surenchères font partie du folklore politique local en période de campagne électorale. La chose économique est reléguée au second plan. Mais sitôt les élections terminées, l’économie reprendra ses droits. L’esprit de partenariat qui anime les relations secteur privé/ gouvernement reprendra le devant.»
«Inquiet… Concerné… Alarmé…»
Toujours est-il que dans ce même milieu, on regrette que l’économie ne fasse pas partie du débat de la campagne électorale, comme c’est le cas dans certaines démocraties, et que les économistes des principaux partis politiques n’ont pas jugé utile d’indiquer l’impact sur le budget de l’État des mesures proposées. «Inquiet… Concerné… Alarmé…» Voilà des qualificatifs utilisés pour décrire la posture actuelle d’opérateurs clés du secteur privé devant la surenchère des nombreuses promesses électorales.
Cependant la possibilité que le nouveau gouvernement fasse fi de la réalité économique et réalise les promesses faites pendant sa campagne n’est pas totalement éliminée de l’équation politique actuelle.
«Notre économie est entièrement dépendante de l’extérieur. Nous n’avons pas les ressources naturelles nécessaires pour nous permettre de créer de nouvelles filières économiques créatrices d’emplois et génératrices de richesse. Ce sont surtout les investisseurs étrangers qui peuvent nous aider à multiplier notre capacité à créer la richesse nationale. Il ne s’agit pas de promettre mais faut-il encore démontrer la capacité de notre économie à supporter l’impact des promesses électorales.»
Effet multiplicateur
En l’absence de l’impact chiffré de ces mesures proposées par les politiques sur l’économie, certains du secteur privé préfèrent adopter la posture de wait and see sans pour autant s’engager dans des simulations destinées au grand public. Là où les politiques et des penseurs du secteur privé refusent de s’aventurer, Pierre Dinan, économiste de formation et indépendant du secteur privé, n’hésite pas à franchir le Rubicon. Pour lui, si les mesures préconisées dans les manifestes électoraux se matérialisent, tout sera financé du budget national, qui est déjà largement déficitaire.
Quel impact cela aura-t-il sur le budget ? «La situation déficitaire du budget de l’État risque de s’accentuer», assure-t-il. Et où le gouvernement trouvera-t-il de l’argent ? Primo, à travers l’impôt sur les revenus, mesure qui touche la frange de la population taxable. Secundo, la taxe sur la valeur ajoutée, un impôt indirect qui affecte l’ensemble de la population qui consomme des biens, produits et services.
Consommation
Et quid de l’effet multiplicateur des nouvelles rentrées d’argent dans l’économie à travers, entre autres, la hausse des pensions et des salaires ou l’impact sur le budget familial de la baisse sur le gaz et l’électricité ou encore l’élimination de la taxe municipale ? Autrement dit, peut-on imaginer que cette nouvelle rentrée d’argent va alimenter davantage les activités économiques au point de générer de la richesse nationale et créer de nouveaux emplois ?
Pierre Dinan réfute d’un revers de main le bien-fondé d’une telle hypothèse. Il estime que le phénomène d’effet multiplicateur ne se manifestera pas aussi longtemps que la plus grosse part des revenus du pays, à travers l’exportation des produits, biens et services, est consacrée au financement de l’importation des produits de consommation.
Il insiste que c’est une situation très risquée pour l’économie nationale. Avec de nouvelles rentrées d’argent dans les foyers, il est plus que certain que cet argent sera utilisé davantage pour l’achat de produits de consommation qu’autre chose.
Pour payer ces importations, il faudra donc puiser dans les réserves en devises étrangères du pays. L’économiste indique que les secteurs susceptibles d’assurer une rentrée en devises étrangères, comme le sucre, la zone franche et le tourisme, font face à de nouveaux défis. Pour rendre les produits, biens et services en provenance de Maurice plus attractifs aux yeux de l’étranger dans un contexte de compétition intense, il n’est pas impossible que les autorités optent pour une dépréciation de la roupie. Cela, soutient Pierre Dinan, signifie que la roupie perdra sa valeur réelle. Autrement dit, si avec Rs 100 un consommateur peut actuellement s’acheter cinq bouteilles d’eau, avec une roupie dépréciée, il ne pourra s’en procurer que trois.
En fin de compte, le Mauricien, bénéficiaire de tant de largesses des politiciens, se retrouvera certes avec plus d’argent mais ce sera une monnaie de singe, dépourvue de sa valeur réelle. Une autre conséquence, ajoute Pierre Dinan, est que la situation de l’endettement du pays risque d’empirer, surtout le remboursement de la dette étrangère qu’il faut payer en devises étrangères quand l’échéance arrive à terme.
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