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Droit de vote: cafouillage et colère
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Droit de vote: cafouillage et colère
Hier, l’exercice de vote a été ponctué d’incidents dans toutes les circonscriptions du pays. Nombre de Mauriciens ont été déçus de n’avoir pu exercer leur droit civique.
«Bangladais gagn drwa voté mé nou pa gagn drwa voté! Nou drwa sa !» Ces propos sont ceux de partisans de l’Alliance Nationale de la circonscription no 4. Hier, à 17 heures et demie, ils étaient une vingtaine à débarquer dans les locaux de la Commission électorale. Voulant à tout prix s’adresser au commissaire électoral, Irfan Rahman, l’accès leur a été refusé au quatrième étage. C’est finalement dans la rue qu’ils ont laissé éclater leur colère…
L’exercice de vote a été ponctué d’incidents dans toutes les circonscriptions du pays. Si d’un côté, des centres de vote n’étaient pas «adaptés», à l’instar du centre MITD Sir Kher Jagatsingh dans le no 20 qui était dépourvu de rampe, ou encore, où il fallait voter à l’étage, le plus gros problème a été l’incapacité de voter de milliers de Mauriciens. Cela, car leurs noms ne figuraient pas sur le registre électoral, bien que dans plusieurs de ces cas, ils n’ont pas changé d’adresse.
C’est en se rendant dans les centres de vote qu’ils s’en sont rendu compte. À l’instar de Frédéric François, habitant Cité-La-Cure du no 4. «C’est aberrant ! Les gens qui ont la quarantaine et qui ont l’habitude de voter dans le même centre sont aujourd’hui incapables de le faire», dit-il. Idem pour Salim Timol, qui habite la même localité à Rose-Hill depuis 1982.
«Mon nom ne figure pas sur liste électorale, je ne sais pas pourquoi. J’ai toujours voté à l’école St-Enfant Jésus. Je n’ai pas changé d’adresse», indique-t-il, visiblement déçu. À Trou-d’Eau-Douce, dans le no 10, la situation s’est corsée. En début d’après-midi, plusieurs dizaines de citoyens se sont vu refuser le droit de vote à Sir Pierre Dalais Government School. Outrés, ces derniers s’en sont plaints au leader du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, qui était sur place.
«Ce n’est pas normal. Nous avons vérifié la liste et les cartes d’identité des électeurs au préalable mais le jour du scrutin, on se rend compte que plusieurs noms ne figurent pas dans les centres de vote. S’agit-il d’un trucage ? La démocratie est-elle bafouée ?» s’interroge Prem Beerbul, agent de l’Alliance Nationale dans cette même circonscription. Comme lui, des théories de «trucage», de démocratie bafouée et de «sabotage» ont fusé de partout, surtout sur la Toile. Sans compter des critiques virulentes contre la Commission électorale. Qu’en est-il vraiment ?
«Démocratie pas bafouée»
Tard dans la soirée d’hier, le commissaire électoral, Irfan Rahman, et des membres de l’Electoral Supervisory Commission (ESC) ont tenu une conférence de presse, dont le point central a été le mécontentement des électeurs de n’avoir pu voter. Selon les chiffres communiqués par la Commission, sur 941 719 électeurs enregistrés, 723 660 ont voté hier. Ce qui équivaut à un taux de participation de 76,8 %, soit 2 % de plus que celui des législatives de 2014.
«Sur 941 719 électeurs, 6 813 n’ont pu voter, soit un taux de 0,72%. Je vous laisse tirer vos propres conclusions. C’est regrettable, mais il ne faut pas exagérer les faits. Chaque droit de vote vient avec des responsabilités. La démocratie n’a pas été bafouée», a fait ressortir Me Désiré Basset, membre de l’ESC.
Un peu plus tôt, Yusuf Aboobaker, président de l’ESC, a passé en revue les dispositions légales autour de l’enregistrement des électeurs. «Nous n’avons pas le droit de déroger à ce que prévoit la loi. L’ESC est régie par deux lois : la Constitution et la Representation of the People Act. Nous à la commission électorale nous appliquons une philosophie – celle de ne priver aucun citoyen de son droit de vote. Nous faisons de notre mieux pour éviter cela mais nous sommes aussi régis par des lois», a-t-il fait comprendre. Selon l’article 42 de la Constitution, un électeur est enregistré comme tel dans une seule circonscription et s’il y habite à la «date prescrite», c’est-à-dire, le 1er janvier de chaque année.
Yusuf Aboobaker a souligné que la commission, à travers Irfan Rahman, a multiplié les efforts depuis le dé- but de l’année de permettre à un plus grand nombre d’électeurs de se faire enregistrer. Parmi eux, des conférences de presse, des avis publiés dans des autobus, bâtiments publics ou encore un service SMS. «Nous avons eu l’impression que les Mauriciens pensent qu’il n’est plus nécessaire de vérifier s’ils sont toujours enregistrés. Ce n’est pas parce que vous avez toujours voté dans un centre que votre nom y figurera toujours. La loi est claire à ce sujet», a-t-il fait ressortir.
Les officiers qui font l’exercice de recensement récoltent des informations sur le terrain, fournies par des proches entre autres. Cette année-ci, l’exercice a été fait du 11 au 24 janvier. Près de 300 000 maisons ont été visitées et 40 838 nouveaux électeurs enregistrés. Avant la validation de la liste, en août, les Mauriciens, à travers diverses campagnes, ont été invités à vérifier s’ils y figuraient.
«À l’issue de cet exercice, seuls 3 687 citoyens se sont rendus dans les centres d’enregistrement. Par conséquent, seuls 998 électeurs ont été enregistrés», a souligné Irfan Rahman. À Me Narghis Bundhun, également membre de l’ESC, d’ajouter que chaque registre électoral n’est valide que pendant une année. Après quoi elle expire. «La commission électorale a tout mis en œuvre pour sensibiliser les Mauriciens. Le canvassing a été fait malgré l’accueil honteux, dans bien des cas, qu’ont reçu les officiers…»
Pour Me Désiré Basset, la démocratie n’a pas été bafouée. Si les résultats s’avèrent serrés, le taux de 0,72 % de votants qui n’ont pu participer au scrutin, peuvent-ils contester ? «Oui, tout résultat peut être contesté en cour», a répondu le membre de l’ESC. Selon le commissaire électoral, la commission envisage de rencontrer les citoyens qui n’ont pu voter.
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