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Nouveau gouvernement: comment Pravind Jugnauth a constitué son cabinet
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Nouveau gouvernement: comment Pravind Jugnauth a constitué son cabinet
L’analyse la plus factuelle et la plus précise, c’est celle de l’âge. Pravind Jugnauth réussit à rajeunir de cinq ans son cabinet constitué en janvier 2017. L’âge moyen passe de 58 ans à 53 ans, grâce notamment à quatre ministres qui sont âgés de 39 et 40 ans: Avinash Teeluck et Deepak Balgobin ont 39 ans, Vikram Hurdoyal et Soodesh Callichurn sont âgés de 40 ans. Il y a aussi le fait qu’aucun ministre n’est âgé de plus de 69 ans (en l’absence de SAJ et de Lutchmeenaraidoo, ministres en 2017). En 2014, la moyenne d’âge était de 55 ans.
Dans les coulisses de la constitution de ce cabinet, on raconte que le PM aurait bien tenté de marcher dans les pas de son père en nommant un ministre âgé de 35 ans ou moins (SAJ avait nommé Callichurn à l’âge de 35 ans, en 2014). Tania Diolle (35 ans) a été éliminée prioritairement sur la base de son appartenance politique car elle n’est pas membre du MSM. Pravind Jugnauth a déjà bien des alliés à nourrir (Collendavelloo, Obeegadoo, Ganoo, Ramano ont tous été nommés ministres) et un éventuel maroquin à Tania Diolle aurait augmenté sa «dette» vis-à-vis de son propre parti.
Il lui restait alors Kenny Dhunoo (manager de 35 ans), Subhasnee Luchmun Roy (animatrice radio âgée de 34 ans) et Teenah Jutton (chargée de cours âgée de 33 ans). De ces trois-là, seule Teenah Jutton a eu la considération de Pravind Jugnauth mais d’autres impératifs ont eu raison d’elle, et elle se contentera, comme Tania Diolle, d’un poste de Parliamentary Private Secretary (PPS).
Parmi ces «autres impératifs», il y a celui de s’entourer de sa garde rapprochée. Ainsi, les questions ne se sont même pas posées quand il a fallu prioritairement inclure les noms de Mahen Seeruttun, Leela Devi Dookun-Luchoomun, Nando Bodha (même si beaucoup ne comprennent pas pourquoi le portefeuille du Transport et du métro lui a été enlevé), Yogida Sawmynaden, Maneesh Gobin et Bobby Hurreeram sur la liste de ministres. Pas question non plus de désavouer un ministre sortant, quel qu’il soit.
En offrant un poste de ministre à Sunil Bholah, Soodesh Callichurn, et aux Best Losers Stephan Toussaint, Anwar Husnoo et Fazila Jeewa-Daureeawoo, Pravind Jugnauth évite d’émettre un certificat d’incompétence au gouvernement sortant. En se faisant repêcher comme Best Losers, Anwar Husnoo et Fazila Jeewa-Daureeawoo ont aussi offert une belle planche de salut au Premier ministre qui, pour des raisons purement ethniques, aurait alors dû se rabattre sur les deux néophytes Ismaël Rawoo et Zahid Nazurally.
Or, Pravind Jugnauth a clairement voulu privilégier la continuité, avec cinq ministres sortants (Ivan Collendavelloo (Énergie), Leela Devi Dookun-Luchoomun (Éducation), Sunil Bholah (PME), Soodesh Callichurn (Travail), Stephan Toussaint (Sports) qui gardent leurs portefeuilles actuels sans compter le fait que Renganaden Padayachy, son principal conseiller en matière d’économie durant le dernier mandat, est aujourd’hui officiellement ministre des Finances.
Mais la stratégie la plus évidente de Pravind Jugnauth derrière la constitution de son cabinet et la nomination de ses PPS, c’est ce large brassage national et géographique. Toutes les circonscriptions (hormis le n°2 et le n°20, où Pravind Jugnauth n’avait pas le choix car il s’y retrouve sans élu et sans Best Loser) se retrouvent avec au moins un PPS et dans la plupart des cas, au moins un ministre.
En consultant le tableau ci-dessus, on note un effort de Pravind Jugnauth à offrir, par exemple au no 15, un PPS, à savoir Gilbert Bablee, le seul élu de la circonscription. Ceci est une indication claire que le leader du MSM songe à consolider ses bases électorales en vue de 2024. Ce qui est cohérent avec sa volonté, annoncée dans son premier discours, «d’être le PM de tous les Mauriciens».
Le tableau montre aussi une concentration de ministres dans les circonscriptions 7 à 13. «Que voulez-vous, c’est là-bas qu’il puise son plus grand nombre d’élus. Statistiquement, c’est logique que vous y trouviez plus de ministres et de PPS. Il doit faire avec ce qu’il a à disposition», explique un des proches de Pravind Jugnauth.
Mais difficile, malgré cette explication, de ne pas entrevoir une volonté de consolider les bases électorales et d’accentuer la domination du MSM dans les anciens bastions travaillistes, à l’instar du n°9, où deux néophytes, Deepak Balgobin et Sudheer Maudhoo, ont été nommés ministres. Difficile aussi de ne pas voir en la nomination de Vikram Hurdoyal comme ministre, une récompense pour avoir été le «leading figure» de la défaite de Navin Ramgoolam. Cela, afin qu’il consolide encore plus ses assises – et ainsi celles du MSM – au n°10.
Face à tous ces impératifs – et nous avons à peine effleuré la question ethnique qui reste une obsession pour tout Premier ministre – il était impossible de satisfaire tous ceux qui s’attendaient à un maroquin ou à une nomination comme PPS. Par exemple, beaucoup d’artistes espéraient voir Sandra Mayotte ministre des Arts et de la culture, mais le portefeuille est allé à Avinash Teeluck. Ces impératifs ont aussi eu raison de la parité homme-femme au sein du cabinet.
Toutes ces étapes passées, Pravind Jugnauth a exhorté son équipe, hier, «à se mettre au travail». Après l’habituel temps de grâce de «100 jours», il faudra déjà procéder à un premier bilan et juger la recette du PM selon la bonne vieille formule anglaise : «the proof of the pudding is in the eating». D’ici là, le Premier ministre aura peut-être abattu une carte qu’il garde, pour le moment, jalousement en main : celle de l’Attorney General. C’est une carte joker car elle permet au PM, à n’importe quel moment, de nommer un légiste non élu.
Attorney General : convaincre l’oiseau rare ?
<p style="text-align: justify;">Le nouveau gouvernement de Pravind Jugnauth pensait avoir trouvé le bon profil pour occuper le poste d’Attorney General, mais sa proposition se serait heurtée à une vague de protestations provenant de la profession légale. L’homme choisi traînerait trop de casseroles pour ce poste stratégique. Les émissaires du pouvoir se seraient alors tournés, de manière officieuse, vers un discret mais efficace avocat d’affaires, auparavant très proche d’Ivan Collendavelloo. Mais l’avocat n’est pas demandeur et n’est pas habitué à faire des courbettes, ce qui rendrait sa nomination difficile. Interrogé, l’homme de loi a nié avoir été approché et se serait même montré surpris par notre démarche.</p>
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