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«Bann zeness pa pour rodé mem travay dan karo dithé !»

5 décembre 2019, 20:14

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«Bann zeness pa pour rodé mem travay dan karo dithé !»

Il est 4 h 30, dans le village de Bois-Chéri. Indrowtee Gopeesingh est en route pour son «karo dité» qui se situe juste en dehors du village de Bois-Chéri. Elle s’y rend pour la cueillette des jeunes pousses pour le compte du groupe St Aubin, détenteur de la marque de thé Bois-Chéri. Pour cette sexagénaire, c’est la même routine depuis plus de 40 ans. Indrowtee Gopeesingh est cueilleuse de thé, un métier aussi connu comme métayer, depuis ses 18 ans.

«Mo koumansé 4 er edmi, 5 er, mo kas dité ziska avan midi, fer pezé ek lerla mo gagn mo rési mo al lakaz.» En une journée de travail durant l’été, Indrowtee explique qu’elle cueille en moyenne une trentaine de kilos de feuilles. Elle touche Rs 10 par kilo de thé cueilli, indique-t-elle, et en travaillant cinq jours par semaine, cela lui fait un salaire d’environ Rs 6 000 à Rs 7 000 à la fin du mois. «Avek sa kas-la mo kapav roul mo lakwizinn, mo viv bien. Mé si éna travay-la, parfwa kas-la ki pa gagné.»

Pas de relève

Indrowtee Gopeesingh nous explique que depuis quelque temps, il y a des retards sur le paiement aux cueilleurs de thé. «Zot pay nou par kinzenn (quinzaine). Mé pou Oktob so la pay pa ti ankor ganyé ziska 20 Novam. Létan sa mo éna mo bann dépans, manzé tousala. Si pa ti ena mo bann zanfan ti pou bien difisil», soutient-elle. Un autre cueilleur de thé qui souhaite rester anonyme indique toutefois qu’il est hors de question pour eux de demander des explications ou s’exiger leurs dûs. «Premyé zafer zot dir lerla sé ‘kité alé, pou pran Bangladess pou met travay la’. Deza dan sertin karo ena bann Bangladess pé travay.» Mais pas question pour Indrowtee de quitter ce seul métier qu’elle a connu. «Tousa létan la samem travay nounn fer. Aster kan inn fini vinn vié ki lot travay mo pou al fer ?»

De toute manière, indique Indrowtee Gopeesingh, lorsque les cueilleurs de thé actuels quitteront les champs, il n’y aura pas de relève. «Preske tou bann dimounn ki travay dan karo zordi la zot éna lao 60 an. Bann zeness pa rodé mem vinn travay dan karo. Zot éna rézon ousi. Dan lété ou travay bien mé dan liver bien tigit kass gagné, parfwa Rs 600 par mwa. Kouma viv ek sa ? Nou bizin pay lokasyon karo, lorla bizin netwayé, met fertilizan. Nanyé pa resté lerla.»

 Indrowtee explique que comme elle, de nombreux cueilleurs de thé paient une location au groupe St-Aubin pour un lopin de terre sur lequel ils cueillent le thé. «Nou pay Rs 600 arpents later. Zot fini plant dité lor la. Lerla nou nou netway li, met so fertilisan ek kas dité-la.»

 En somme, le groupe St Aubin est propriétaire de terrains sur lesquelles est cultivé le thé. Des cueilleurs peuvent alors louer ces terres par arpent. Ils doivent maintenir la plantation, nettoyer, mettre du fertilisant et ensuite cueillir le thé pour Rs 10 le kilo pour le compte de Bois-Chéri. Indrowtee est d’avis que c’est un système qui exploite les cueilleurs de thé. «Mé ki pou fer ? Samem nou travay. Dépi komié banané li koumsa.»


 

Éric Guimbeau : «le thé, c’est un secteur très compliqué»

Le Chief Executive Officer (CEO) du groupe St-Aubin, Éric Guimbeau, concède qu’il se peut qu’il y ait des retards au niveau du paiement. «Nous sommes dans un secteur très difficile. Il y a plusieurs facteurs à prendre en considération, entre autres le climat, le mauvais temps. Mais nous rattrapons tout retard. Tous les paiements sont à jour», soutient-il. Qu’en est-il de la main-d’œuvre étrangère dans les champs ? Éric Guimbeau explique qu’il n’a guère le choix car les Mauriciens ne veulent plus travailler dans les champs de thé. «J’ai moi-même personnellement fait le tour des villages pour essayer de recruter des cueilleurs de thé. Mais il n’y a pas de relève. C’est triste car on aurait voulu que ce soit des Mauriciens qui puissent bénéficier de ces emplois.» Ils sont 35 Bangladais à travailler pour le compte de St-Aubin, indique son CEO. Quant aux menaces que certains cueilleurs auraient reçues, Éric Guimbeau est catégorique dessus : «Ce n’est certainement pas la direction qui tient un tel langage. J’invite les cueilleurs à venir me voir, vinn dir mwa kisanla kinn dir zot sa.» Selon le patron de St-Aubin, tous ceux qui travaillent avec le groupe font partie d’une seule famille. «Plusieurs familles survivent grâce aux emplois qu’a créés le groupe, grâce aux champs de thé. Ils ont pu envoyer leurs enfants étudier pour devenir médecins, avocats. On est là depuis très longtemps, on a toujours collaboré pour aller de l’avant.» Pour venir aux champs que certains cueilleurs louent, Éric Guimbeau explique que c’est la pratique courante dans le secteur du thé. «Ce n’est certainement pas une forme d’exploitation. Nous payons beaucoup plus au gouvernement pour pouvoir exploiter ces terres et nous les louons à un prix bien moindre aux individus. Mais en même temps, ces gens-là ont la garantie que le groupe va acheter le thé. Nous les aidons d’une certaine façon. Et puis, tout cela est bien réglementé par la loi. Tous les prix, les conditions et autres sont strictement réglementés.»