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Baisse de niveau dans l’éducation : «On va droit dans un mur»

9 décembre 2019, 21:00

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Baisse de niveau dans l’éducation : «On va droit dans un mur»

Le constat est alarmant. Pour la première fois depuis l’introduction de la réforme éducative en 2015, le Nine-Year Schooling, des enseignants du primaire et du secondaire sont catégoriques à dire que la baisse de niveau dans l’Éducation s’est généralisée. «On va droit dans un mur», soutiennent-ils. Pourquoi ce cri d’alarme maintenant ? Le catalyseur est sans doute les 5 «credits» désormais demandés (au lieu de quatre) en School Certificate (SC) pour pouvoir passer à l’étape du Higher School Certificate (HSC).

Une exigence qui sera applicable pour les résultats de la cuvée 2019. Si les autorités refusent d’avancer un pourcentage de réussite probable, dans les milieux éducatifs, l’on craint le pire et l’on estime à moins de 50 % le nombre de collégiens qui pourront réussir.

Mais le mal est plus profond. Comment être aussi «exigeant» avec ces élèves lorsque les initiatives prises dans le cadre de la réforme éducative semblent avoir favorisé un nivellement vers le bas ? C’est la question que se posent de nombreux enseignants.

Aucun échec

En effet, avant d’en arriver à la baisse de niveau, il faut s’attarder sur le Primary School Achievement Certificate (PSAC). Cet examen qui a remplacé le Certificate of Primary Education (CPE), prévoit la promotion automatique en Grade 7 (ex-Form 1). Il n’y a désormais aucun échec. Même pour ces élèves qui obtiennent moins de 30 points. Une fois au secondaire, ces derniers sont appelés à suivre la filière préprofessionnelle et ont 4 ans pour compléter leurs études jusqu’à la Grade 9 (ex-Form 3), contrairement à ceux du «mainstream». Outre la promotion automatique, le PSAC a également fait disparaître l’A+, qui correspondait à une échelle de 90 à 100 points dans une matière. Dorénavant, la meilleure notation est l’A, qui équivaut à 75 – 100 points.

«J’ai toujours pris position contre cette décision, même si on parle de l’éducation continue. Sans l’A+, l’écolier se contentera du moindre effort», souligne Vinod Seegum, président de la Government Teachers Union (GTU). Ce dernier confie avoir écrit de nombreuses missives au ministère de l’Éducation afin d’attirer l’attention des fonctionnaires sur ce choix qui, au final, mènerait à une baisse de niveau. Et la baisse de niveau, elle est bien là, précise le syndicaliste. «Je le dis haut et fort, beaucoup d’élèves ne savent plus écrire. La qualité des rédactions n’est plus la même», martèle-t-il.

Le président de la GTU soutient aussi que les enseignants font preuve de beaucoup plus de tolérance à présent et laissent passer des fautes, qui, autrefois, n’auraient pas été autorisées.

Au niveau du secondaire, des enseignants ont décidé de prendre le taureau par les cornes. «On ne cesse d’évoquer la baisse de niveau au SC. Beaucoup d’élèves n’ont pas le niveau requis pour monter en grade. Cette fois, on ne peut plus appliquer des solutions palliatives», critique Munsoo Korrimboccus, secrétaire de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE). Pour lui, déjà, il faut comprendre le barème de réussite : «Tout est gardé secret. On me dit que c’est de 22 % pour le SC. Vous voyez bien que c’est très faible. Et cela se reflète sur les enfants en classe.»

Extension de la préparation

Un avis que partage Vikash Ramdonee, secrétaire de l’Union of Rectors and Deputy Rectors of State Secondary Schools. Selon lui, derrière un taux de réussite de 90 % dans son établissement, se cachent d’autres réalités. En effet, beaucoup d’élèves obtiennent 7 ou 8 unités, qui est l’équivalent d’un «Pass» et ne reflète nullement le niveau de réussite nécessaire pour entrer en Lower 6. Car pour, poursuivre au HSC, de meilleures performances, par exemple 5 ou 6 unités, voire moins, sont requises. «Le Mauritius Institute of Education doit jouer un plus grand rôle en tant que pionnier pédagogique. Il faut travailler ensemble et faire un monitoring des professeurs et responsables d’écoles», suggère-t-il

Pour sa part, Gilberte Chung, directrice du Service diocésain de l’éducation catholique (SeDEC), propose l’extension de la préparation au SC pour les candidats de niveau moyen. «Au SC, on compte 30 % d’élèves déjà en difficulté depuis le PSAC. En réalité, cet écart peut se creuser davantage si ces derniers n’arrivent pas à atteindre le niveau de scolarité. L’idée est d’avoir trois ans au lieu de deux avant ces examens.

On en a déjà fait l’expérience dans le passé et c’était concluant.» Donc cette proposition revient sur le tapis à l’heure où les inquiétudes grandissent sur le dénivellement des performances.

 Pour Munsoo Korrimboccus, la mesure du SeDEC fonctionnerait sur une courte échéance, qui permettrait de consolider la base de l’enfant. «Si les écoles confessionnelles s’arment déjà, c’est que la situation est assez grave. D’ailleurs, dans les instituts d’État, le problème est tout aussi alarmant. Je ne vois pas de réforme sur le fond du problème» Patrick Freyneau, président de la Secondary and Preparatory School Teachers and Other Staff Union, s’insurge également contre cette situation.

 «Le nombre d’élèves n’ayant pas 50 % des points a augmenté. L’ultime solution est de tout reprendre au primaire car à peine sorti du PSAC, l’élève n’a même pas les capacités requises.» Face à cette urgence, il prévoit une réunion aujourd’hui pour proposer la réforme suivante : scinder le cycle primaire en Lower et Upper. Selon lui, les trois premières années du Lower Primary, plus pédagogique, permettraient de déceler et d’encadrer les difficultés. L’Upper Primary prendrait ensuite le relais avec un accent sur l’enseignement, l’écriture entre autres.

Patrick Freyneau s’interroge aussi sur l’utilisation concrète du budget national de Rs 17 milliards dédié à l’éducation. «Qu’en fait-on? Sur quoi dépense-t-on le plus? Il est temps qu’on le comprenne

Nous avons également adressé ces questions au ministère de l’Éducation. Une réponse est attendue.