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Élections au Royaume-Uni: des Mauriciens établis au pays de Sa Majesté partagés

12 décembre 2019, 18:00

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Élections au Royaume-Uni: des Mauriciens établis au pays de Sa Majesté partagés

En ce 12 décembre ont lieu les législatives anticipées au Royaume-Uni pour désigner un nouveau Premier ministre. Si des Mauriciens semblent vraiment rallier à la cause du gouvernement pour récupérer la souveraineté des Chagos, nos compatriotes vivant au pays de la Reine et ayant le droit de vote ne partagent pas cet avis. Certains disent même préférer que l’archipel demeure sous l’administration britannique.

Alors que le match entre le leader du Parti conservateur Boris Johnson et son opposant Jeremy Corbyn se corse, l’enjeu pour Maurice c’est bien évidemment les Chagos. D’ailleurs, c’est le leader du Parti travailliste et de l’opposition, Jeremy Corbyn, qui a fait la promesse de retourner l’archipel à Maurice.

«Moi, c’est dans le gouvernement mauricien que je n’ai pas confiance. Surtout lorsque je vois le nombre de magouilles qu’il y a. Je me demande ce qui se passera avec l’archipel des Chagos si jamais Maurice récupère la souveraineté. Est-ce que l’objectif final est de donner l’archipel à l’Inde ? Je préfère que Diego Garcia qui protège l’océan Indien reste sous la responsabilité des Anglais», lâche Dany Fra, infirmière de l’unité néonatale au Whipps Cross University Hospital NHS Trust, en Angleterre.

Est-ce que cela voudrait automatiquement dire que la Mauricienne votera en faveur de Boris Johnson ? Sa réponse est un non catégorique. Pourquoi ? «Parce que je ne suis pas pour sa politique, ni pour le Brexit. J’ai peur pour la politique de santé en Angleterre. Nous sommes déjà dans une situation de pénurie de médicaments qui viennent d’Europe. Boris Johnson a menti tout au long. Il n’y aura aucun changement du côté de l’immigration non plus», avance Dany Fra.

«Les Chagos aux Chagossiens !»

Sa fille aînée, Emilie Prasadam, a terminé ses études dans la filière juridique. Elle est actuellement à son premier emploi et est déjà déçue par la politique du Parti conservateur. «Boris Johnson a fait tellement de promesses qu’il n’a pas été capable de tenir. Nous avons l’impression qu’il est le politicien des riches. Alors que Jeremy Corbyn, lui, a promis de taxer ceux qui ont de forts revenus afin de donner de meilleurs services au public. En ce moment, il y a des sondages qui démontrent que les Anglais voudraient de la politique des travaillistes pour leur pays mais qu’ils sont quand même conscients que Boris Johnson est un homme extrêmement influent», poursuit Emile Prasadam.

Nous avons également parlé à Linda. Il s’agit d’une Mauricienne qui a épousé un Anglais et qui a le droit de vote. Sauf qu’elle a opté pour l’abstention. Pourquoi ? «Parce que je n’aime pas les politiciens anglais. Ils finissent tous par ne pas respecter leurs promesses. Là encore, ils ont fait plein de promesses qu’ils ne vont pas tenir une fois élus», confie Linda Cave. Quant à son époux, il pense voter pour le Parti conservateur.

Linda affirme qu’elle a suivi la bataille entre Maurice et l’Angleterre au sujet des Chagos. «De mon côté, je suis complètement en faveur que Maurice récupère sa souveraineté sur un archipel qui lui appartient à la base. C’est notre héritage et ils n’ont aucun droit de nous l’arracher», ajoute-elle.

Du côté de Bournemouth, dans le sud de l’Angleterre, Ben Aufogul ira aux urnes aujourd’hui. Et pour lui, Mauricien, il est clair que les Chagos pèseront lourd dans son choix. Mais encore, s’il est pour la cause des Chagossiens pour un retour sur leur archipel, il n’est pas forcément pour la bataille juridique de Maurice sur le plan de souveraineté.

«Il faut être juste. Je vais voter pour que les Chagossiens retournent dans leur archipel natal et pour qu’ils aient le droit de faire ce qu’ils souhaitent et non pas pour que les Chagos reviennent à un autre pays», précise-t-il. Ben Aufogul veut surtout comprendre comment s’est déroulé le deal entre Maurice et l’Angleterre en 1965 lorsque les Chagossiens ont été déportés vers Maurice. «Il faut savoir qui sont ceux qui étaient pour et qui sont ceux qui étaient contre ce deal et surtout pourquoi les Chagossiens ont été jetés sur les plages à Maurice», conclut-il.

 

 

L’écart entre les conservateurs et les Travaillistes se réduit, selon les sondages

<p style="text-align: justify;">Qui dit élections, dit sondages électoraux. Au Royaume-Uni, depuis le début de la campagne, les sondages affluent. À hier, selon l&rsquo;<em>Agence France-Presse</em> (AFP), l&rsquo;écart entre Boris Johnson du parti conservateur et Jeremy Corbyn du Labour se réduisait. <em>&laquo;La veille d&rsquo;élections cruciales pour le sort du Brexit, le Premier ministre britannique Boris Johnson se &lsquo;bat pour chaque vote&rsquo;. Mercredi, l&rsquo;ultime sondage de la campagne montrant que son avance sur le Labour se réduit&raquo;</em>, précise le journaliste de l&rsquo;AFP. Selon <em>The Guardian</em>, au 10 décembre, les conservateurs menaient avec 43 %, contre les Travaillistes 34 %. Il s&rsquo;agit là du sondage Yougov mené auprès de 100 000 personnes sur les sept derniers jours. Malgré l&rsquo;écart qui se resserre, les sondages penchent davantage pour une victoire quasi-certaine de Boris Johnson. Un scénario qui donnerait une franche majorité aux conservateurs, soit 339 sièges sur les 650.</p>

 

 

 

 

Brexit: nos exportations pourraient en pâtir

Existe-t-il des appréhensions chez le secteur privé quant à l’issue des élections au Royaume-Uni, notamment face à la problématique entourant le Brexit ? La communauté des affaires ne voit pas de conséquence de l’impact d’une victoire du conservateur Boris Johnson ou du travailliste Jeremy Corbyn sur la question. Selon Kevin Ramkaloan, Chief Executive Officer (CEO) de Business Mauritius, l’accord préférentiel signé entre Maurice et le Royaume-Uni autour de l’exportation du sucre mauricien sur le marché londonien ne sera nullement remis en question. Et ce, peu importe le parti qui sera porté au pouvoir.

«Nous savons déjà qu’avec un gouvernement conservateur, le Brexit sera une réalité alors qu’avec les travaillistes, le projet devrait être soumis à un référendum auprès des Britanniques», indique le CEO de Business Mauritius. Et d’ajouter que même dans l’éventualité que la Grande-Bretagne se retire de l’Union européenne (UE), un accord commercial entre l’UE et les pays de l’Eastern & Southern Africa, et dont Maurice est signataire, entrera de facto en vigueur.

Une opinion que partage Lilowtee Rajmun-Jooseery, directrice de la Mauritus Exports Association. «Les accords entre les deux pays sont là pour perdurer avant ou après les élections. Il n’y a pas lieu pour les exportateurs de se montrer alarmistes pour le moment, Brexit ou pas.»

Cependant, ce qui semble inquiéter, c’est le fait que les Anglais pourraient se montrer plus prudents. Une situation que pourrait entraîner le Brexit. «La perception liée à l’incertitude découlant des élections en Grande-Bretagne peut changer le comportement des consommateurs britanniques.» Résultat des courses : les ménages pourraient réduire leur consommation. À titre d’exemple, ils pourraient acheter moins de prêts-à-porter. Ce qui aura une influence négative sur les exportations du textile mauricien sur le marché britannique.

Cependant, l’impact de cette échéance électorale sur la livre sterling est non négligeable. Elle s’est appréciée de 1 % du 4 au 11 décembre. Hier, la monnaie britannique s’échangeait à Rs 48,54. «Il est évident que la légère appréciation de la livre s’explique par l’idée d’une possible victoire de Boris Johnson lors de ces élections. Le marché a déjà réagi à cette victoire», fait valoir l’analyste financier Imritt Ramtohul.

En revanche, cette appréciation de la monnaie britannique entraîne mécaniquement une dépréciation de la roupie dont les raisons sont multiples. Les exportateurs peuvent se réjouir d’une roupie légèrement faible, expliquent des économistes. Car celle-ci rend plus compétitives les exportations mauriciennes, donc des produits plus abordables aux consommateurs britanniques.

Mais il est fort à parier que les Britanniques n’ont pas le coeur à la fête même si Noël arrive à grands pas. D’autant que le troisième trimestre de l’année n’a généré aucune croissance au Royaume-Uni. Une situation liée justement à l’incertitude du Brexit. Les économistes s’attendent à une reprise de 1 % uniquement pour le dernier trimestre de l’année.

Imritt Ramtohul note par ailleurs que les résultats de ces élections peuvent avoir des implications différentes pour le Brexit. Dans un premier scénario, il estime qu’une large victoire des conservateurs signifierait la légitimation de son deal sur le Brexit et confirmerait le retrait de la Grande-Bretagne de l’UE avant Noël.

En revanche, un deuxième scénario créerait un «hung parliament», ce qui nuirait au plan du Premier ministre et ouvrirait la voie au possible maintien de la Grande-Bretagne au sein de l’UE. Enfin, une victoire de Jeremy Corbyn forcerait la tenue d’un deuxième référendum sur le Brexit par un gouvernement travailliste, soutenu par les démocrates libéraux et le Scottish National.

Décidément, le Brexit et le prochain locataire de 10, Downing Street n’ont pas encore livré toutes leurs surprises.