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Teddy Desire: «Salomon et Peros disparaîtront dans quelques décennies…»

15 décembre 2019, 22:30

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Teddy Desire: «Salomon et Peros disparaîtront dans quelques décennies…»

Teddy Desire ne s’est toujours pas remis de ses émotions. Le 2 décembre, il était sur le bateau qui a quitté Maurice pour les Chagos, sa terre natale. Il y a passé 13 jours. Âgé de 48 ans, il avait quitté l’île Salomon lorsqu’il avait deux ans. Ce n’est que bien après, lorsqu’il a atteint l’âge de comprendre, qu’il a su pourquoi il n’était jamais rentré chez lui. Les seuls souvenirs qu’il a, ce sont les contes nostalgiques racontés par les aînés, dont sa mère. Teddy Desire revient sur ce qu’il a constaté sur place et pourquoi il pense que retourner sur l’archipel serait une folie…

Comment s’est passé votre voyage ?
Laissez-moi vous raconter le voyage lorsque j’ai quitté l’archipel. Je devais subir une opération chirurgicale aux Seychelles. Mais nous avions jamais pu rentrer sur l’archipel car les Britanniques avaient déjà pris le contrôle de Diego Garcia. Je suis venu à Maurice avec ma mère alors que mon père est resté aux Seychelles. C’est pour cela que ce voyage m’intéressait. Je voulais voir la terre où je suis né. 

Et 46 ans après, à quoi ressemble l’île Salomon ?
Déjà, en arrivant, c’est la beauté de la plage qui m’a frappée. Lorsque nous sommes descendus du bateau, il y avait des poissons, des raies et même un requin qui étaient là pour nous accueillir. Il est même venu nous dire au revoir lorsque nous sommes partis. Mais l’île en soi est magnifique. Il y a des ruines. J’ai même vu la bâtisse où mon grand-père réparait les pirogues. Enfin, je pense. On m’avait dit que c’était son métier et il travaillait près de la plage… On a aussi visité les cimetières. Ou koné, laba, péna boukou noms akoz lontan, bannla pa ti konn ékrir. Mais ne me demandez pas ce que j’ai ressenti, je ne saurais vous dire. C’était une déchirure entre les émotions du retour et savoir que nous ne pourrons jamais y retourner. 

Donc, vous ne croyez pas au combat des Chagossiens ? La question qu’on doit se poser est : est-ce qu’on mène le bon combat ? 
Pardon ? On n’a pas besoin d’avoir une très bonne vue pour voir que l’île va disparaître dans quelques décennies. Idem pour Peros Banos, que nous avions visitée. Avec l’érosion, les plages ont déjà rétréci. Ça se voit car les structures qui étaient autrefois sur la plage sont désormais pratiquement dans l’eau. Les îles disparaîtront sous l’eau. Alors, à quoi bon vouloir à tout prix y retourner ? 
 
Mais l’érosion peut être empêchée… Pour cela, il faudra les infrastructures appropriées sur les places. Pour les avoir, il faut d’abord repeupler l’île et tout reconstruire. Pour reconstruire, il faudra nettoyer en faisant attention à ne pas détruire toutes les espèces qui y vivent et pour cela, il faudra des études. Le temps d’arriver au stade d’ériger les infrastructures sur les plages, l’île aura disparu. Je serai le premier à refuser d’y retourner pour y vivre si jamais on me le demande.
  
Alors, pas d’espoir, selon vous ?
Si… À Diego Garcia, peut-être… 
 
Ah, vous y étiez ? Vous avez vu les avions et les soldats ?
Ah non, pas les avions. Nous n’avions pas accès à la base. Mais les soldats, oui. Nous avons même dîné et joué au beach-volley avec eux. Mais Diego Garcia est développé. Il y a le téléphone, la radio, les bâtiments et la place pour vivre. Mais bon, comme il y a la base, ce ne sera pas possible. 
 
De quel combat parlez-vous donc ? 
Je vous pose une question en retour. Lorsque ma mère et moi sommes partis, je n’ai jamais revu mon père. Il a fallu que j’attende en 1999, lorsque je suis parti aux Seychelles, pour enfin savoir à quoi il ressemblait et lui parler. Il y a des centaines et des centaines de personnes dans mon cas. Si on a la souveraineté sur les Chagos, sir Anerood Jugnauth a dit que la base pourra y rester. Donc, ce serait mieux d’avoir un dédommagement pour les préjudices que nous avons subis.