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Suzy une femme au grand cœur et «ses» dix enfants
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Suzy une femme au grand cœur et «ses» dix enfants
Pauvreté extrême, domicile sans électricité… difficile de croire qu’à la veille de 2020 certaines personnes vivent toujours dans une telle précarité… C’est la réalité de la famille Ferdinand. Les dix enfants et quatre adultes ont du mal à joindre les deux bouts. Pourtant ce n’est pas l’amour et l’affection qui manquent. Rencontre.
Il est 17 h 30. La petite pluie qui s’est abattue dans le nord du pays plus tôt ce jeudi 19 décembre, soulève une humidité et une chaleur sans nom. Dans l’une des ruelles de Batterie-Cassée, l’on entend au loin les rires d’enfants qui proviennent de la terrasse de ce que l’on croit être une maison. Sauf que c’est un centre où la famille Ferdinand a trouvé refuge.
S’amusant avec le peu qu’ils ont, certains d’entre eux jouent avec un ballon alors que les plus grands jouent aux dominos. Ils sont âgés entre deux et 13 ans, l’innocence se lit dans leurs yeux. Ils semblent ignorer ce que veut dire la misère mais pourtant ils l’a vivent et l’affrontent chaque jour.
«Fer 2 zan nou res la, avan nou ti pe lwé lakaz mé nou pa ti pe kapav péyé, lerla sant La Colombe inn donn nou sa landrwa la pou viv», confie Suzy Ferdinand. Cette quinquagénaire est la chef de famille. Cleaner de profession, c’est elle qui gère ce «foyer» comme elle le peut, avec son salaire minimum et une petite pension. Chaque jour est un nouveau défi pour elle et tous ceux qui habitent cette «maison».
Les enfants de sa sœur, de ses filles et un recueilli
En tout, ils sont 14 à y vivre. Dix enfants et 4 adultes. Ils n’ont pas d’électricité. De plus, les sceaux et les chiffons qui gisent un peu partout témoignent du fait que le toit au-dessus de leurs têtes ressemble à une passoire. Ils n’ont qu’un seul lit et le soir, ils se munissent de torches et de bougies pour chercher les «endroits secs» pour installer trois matelas sur lesquels trois à quatre personnes dormiront par terre.
«Je n’ai que quatre enfants, ils sont adultes. Mais il y a neuf ans, ma sœur est décédée et j’ai pris ses trois enfants qui étaient toujours en bas âge sous mon aile car leur père ne s’en souciait guère. Il y a aussi les enfants de mes deux filles ici. Le mari d’une d’entre elles est décédé et quant à l’autre, son mari l’a abandonnée.» Suzy a aussi sous sa garde un jeune de 11 ans. Ce dernier n’est pas de sa famille, pas de son sang… mais elle l’a «recueilli alors qu’il avait que trois mois. So mama inn kit li ar [mwa] inn alé, li ti ankor enn tibout baba. Li pa pran li kont. Mwa kinn elévé li ek tigit ki mo ena… li pou rant kolez la».
Son époux l’a abandonnée
Malgré l’image de femme forte, Suzy a l’air fatigué, ses yeux la trahissent. Son époux l’a abandonnée elle aussi, «parski li fatigé ar zanfan»… Un de ses fils, qui vit également avec elle, a malheureusement sombré dans l’enfer de la drogue synthétique et ce fléau l’emporte chaque jour plus loin de la raison sous les yeux impuissants de ceux qui l’aiment. «Mo tousel travay. Dorella (NdlR, une de ses filles) okip bann zanfan-la ek mo lot tifi malad-la.»
Suzy esquisse malgré tout un sourire, câline ses enfants. Dans une pièce assombrie par l’humidité sur les murs, Dorella prépare le diner pendant «ki ankor fer kler». Au menu : rougaille avec un petit morceau de viande et toufé bred sousou. «La chance», avoue la jeune femme de 26 ans. Car d’habitude, la viande est un luxe qu’ils ne peuvent se permettre.
«Nous allons faire plaisir aux enfants aujourd’hui. Enn kouzinn mo mama inn donn nou kas yer pou asté manzé.» Sinon, la plupart du temps, il faut se contenter de pain sec ou encore de riz sec coloré, parsemé de kari poulé pour donner du goût à tout ça. «Tou lezour nou bwar dité pir ousi, zis lafin dimwa nou koné ki apel gout dilé.»
Amour et affection
Ce qui surprend et émeut, c’est que même s’ils sont nombreux et que les sous manquent cruellement, enfants et adultes ont de l’amour et de l’affection à en revendre. Même si Dorella avoue que parfois, les enfants, surtout les plus grands, se posent des questions et ne comprennent pas pourquoi la vie que leur racontent leurs amis à l’école ne ressemble pas à la leur.
«Ils nous demandent pourquoi nous n’avons pas ça et les autres oui. Mé selma zot fer zot zefor pou aprann.» Elle nous montre un morceau de papier collé sur un des murs. Il est dans un sale état mais on peut y apercevoir ce qui y est écrit : il s’agit des règles de conjugaison de verbes. «Zot asizé zot tou fer devwar dans sa lasam-la avan fini fer nwar. Si zot pa rési fini, alim labouzi pou zot.»
Alors que Noël approche, Suzy, Dorella et les autres savent qu’ils ne pourront pas s’offrir des cadeaux. «Bann zanfan-la pou gagn kado dan sant apré ena dimounn vinn ed nou koumma zot kapav», précise Suzy. Cependant, petits et grands espèrent de tout cœur que le Père Noël leur apportera la chance qu’ils n’ont jamais eue, ils y croient fort…
«Mo ena enn ti terin mé zamé mo ti gagn kas pou mont lakaz lorla. Enn bann dimounn finn dir zot pou édé. Mo prié bondié sak zour pou sa bann zanfan-la gagn enn meyer lavenir…»
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