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Enterrement douteux à Valetta: Gervais Frivet raconte les faits
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Enterrement douteux à Valetta: Gervais Frivet raconte les faits
Le compagnon a comparu en cour de Moka hier, lundi 23 décembre. Il est accusé provisoirement d’avoir procédé à un enterrement illégal. Quant à la famille de la défunte, elle est en attente de l’exhumation.
C’est à 3 heures du matin que Gervais Frivet a enterré sa concubine Anoushka Pydigadu. Le mécanicien de 63 ans explique avoir agi seul ce 19 décembre et a fouillé un trou de 6 pieds de profondeur chez lui à Valetta, Saint-Pierre. Il a organisé une veillée mortuaire et a ensuite procédé à l’inhumation du corps d’Anoushka Pydigadu, âgée de 35 ans. C’est ce qu’a confié le sexagénaire lors de son interrogatoire par la Criminal Investigation Division (CID) de Moka.
Les proches de la jeune femme qui habitent à Rivière-des-Anguilles avaient porté plainte à la police de la localité dans la soirée du samedi 21 décembre après que Gervais Frivet leur a annoncé le décès d’Anoushka Pydigadu. La mère de cette dernière, 58 ans, avait affirmé aux enquêteurs que le concubin de sa fille, avec qui il vivait depuis environ dix ans, l’a appelée pour lui annoncer que la jeune femme est décédée le 18 décembre et qu’il a organisé ses funérailles. Il lui a déclaré avoir enterré sa fille au cimetière Saint-Martin. La quinquagénaire a trouvé étrange qu’aucun membre de la famille n’en ait été informé et que ce n’est que le 20 décembre qu’elle a appris le décès de sa fille. Elle soupçonne donc un acte malveillant.
L’affaire est référée à l’Eastern Division. La police de Saint-Pierre, menée par le chef inspecteur Rummun et le sergent Shibdat sous la supervision de l’assistant surintendant de police Badal, et la CID de Moka sous la houlette de l’inspecteur Cowlessur ont débarqué chez Gervais Frivet dimanche matin. Ce dernier a fait ressortir qu’il n’a pas enterré sa concubine au cimetière mais chez lui car, dit-il, il n’en a pas les moyens. Il a indiqué l’endroit dans sa cour où il l’avait enterrée. Le lieu a été sécurisé et une sentinelle placée en attendant l’ordre du magistrat pour l’exhumation du corps. Les procédures en ce sens ayant été entamées, la cour devrait rendre sa décision sous peu.
Le concubin a un fils de deux ans et une fille de six ans. L’aînée a été questionnée en présence d’un psychologue et a soutenu que son père a enterré sa mère au cimetière Saint-Martin, ce qui a intrigué les enquêteurs. La version de l’enfant ne correspond pas à celle de son père.
Gervais Frivet a été soumis à un interrogatoire serré par la CID de Moka. Il a raconté qu’il a fait appel à un médecin après avoir constaté que sa compagne ne bougeait plus. Le médecin, un habitant de BeauBassin qui exerce dans le privé, s’est rendu chez lui dans l’après-midi du 18 décembre et a certifié le décès d’Anoushka Pydigadu. Gervais Frivet a aussi relaté qu’il s’est rendu au bureau de l’état civil de Moka pour les démarches. Les enquêteurs, sceptiques, lui ont alors demandé pourquoi il n’en a pas informé la famille de la défunte. Il a répondu qu’il a appelé les proches plusieurs fois mais ne les aurait pas eus au téléphone.
Le médecin a aussi été questionné par la CID de Moka. Il a attribué le décès d’Anoushka Pydigadu à un arrêt cardiaque après que Gervais Frivet lui a affirmé que la victime souffrait de problèmes de santé.
Quant à Gervais Frivet, il a comparu en cour de Moka hier après-midi. Il est provisoirement accusé d’avoir enterré un corps illégalement (burying corpse without lawful authority). Le sexagénaire a été reconduit en cellule policière.
Le médecin se mure dans le silence
<p style="text-align: justify;">Nous avons contacté le médecin qui a certifié le décès d’Anoushka Pydigadu. Il réplique qu’il a déjà donné sa version des faits aux enquêteurs et qu’il ne pourra se prononcer dessus. <i>«Je ne souhaite pas commenter l’affaire et la police enquête dessus»,</i> a-t-il déclaré.</p>
Les enfants pris en charge par la CDU
Dès que le ministère de l’Égalité du genre et du Bien-être de la famille a pris connaissance de cette affaire, une équipe de la Child Development Unit (CDU) a été dépêchée auprès des enfants. Elle a notamment assisté l’enfant de six ans lorsqu’elle racontait ce qui s’est passé à la police. Un emergency protection order a aussi été obtenu auprès de la cour le même jour. Les deux enfants ont été examinés à l’hôpital et ils s’y trouvent toujours. Une fois sortis de l’hôpital, ils seront placés dans un abri en attendant qu’un proche les accueille chez lui, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent. Entre-temps, les enfants continuent à bénéficier d’un suivi psychologique quotidien.
Un couple discret
Un endroit désert. Une maison située juste à côté de l’école du gouvernement de Valetta. La cour est obstruée par de vieux tracteurs et des machines. Là où Gervais Frivet (photo de gauche) a enterré sa concubine, il a même planté une fleur rouge en hommage à la défunte.
Sur le toit de l’école, un curieux regarde la maison où Anoushka Pydigadu (photo de droite) est morte, avant d’être enterrée dans la cour. Il se dit choqué par cette nouvelle. «L’homme ne sortait pas même. On ne connaît rien sur cette famille-là. Une nouvelle comme ça fait peur», lance-t-il. Il s’inquiète de l’état dans lequel se trouvent les enfants. «Noël est proche. Qu’est-ce qu’ils vont comprendre ? Fer sagrin.»
Des voisins rencontrés disent que cette famille ne côtoyait pas les autres habitants du quartier. Ils soutiennent que cet incident a suscité un sentiment de frayeur dans la région.
Quand on n’a pas les moyens pour des funérailles
Si vous rencontrez des problèmes financiers pour préparer les funérailles d’un proche, vous pouvez vous tourner vers des parents et amis. Ou encore, vers le conseil du village comme c’est souvent le cas dans des régions rurales. Car celui-ci dispose des équipements tels que des chaises, tentes, tuyaux et canapés qui sont loués à des familles qui en font la demande. «Si un décès survient dans la soirée, on fait appel au gardien en vue d’ouvrir le conseil de village pour venir en aide à la famille endeuillée», explique le conseiller villageois Vishal Jokhoo. Ensuite, il y a le «funeral grant» à hauteur de Rs 10 000 qu’accorde le ministère de la Sécurité sociale aux familles des défunts pour l’organisation des obsèques. Enfin, des politiciens n’hésitent pas à mettre la main à la poche si des familles le leur demandent.
Procédures en cas de mort
Si une personne décède de causes naturelles à l’hôpital, un médecin de l’établissement certifiera son décès. Par contre, si elle décède à son domicile, sa famille devra faire appel à un médecin du privé et si elle était malade et suivait des traitements, on peut faire appel à son médecin traitant. Mais si le médecin a des doutes et aperçoit des marques de violence sur le défunt, il soumettra le cas à la police pour autopsie (voir plus bas). Une fois le certificat de décès obtenu, selon un employé des pompes funèbres, il faut se rendre au bureau de l’état civil de sa localité pour d’autres formalités et ensuite au bureau sanitaire pour les permis nécessaires et les présenter au cimetière concerné.
Constat de décès
Lorsqu’un médecin est appelé à certifier le décès d’un individu, il procède à un examen complet du corps. C’est ce qu’affirme le vice-président de la Private Medical Practitioners Association, le Dr Isshaq Jowahir. «Si le médecin trouve quelque chose de suspicieux sur le défunt, comme des ecchymoses, des blessures, il fait appel à la police. S’ensuivra une autopsie», explique-t-il. «Mais si le médecin ne trouve rien de suspicieux, il demande à avoir des renseignements sur la personne disparue. Comme le traitement que suivait le défunt ou les médicaments qu’il prenait. Toutefois, il ne prend pas ce qu’on lui dit pour de l’argent comptant. Il demande des preuves, afin de pouvoir tirer ses propres conclusions», poursuit-il.
Ce que dit la loi
Selon l’article 272 de la «Criminal Code Act», toute personne reconnue coupable de «burying corpse without lawful authority» risque une amende maximale de Rs 100 000 et une peine d’emprisonnement. Toutefois, la durée de la peine n’est pas précisée et est à la discrétion du magistrat. «Any person who, without having obtained the authorisation of the public officer, where such authorisation is required, causes the body of any deceased person to be buried, shall be punished by imprisonment, or by a fine not exceeding 100,000 rupees, without prejudice to the prosecution for any crime which the parties guilty of such misdemeanour might be accused of, in connection therewith.»
Les cas précédents
25 novembre 2005 : Même si elle n’était pas enterrée dans sa cour, Nisha Ramanah, 28 ans, avait été inhumée au cimetière de St-Martin, Mont-Roches, par son époux, Yashodas Veeranah. Elle était portée disparue depuis le 5 novembre. C’est dans la nuit du 5 novembre que son époux et son ami Vijay Bahal, connu dans la région comme un tréter (guérisseur) ont creusé la terre pour déposer le corps de la jeune femme au-dessus du cercueil, où une dépouille venait d’être enterrée.
7 mai 2006 : Le cadavre de Champavathee Narain, 79 ans, est retrouvé enterré à côté de sa maison par sa fille Nirmala, cinq mois après sa disparition. C’est son fils Lallman, âgé de 39 ans et qui vit sous le même toit, qui lui a assené un coup mortel, avant de se débarrasser de son corps.
24 mai 2017 : Anthony Rosette, un habitant de Débarcadère, Trou-d’Eau-Douce, a enterré le cadavre de Steve Stephan Hovas, 37 ans, après l’avoir agressé mortellement. Il s’était fait aider dans cette besogne par son ami Olivier Govinden, un charpentier de Bel-Air.
«Nous voulons avoir l’assurance qu’elle n’a pas été assassinée»
Rajeenee Pydigadu (à droite sur la photo) est encore sous le choc après le décès de sa fille, Meenakshi Pydigadu, plus connue comme Anoushka. Cette habitante de Tyack nous explique qu’elle ne peut toujours pas croire qu’elle ne reverra plus sa fille. Soupçonnant un acte criminel, elle demande que justice soit faite.
Le frère de la défunte, Antish Pydigadu (à gauche), renchérit : «Je n’accuse personne mais je veux connaître la vérité. Nous voulons avoir l’assurance qu’elle n’a pas été assassinée.»
La trentenaire était-elle cardiaque ? La mère réplique que lors de leur dernière conversation téléphonique huit jours de cela, la jeune femme lui a indiqué qu’elle devrait prendre un rendez-vous chez le médecin car elle avait mal aux pieds, rien de plus.
Rajeenee Pydigadu revient sur l’appel de Gervais Frivet qui l’a bouleversée. «Sur le coup, j’ai pensé qu’il faisait une blague. Mais hélas ! Quand il m’a appelée, on dirait qu’il agissait comme si de rien n’était. Il m’a même accusée de n’avoir pas décroché le téléphone.» Selon elle, au téléphone Gervais Frivet a précisé : «Meenakshi ine mort. Inn fini enterre li». La famille s’est rendue au domicile de Gervais Frivet et c’est là qu’elle a eu des doutes.
Anoushka Pydigadu fréquentait l’école du gouvernement de Tyack et a poursuivi ses études au Mauritius College jusqu’à la Form IV. Son frère raconte qu’elle a rencontré Gervais Frivet à l’usine. La mère précise n’avoir eu aucune objection à cette relation. Au contraire, «ils étaient follement amoureux». Elle souligne qu’Anoushka Pydigadu a vécu avec son concubin pendant une dizaine d’années et qu’ils ne se sont jamais disputés.
Quant à Antish Pydigadu, il a une pensée spéciale pour les deux enfants que la défunte a laissés derrière elle. «En tant que frère, il est vraiment dur de perdre une sœur, imaginez maintenant ma mère et même ces enfants», lâche-t-il. «Ces deux enfants sont innocents. À la veille de Noël, ils ont été arrachés à leur mère.»
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