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Le réveillon «spécial» de Tata Cathan, Robert et … Sky to Be

29 décembre 2019, 21:45

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Le réveillon «spécial» de Tata Cathan, Robert et … Sky to Be

Ils ont tous leur lot de problèmes. Mais ils ne se laissent pas abattre pour autant. Alors que des millions de personnes à travers le monde se préparent à accueillir le Nouvel An, en grande pompe, eux aussi font contre mauvaise fortune bon cœur.

Home sweet home…

Ils sont, au total, quelque 52 personnes à résider au Meenatchee Home, à Port-Louis, femmes et hommes y compris. Ils sont bien traités, bien lotis, leur visage affiche la sérénité. Ils sont pour la plupart contents que la Saint-Sylvestre approche… même s’ils devront la passer sans leurs proches. Ce n’est pas grave. Ils ont leur seconde famille. Ceux qui ont été à leur côté durant des années, matin et soir. Lakshmee est bavarde. Il est 10 heures à peine. Mais pas question pour elle de rester au lit. «Ey ou kot ou sorti? Ou finn vinn get nou. Donn li inpé zi pou bwar», lance-t-elle, aux employés. Elle est contente d’avoir de la visite. Quoi de prévu pour le Nouvel An ? «Ayo lané alé, lané vini sa. Pa pou fer bel zafer. Pou get petar depi lamem», souligne-telle, avec un sourire. Attend-elle la visite de ses proches ? «Pa koné. Kan ariv zour ava geté!»

Cathan Ariapen, a fêté ses 102 ans cette année

Plus loin, nous rencontrons Cathan Ariapen. Il vient de fêter ses 102 ans cette année. Mais attention, il a encore toute sa vigueur. Il respire la joie de vivre et ses «dialog» égayent son entourage. «Ahhh mamzel, aster mo remaryé», lance-t-il en nous voyant. Tata (NdlR, grand-père en tamoul) est content d’avoir quelqu’un à qui parler. Il habite là depuis six ans environ, son ancienne maison se trouvait à Palma, Quatre-Bornes. Il est heureux d’être là. Alors le réveillon de la Saint-Sylvestre ? «Pou gagn donation sa! Sak lané dimounn vinn donn manzé. Gagn bon manzé isi.» Après ? Un petit «grog» ? Quelques petits pas de danse ? «Non… tro vié pou sa! Nou pou manzé. Nou pou dormi.»

Le dada de tata, c’est la politique. Et le Parti travailliste. «Ou travay Advance ou? Mo ti konn ‘Ramgoolam-père’ mwa. Ti pé fer miting Port-Louis! Ou pa pou konn sa ou. Tro zenn.» Sa femme est morte, il y a plusieurs années, ses enfants ont leur propre vie. Il ne voulait pas, dit-il, être un fardeau. Pour personne.

La tournée nous mène jusqu’à la salle à manger. Au milieu, une petite dame, coquette comme pas deux. Tirée à quatre épingles, son rouge à lèvres est «on fleek». «Li alert li. Li bizin so ti rouz-a-lev toulézour», relatent les employés avec tendresse. Vimala Caullee a la soixantaine – nous ne dévoilerons pas son âge exact, coquetterie oblige. Elle aime faire la fête. «Ah mwa pou lané mo pou tap mo ti wiski tou la. Ici, nous ne mangeons pas de viande. Mé pou gagn bon manzé kan mem ein!» L’année dernière, elle a fait la fête jusqu’aux petites heures. «Mo’nn dans-dansé. Mone santé tou. Ein mwa mo sant sega tou mwa ein! Kot ena mwa ena lanbians. Kouma mo al dormi la, zot tou vinn rod mwa.»

Cette dernière compte bien entendu se faire belle pour l’occasion. «Wi, mo pou met mo ti linz nef.» Attend-elle la visite de ses proches ? «Mo tifi dan l’Inde mwa. Mo garson mo palé tandé… » Vimala Caullee a intégré le home alors qu’elle n’avait que la cinquantaine. «Zot ti pé dir mo tro zenn mé mo finn insisté. Mo misié fini mor. Mo pa ti pe lé res ek zanfan.»

Alors voici le planning pour le 31 décembre : dîner entre résidents avant d’admirer les feux d’artifice. Et puis, il y aura un déjeuner un peu avant, avec au menu, de la bonne chair – exceptionnellement – et quelques boissons alcoolisées. «Pa eksé. Zis enn ti toast», précise- t-on. Et puis il y aura de la musique, «enn ti lafaya». Ce n’est pas parce qu’on est vieux qu’on ne peut pas s’amuser et faire la fête. «Banané kan mem non? Bizin amizé, ki ou dir?»

Vimala Caullee a la soixantaine.

À votre santé…

Après le home, direction les hôpitaux. Ils seront aussi de nombreux patients à devoir passer les fêtes loin des leurs. D’autres encore savent que leur départ de l’établissement hospitalier, dans lequel ils sont admis, depuis quelque temps déjà, n’est pas pour sitôt et s’y sont résignés. «Pa akoz enn diné zot pou met zot lasanté an danzé. Nou finn fini explik zot sa!» souligne un des infirmiers.

Celui-ci affirme que pour marquer le coup cependant, pour le Nouvel An, ils cotisent entre eux, chaque année, pour offrir un petit présent à ceux sont là depuis longtemps. «La plipar seki resté dan peryod fet, se bann seki alité ek malad grav. Ou bann seki zot fami inn déles zot», confient les infirmiers. Qui se sont donné pour mission de mettre un sourire sur ces visages.

Comment se passe un 31 décembre dans un hôpital ? «Tout ce qu’il y a de plus normal. Ils ne font pas grandchose. D’ailleurs, quand vous êtes malade, vous n’avez pas le cœur à la fête. Ena fini dormi. Bann seki kapav marsé, al get pétar kot lafenet si zot lé.» À part cela, rien de plus.

Sinon, ce jour-là, le dîner proposé aux patients est plus «festif» est un petit peu plus «festif». Au menu : du briyani pour ceux dont l’état de santé permet d’en consommer. «Avec un yaourt. Zot gagn enn ti zafer anplis konparé ar toulézour.» Les visites, le 1er janvier, jour férié, sont autorisées entre midi et 14 h 30. «Toutefois, il y en a qui se retrouvent seuls. Ek sa vreman fer leker fermal…»

Fait notable, toujours selon le personnel soignant, si en période de fêtes, la plupart des patients rentrent chez eux, il y en a qui arrivent à ce moment précis. «Ena zot fami vinn ‘dépoz’ zot kouma dir isi, bann vié dimounn sirtou. Lamem dan lasal ena fek vini, la. Zot res lor lili. Zot pa konpran mem sipa lané-la…»

Infirmiers, docteurs, personnel soignant seront aussi au travail le soir du réveillon. Si pour la plupart, «inn fini abitié ar sa», laisser les proches à la maison pour venir travailler, c’est tout de même dur. Pour se sentir moins seuls, ils organisent un petit bring and share et dînent tous ensemble, entre collègues. «Nous ne sommes pas nombreux. Plusieurs seront en congé ! Nou pou trwa-kat par lasal! Nou pa fer bel zafer. Nou finn swazir sa métié-la! Nou aksepté li.»

Au menu : kalia de poulet et concert de Sky to Be pour les prisonniers

Vous êtes-vous déjà demandé comment se passe le réveillon en prison ? À quoi a droit un prisonnier pour accueillir le Nouvel An ? Nous avons posé la question à des garde-chiourmes, ceux qui les accompagnent à chaque instant. «Ils ne sont pas autorisés à fêter. Il n’y a que le repas du soir qui sera un peu spécial. Si jusqu’ici, le menu était composé de briyani et de Pepsi, depuis deux ans, c’est du kalia de poulet et du Pepsi qui est à la carte.» Les prisonniers eux, ne sont guère intéressés par les fêtes, racontent les garde-chiourmes. «Pou zot toulé zour mem zour. Zot pena fami, pena nanié andan. Zot fer tou normal. It’s business as usual.»

Petite dérogation festive cependant : jusqu’au 31 décembre, les détenus auront droit à deux visites toutes les deux semaines, contre une en temps normal. «Voir leurs proches, c’est leur plus grande satisfaction.»

En sus de cela, une messe spéciale sera dite dans les huit prisons à travers le pays. «Ils auront aussi droit à un mini-concert entre prisonniers», explique-t-on. Cerise sur le gâteau, étant donné que Sky to Be est lui aussi derrière les barreaux, il sera en concert spécialement pour l’occasion. «Pas plus tard que cette semaine, alors qu’il est détenu à Beau-Bassin, il a obtenu une permission spéciale pour donner un concert à la prison de Grande-Rivière. Il était bien entendu escorté par la police.»

Pas d’autres privilèges

À minuit, le 31 décembre, tous les prisonniers sont en cellule. «Ils n’ont absolument pas droit à d’autres privilèges ce jour-là.» N’ont-ils même pas le droit d’admirer les feux d’artifice ? «Non. Si zot gagn gété depi zot sélil, tant mieux. Sinon rien !» poursuivent nos sources. D’ailleurs, la quasi-totalité des prisonniers sont déjà endormis à cette heure. «Kan finn ariv zot ler pou dormi. Zot ale dormi normal.»

Pour les garde-chiourmes également, 31 décembre ou pas, il n’y aura rien de spécial. «Nou kazerné kouma prizonié ek pa gagn nanyé», soulignent-ils. Pas de get together, pas de dîner entre collègues, pas de bring and share, donc, pour les hommes en uniforme. Ils doivent veiller au grain, faire en sorte que personne n’en profite pour s’échapper ou semer la zizanie. «Prizon sa. Ou pa koné. Ninport ki ler kapav ena enn lager. Ou enn emeut. Bizin res vizilan.»

Pour accueillir le Nouvel An, ils attendent d’être en congé. «Nous le fêtons comme tout le monde. En famille. Et c’est nettement mieux. Nous n’avons pas le choix. D’ailleurs, comme la force policière et tous les services essentiels, nous nous sommes habitués à ce genre de situation. C’est pareil pour toute autre fête. Travay pas avan fami!»

Cité Longère : «Kouma pou invit fami?»

Les quatre familles de Cité Longère, ayant tout perdu dans un violent incendie qui a ravagé leurs cases en tôle le jour-même de Noël, sont dans la tourmente. Elles craignent de devoir passer les fêtes dans le centre communautaire d’Elizabethville, à Baie-du-Tombeau, où elles ont trouvé refuge depuis le sinistre.

D’ailleurs, alors que les Mauriciens s’apprêtent à faire la fête, les cinq adultes et six enfants présents sur les lieux ont d’autres préoccupations. Le désespoir et l’inquiétude se lisent sur leur visage. Le regard perdu, Aurelie Fidèle n’a qu’une seule envie : regagner sa demeure, où elle vit avec son enfant de quatre ans. Les flammes ayant tout détruit sur leur passage, elle est obligée de dormir au centre. «Mo zanfan inn al kot mo ser. Li pa lé res la.» Désormais, elle doit trouver un logement temporaire, repartir de zéro. «Li pa évidan ditou.»

La jeune maman explique qu’elle ne pourra pas retourner chez elle de sitôt, principalement à cause l’odeur laissée par l’incendie. «Sa pé fatig nou boukou. Mo zanfan finn bizin al met gaz lopital tou akoz sa.»

Quid du Nouvel An ? «Pas de plan. Pas de projet en vue. Latet fatigé la. Panvi nanyé. Kouma pou al invit fami tousala? Nanyé pena. Noumem nou dan lapenn», soutient-elle, dépitée. À savoir qu’à jeudi matin, elle entamait des démarches pour les allocations et espérait trouver une maison où elle pourrait loger.

Pour rappel, c’est le second incendie qui éclate en un mois à Cité Longère. Le 20 novembre, 36 familles avaient tout perdu après que le feu a ravagé leurs maisons. Elles avaient trouvé refuge dans trois centres communautaires de la région, avaient touché des allocations de la Sécurité sociale et leurs maisons ont été reconstruites. Les nouveaux complexes devant accueillir tous les habitants de Cité Longère devront, eux, être prêts l’année prochaine. Entre-temps, les quatre familles touchées par cet incendie percevront elles aussi des allocations, a avancé la ministre de la Sécurité sociale, Fazila Jeewa-Daureeawoo, soit Rs 2 172 pour la nourriture, Rs 2 172 pour les vêtements, Rs 2 172 pour les ustensiles de cuisine et Rs 2 172 pour les meubles, entre autres.

«Kas mem péna pou asté manzé»

Robert Meunier, 55 ans, fait face à plusieurs problèmes, nous vous en parlions il y a quelques semaines déjà. Et sa situation n’a pas changé. Même à l’approche des fêtes, le sourire ne s’affiche point sur son visage. Il croule sous le stress. Outre sa santé fragile, cet habitant de Baie-du- Tombeau risque de se retrouver à la rue prochainement. La maison qu’il occupe se trouve sur la propriété de Jin Fei, il a été sommé de vider les lieux. «Mais je n’ai nulle part où aller, donc j’y suis resté. Ils m’ont alors fait servir des papiers. Je dois me présenter en cour prochainement. Car je suis considéré comme étant un squatteur.»

Pour ajouter à tous ses malheurs, ce célibataire, qui habite avec son frère de 58 ans, est diabétique. Et selon ses dires, il a eu des complications après avoir été blessé par un corail alors qu’il partait pêcher sur la plage du Goulet, il y a quelques années. «Mo lipié finn koumans infekté dépi sa.» Et des années après, le quinquagénaire continue à souffrir car ses pieds ne guérissent pas. «Akoz diabet-la! Dokter finn bizin graté plizir fwa.»

Résultat aujourd’hui, il ne peut plus marcher correctement. Et doit en permanence se munir de ses béquilles. Pire encore, Robert a découvert qu’il a aussi l’urée et que ses reins ne fonctionnent plus. D’ici un à deux mois, il devra commencer la dialyse. «Zot inn dir mwa vini pou fer ankor test.» Entre-temps, son état de santé empire de jour en jour.

À cause de tous ces ennuis, Robert Meunier ne peut plus travailler, alors qu’il a longtemps été jardinier sur la propriété où il réside. Et la pension qu’il recevait de la Sécurité sociale, étant malade, n’a pas été renouvelée. «On m’a fait comprendre que ce n’est qu’en septembre 2020 que je pourrai toucher la pension. Je ne comprends pas. Mo nepli ena nanyé.»

Nous l’avons rencontré chez lui, vendredi après-midi. Même si la maison est en piteux état, Robert Meunier explique que c’est le seul toit qu’il peut s’offrir. «Kot mo pou alé, ek sa laz mo ena-la, lakaz NHDC mo napa pou gagné», pleure-t-il. Il n’a plus rien. La maison est sens dessus dessous. Dans la cuisine, il ne reste plus rien. Le matelas sur lequel dort Robert est usé et avec les inondations, il a pris l’eau. «Ou pé gété lor samem mo pé bizin dormi.»

Cependant, malgré sa misère, il a accueilli plusieurs compagnons à quatre pattes. S’il lui arrive des fois d’aller dormir le ventre vide, pas question que ces animaux, eux, n’aient pas à manger. «Zot éré ek mwa. Mo koné ki tan ki mo la zot pou dan bien.» C’est aussi une de ses principales préoccupations. «Kan mo pou népli ena lakaz ki mo pou fer ek zot?» se demande-t-il. Il dit avoir demandé à un gardien de les prendre sous son aile. «Mé kan zot ek mwa se enn lot zafer sa!»

Comment va-t-il passer le réveillon de la Saint-Sylvestre ? «Kas mem pena pou asté manzé ki pou feté? Pour Noël, je suis resté seul. Une journée au lit.» Ce dernier explique d’ailleurs qu’il ne pourra pas non plus aller rendre visite à des proches. «Je me déplace difficilement à cause de mes problèmes au pied. Anplis mo pa pou prézantab. Mo pa pé mem kapav met soulié…»

Aujourd’hui, il n’a qu’une envie, c’est d’avoir un peu de sous pour subvenir à ses besoins et une maison où habiter temporairement. «Si kikenn kapav ed mwa… mo dézesperé.» Son frère, soutient-il, a aussi un maigre salaire. «Li pa sifizan. Nou pa resi fini lé mwa ek sa. Li pa fasil sa. D’autant qu’il cumule lui-même des petits boulots ici et là.» Il explique que les membres de la famille, dont ses sœurs, sont également modestes. «Mo pa pou kapav kont lor personn.»

«Mo lavi pa évidan ditou. Ed mwa silvouplé…»