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Tempête tropicale: vague de colère
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Tempête tropicale: vague de colère
Dans son bulletin émis à 4 heures, la station météorologique de Vacoas maintenait un avertissement de classe 2 alors que la forte tempête tropicale était à environ 120 kilomètres de Mahébourg. Et quatre heures plus tard, alors que les employés sont déjà au travail, l’île Maurice est passée en alerte 3. Trempés et furieux, des employés se souviendront sans doute pendant longtemps de cette journée du 30 décembre.
Ankush Nepaul, l’un d’eux, prend son mal en patience à la gare de l’Immigration. Ce dernier, qui travaille dans le domaine de l’offshore, attend le bus pour Congomah depuis presque une heure. Son calvaire a commencé très tôt hier. «Depuis 8 heures, je suis arrivé à Port-Louis. Mes vêtements étaient mouillés, du coup, j’ai eu à acheter une chemise et un blouson.» Mais peu après 9 heures, après le passage en classe 3, il doit rentrer chez lui. «Le service météorologique aurait dû être plus vigilant», déplore-t-il.
Outre le public, des syndicalistes sont également très remontés contre cette décision d’émettre, après 9 heures, l’alerte 3. Selon Narendranath Gopee, président de la Federation of Civil Service and Other Unions, il est faux de dire que la station météorologique ne pouvait pas prévoir une détérioration du temps. «Ce sont des gens d’expérience qui y exercent. Et ils disposent de suffisamment de marge pour pouvoir faire des prédictions. D’ailleurs, lorsqu’un cyclone est stationnaire à 100 km, on passe à l’alerte 3 ?» fait-il ressortir. D’ajouter que ce n’est pas la première fois que la météo «joue avec la sécurité des citoyens. Le gouvernement doit être plus responsable».
Son homologue de la Federation of Public Sector and Other Unions, Rashid Imrith, abonde dans le même sens. «Comment se fait-il que la station météorologique laisse entendre qu’il y a une possibilité minime de passer à l’alerte 3, mais quelque temps plus tard, on le fait ? Tout le monde a été pris de court. Selon le protocole, il faut que les fonctionnaires obtiennent des instructions pour pouvoir quitter leurs lieux de travail. Or, personne ne répondait au ministère de la Fonction publique», dit-il. Pour ce syndicaliste, dans de cas pareils, un comité d’urgence doit être mis sur pied, réunissant le ministère du Travail et celui de la Fonction publique.
Également sollicité, le Chief Executive Officer de Business Mauritius, Kevin Ramkaloan, est plus nuancé dans sa lecture de la situation. Bien que des inconvénients aient été notés, la station météorologique ne peut être blâmée, car il y va de la nature, qui est imprévisible.
«Dans le privé, dépendant des secteurs, certains ont pris le travail à 6 heures d’autres à 8 heures. Il y a des protocoles bien établis qui sont respectés, en général. Par contre, pour des services qui tournent sur une base 24/7, comme des hôtels et des cliniques, entre autres, les choses sont différentes», souligne Kevin Ramkaloan.
«Pas une science exacte…»
Face à cette pluie de critiques, nous avons contacté la météo. Était-il possible de passer à l’alerte 3 avant 9 heures hier matin ? Un météorologue affirme que lors de diffusion des bulletins à 4 heures hier matin, Calvinia était à 120 kilomètres de Mahébourg, se déplaçant dans une direction sud-sud-ouest à 15 km/h. «À cette vitesse et dans cette direction, Calvinia entamait son éloignement de Maurice. Toutefois, quelque temps plus tard, elle était quasi stationnaire mais s’intensifiait. La tempête montrait également des signes qu’elle allait évoluer à l’Ouest, amenant le centre plus proche de Maurice. D’où la décision de passer en classe 3», déclare-t-il. À la station météorologique, l’on réfère le public aux différents communiqués qui ont été diffusés dimanche. «La météo n’est pas une science exacte. Nous avons déjà expliqué au public à quoi s’attendre », ajoute-t-il. Par ailleurs, il est fort probable que d’ici ce matin, Calvinia se transforme en un cyclone tropical, avec des rafales près du centre variant entre 118 km/h et 166km/h. Dans son bulletin de 13 heures hier après-midi, alors que nous mettions sous presse, la station météorologique annonçait des rafales de 120 km/h. Il était aussi indiqué que le centre du cyclone passerait à son point le plus proche de Maurice en soirée, soit dans la région de Gris-Gris–Rivière-des-Anguilles. Météo France prévoit, elle, un passage sur l’île. Pour revenir à la trajectoire de Calvinia, après une boucle au large de Mahébourg, les différents modèles numériques prévoient que le cyclone commence à s’éloigner de Maurice dans la journée. Toutefois, sa présence au sud de Maurice devrait continuer à influencer le temps. Il faudra s’attendre à de la pluie et des rafales encore pour le réveillon.
Nouvelle loi : la météo pas aussi libre
<p style="text-align: justify;">La Mauritius Meteorological Services act a été votée le 13 septembre dernier. L’article 10 (1) stipule: <em>«The Minister may give such directions of a general character to the Mauritius Meteorological Services, not inconsistent with this Act, as he considers necessary in the public interest, and the Mauritius Meteorological Services shall comply with those directions. »</em> Or, pour des anciens directeurs de la météo, cette clause prive les employés de la météo la liberté de prendre des décisions, sans l’autorisation du ministre concerné. D’ailleurs, dans un entretien accordé à l’express en septembre dernier, Subiraj Sok Appadu, ancien directeur de la météo avait critiqué ce volet. Selon plusieurs observateurs, la météo aurait pu mieux gérer la situation sans consulter le ministre des Collectivités locales et de la gestion des catastrophes et des risques, Anwar Husnoo.</p>
Sale temps pour les commerces
<p style="text-align: justify;">Ils ont dû fermer boutique plus tôt, hier, avec le passage à l’avertissement cyclonique de niveau 3. Les commerçants font grise mine car leur manque à gagner sera conséquent. Mauvais temps oblige, les gens sont rentrés i chez eux, ce qui fait que vers midi, les parkings des grands centres commerciaux étaient quasiment déserts. Les hypermarchés et autres supermarchés ont vite fait de baisser leurs grilles, comme à Ébène ou encore à Phœnix.</p>
<p style="text-align: justify;">À Vacoas, trois petits commerces sont restés ouverts jusqu’à peu après 13 heures, le temps de satisfaire des habitués et de respecter des commandes déjà passées. Deepa Sooroopsing, de Yasin Fast Food, affirme que c’est <em>«une journée où aucun bénéfice ne sera réalisé. On roule à pertes aujourd’hui. Les clients réguliers sont venus mais cela n’a pas couvert les frais de la journée».</em></p>
<p style="text-align: justify;">Un peu plus loin, l’on rencontre la marathonienne Marie Hélène Rumjan. Elle confie qu’elle a été surprise par le brusque passage en alerte 3. Avant de rentrer, elle n’a pu résister à l’envie de déguster un briani au restaurant d’Abou et de Nadeem Huldar. Par contre, à la tabagie de Kalim Chamamod, les propriétaires ne pensent pas fermer boutique de sitôt. <em>«Nous avons passé plusieurs commandes, nous attendons encore du pain, des dholl puri et des gâteaux de pâtisserie.»</em></p>
Crèches fermées, panique chez les parents
De nombreux parents se sont exprimés sur les réseaux sociaux. La cause: tôt hier matin le ministère de l’Égalité du genre, de la femme et du bien-être de l’enfant a émis un communiqué pour informer que toutes les crèches seront fermées alors que l’avertissement de cyclone de classe 3 n’avait pas encore été émis et que nombreux d’entre eux devaient tout de même aller au travail.
«C’est vraiment agaçant ! Mo éna dé zanfan. L’un a deux ans et demi et l’autre est un bébé de 5 mois. Nou péna fami ki res dan les environs pou get nou bann zanfan é nou fié zis lor la crèche. Mo misié inn oblizé met enn konzé, é apré inn tann dir éna class 3», déclare d’emblée Natacha Dajee, habitante de Chemin-Grenier.
Problèmes
<p style="text-align: justify;">Comme cette maman, plusieurs personnes ont rencontré des problèmes de ce genre<em>. «Inn bisin stresser rod dimounn pou garde ou zanfan apres kan ou fini ale kit li ou pe ale travail dire ou classe 3. Zot pe zouer», </em>déclare Shalini, fonctionnaire et maman d’un petit garçon de 13 mois.</p>
<p style="text-align: justify;">Si cette habitante de Curepipe a tout même pu échapper aux embouteillages, ce n’est pas le cas de tout le monde. À l’instar de Claude et de Karine Juste. «Nous avons dû aller quitter nos filles chez mes beaux-parents à St-Pierre ce matin. Quand on a annoncé que c’est class 3 nous étions déjà dans le nord. Pour rebrousser chemin cela nous a pris plus d’une heure», explique l’habitante de Rose-Hill.</p>
En chiffres
•Le Mauritius Fire and Rescue Service (MFRS) a enlevé arbres et autres dé- bris qui obstruaient la route. De 8 heures à 13 heures hier, au moins une cinquantaine d’interventions ont été effectuées. Notamment à Mahébourg, St-Aubin, Flacq et Port-Louis.
•168 centres d’urgence ont été ouverts à travers l’île. À hier après-midi, trois d’entre eux avaient reçu leurs premiers locataires. À savoir que 193 personnes sont venues chercher refuge au centre de boxe de Tranquebar. Toutefois, celui-ci ne peut accommoder que cinquante individus. Ainsi, le surplus devait être transféré dans d’autres lieux les plus proches. Des démarches dans ce sens étaient toujours en cours à 14 heures.
•Quelque 6 000 familles habitant la région Union Vale, Ferney, n’étaient pas alimentées en électricité, à l’heure où nous mettions sous presse. La fourniture devait être rétablie dans les heures qui ont suivi, selon le directeur général du CEB.
•L’aéroport SSR a mis un frein à ses activités jusqu’à nouvel ordre.
•En classe 3, les guichets automatiques ne sont pas opérationnels. C’était le cas hier.
Port-louis. Le cauchemar des usagers de la route
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<p style="text-align: justify;">Le passage à l’alerte 3, vers 9 heures, hier matin, a pris tout le monde de court, surtout ceux qui étaient déjà sur leurs lieux de travail, dans la capitale. Il fallait que des dizaines de milliers d’employés, dont de nombreux fonctionnaires, prennent la route, pour rentrer chez eux le plus tôt possible. Cette situation a occasionné des embouteillages monstres, certains durant des heures à certains endroits La circulation était au ralenti, les automobilistes prenant difficilement leur mal en patience alors que les piétons étaient pressés et imprudents. Calvinia sera sans doute synonyme de… calvaire aux usagers de la route !</p>
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