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Daniel Essoo: «Tous, y compris les banques, avancent rapidement vers des pratiques plus durables»
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Daniel Essoo: «Tous, y compris les banques, avancent rapidement vers des pratiques plus durables»
Business et environnement ne font pas toujours bon ménage. Daniel Essoo, Chief Executive Officer de la Mauritius Bankers Association, explique comment il est possible de réconcilier ces deux obligations.
«Les banques n’ont pas la réputation d’être exemplaires dans la lutte contre le changement climatique ou pour la protection de l’environnement, loin s’en faut.» C’est ce qu’a écrit la journaliste Véronique Chocron en introduction à un excellent article paru le 28 juin 2019 sur le site du journal Le Monde. Doit-on appliquer cette observation au secteur bancaire mauricien qui, selon les données publiées le 31 décembre sur le site de la Banque de Maurice, a financé à hauteur de Rs 334 millions des entreprises engagées dans la fabrication de produits à base du plastique et du caoutchouc ?
Il existe effectivement sur ce plan une tension pour les banques. Celle-ci est tributaire de deux facteurs : le premier concerne la nécessité de financer les entreprises locales qui créent de la valeur et de l’emploi ; l’autre facteur se rapporte à la responsabilité des banques dans le cadre du financement des projets. La vulnérabilité de notre pays et les urgences écologiques globales imposent parallèlement aux banques une obligation incontournable. Celle qui consiste à encourager l’émergence de projets dont la réalisation tient compte de l’implication des entreprises à promouvoir un mode de développement qui respecte et protège l’environnement de façon durable. Actuellement, le secteur manufacturier représente environ 12,6 % de notre économie, mais il a un rôle encore plus important à jouer au niveau de l’emploi à l’échelon national. Étant donné que Maurice importe beaucoup plus qu’il n’exporte, il est essentiel pour notre économie de soutenir les secteurs productifs, surtout face aux difficultés actuelles. Si l’on s’intéresse à la manufacture du plastique et du caoutchouc en particulier, elle fait partie de la catégorie other manufacturing, qui compte pour 4,6 % de notre économie. Le crédit alloué par les banques pour la période évoquée s’élève à Rs 381 milliards. Et pourtant, la part allouée au secteur de la manufacture du plastique et du caoutchouc n’est que de Rs 334 millions, soit moins de 0,1 % du montant du crédit total alloué en 2019.
On est d’accord qu’il faut absolument soutenir les initiatives favorables à la création d’emplois. Comment expliquer alors le fossé entre l’accent que placent les autorités sur la nécessité de lutter contre la prolifération de produits à base du plastique, en particulier les sacs d’emballage en cette matière, et la posture assimilée au fait que le financement de telles initiatives ne contribue pas à atténuer l’impact du plastique sur l’environnement ?
Je ne suis pas sûr de partager l’idée du fossé entre, d’une part, les autorités et, d’autre part, les banques. Les banques ne financent que des activités légales. Les autorités n’ont pas interdit le plastique. Si l’éradication complète du plastique sous toutes ses formes demeure utopique à Maurice pour le moment, il faut cependant noter les avancées réalisées avec le renforcement de la législation. L’une des manifestations de ces avancées est notamment l’interdiction d’utiliser des sacs en plastique non-biodégradable ou encore l’imposition de droits d’accises sur d’autres produits plastiques non-biodégradables.
L’humain laisse dans son sillage une empreinte considérable. Un problème de quelque nature que ce soit ne doit pas être considéré isolément. Cela devrait s’appliquer également à celui auquel les banques sont confrontées en matière de développement durable. L’essentiel est de veiller que les banques avancent rapidement vers cette phase de leur évolution où il leur est possible d’intégrer dans leur mode de fonctionnement les obligations associées à l’émergence d’une économie plus durable.
Concrètement, que faudra-t-il faire pour leur permettre de limiter leur impact du plastique sur l’environnement ?
L’objectif ne devrait pas se cantonner qu’à rechercher l’arrêt définitif de la fabrication d’éléments tel le plastique. Cette démarche implique également la nécessité de mieux gérer le traitement des déchets et de promouvoir le recours à un comportement plus vert afin de bouger vers un système d’économie circulaire. Cela n’est pas uniquement du ressort des banques, qui ne sont qu’un maillon de cette chaîne de responsabilité. L’idéal est que les deux parties puissent harmoniser leur position.
La Banque mondiale s’est engagée au niveau du financement des programmes de gestion de déchets ménagers. Le but consiste à réduire les risques de pollution environnementale, voire la possibilité de retracer le parcours des déchets par le biais d’analyses des zones critiques de pollution plastique. Dans quelle direction le secteur bancaire mauricien pourrait-il s’orienter par rapport au financement lié à des produits qui pourraient, à la longue, constituer un risque pour l’environnement ?
Plusieurs banques mettent déjà à la disposition de leurs clients des produits plus propres et dont la fabrication respecte les règles dé- coulant d’un mode de développement durable. Leurs engagements respectifs pour la réduction de leur empreinte carbone ont des retombées positives sur le consommateur en tant que client.
Il existe aujourd’hui des modes de financement pour les projets de transition avec subvention de bailleurs de fonds comme le projet SUNREF où les banques commerciales locales, avec l’assistance technique de Business Mauritius, ont déjà bénéficié d’une aide financière de 100 millions d’euros de l’Agence française de développement. C’est une aide qui vise la promotion d’un mode de développement durable. Le déploiement de cette aide a été fait en 2009 puis en 2014. Plus récemment, une ligne de crédit de 75 millions d’euros a été mise à leur disposition avec le même objectif.
De plus, nous faisons partie de la Commission ‘Sustainability’ de Business Mauritius. Le but de cette commission est d’œuvrer pour la mise en place d’une économie circulaire. C’est dans ce cadre que les fabricants de produits en plastique sont sensibilisés quant à leur responsabilité d’adopter une véritable stratégie de gestion des déchets. Le problème du plastique existe bel et bien. Il est possible de mitiger son impact sur l’environnement en partie à travers un traitement plus efficace des déchets qu’occasionne le plastique.
«Les banques soutiennent fortement la transition vers un parc automobile plus vert.»
Un autre sujet qui, d’une certaine manière, pourrait remettre en cause le rôle du secteur bancaire en matière de lutte contre les activités favorables à l’amplification du phénomène de changement climatique est l’approbation, toujours selon les données disponibles sur le site de la Banque de Maurice, de prêts à hauteur de Rs 969 millions pour l’achat de moyens motorisés pour le transport routier. Qu’est-ce qui a été fait par le secteur bancaire par exemple pour encourager l’achat de véhicules qui ne représentent pas un souci majeur pour le changement climatique ?
Les banques sont à la disposition des clients pour les aider à faire l’achat d’un véhicule hybride. Alors que l’État offre des incitations fiscales allant jusqu’à 100 % sur les voitures électriques. La demande, toutefois, demeure faible, car le coût d’un véhicule hybride ou électrique peut être supérieur à celui des voitures conventionnelles. Ce qui fait qu’on en trouve aujourd’hui en nombre limité à Maurice.
Les banques soutiennent la transition vers un parc automobile plus vert. Déjà, elles offrent du financement aux concessionnaires pour les aider à investir dans de nouveaux équipements pour véhicules hybrides et électriques. Deuxièmement, plusieurs banques offrent au public des tarifs promotionnels sur certains types de véhicules dont la construction a été réalisée en marge d’un mode de développement durable.
Maurice vient d’entrer dans une nouvelle année. Quelles sont, selon vous, les priorités auxquelles le pays devrait s’atteler sur les plans économique et financier ?
2020 sera le chantier du travail qui a déjà commencé depuis quelque temps. J’opterai volontiers pour le recours à des mesures d’accompagnement pour les secteurs agricole, manufacturier et l’exportation en général. Au niveau du secteur des services financiers, il nous faut définir clairement une stratégie africaine et, dans le même élan, poursuivre la réforme du Global Business. De manière plus globale, la priorité demeure le combat pour l’émergence d’une économie verte. C’est une orientation qui s’annonce plus comme condition sine qua non pour le futur qu’une option.
C’est une question très pertinente, car la problématique du piège à revenu intermédiaire n’est pas propre à Maurice, vu la conjoncture internationale. Malgré cela, nous devrions franchir ce cap et nous positionner en tant que pays à haut revenu dans le courant de cette année.
Passons à un sujet dont l’évocation ne fait pas honneur à la réputation de Maurice en tant que centre international de services financiers. Il s’agit d’un cas allégué de transfert frauduleux de sommes conséquentes de la Namibie vers Maurice par des hommes d’affaires engagés dans le secteur de la pêche. L’enquête de Wikileaks soutient qu’entre 2015 et 2016, il y a eu un transfert bancaire d’environ Rs 120 millions. Depuis que cette allégation est sur la place publique, qu’est-ce que la Mauritius Bankers Association a fait pour tirer cette affaire au clair ?
Maurice dispose d’un excellent cadre légal et régulateur. Il revient aux instances régulatrices de réaliser l’enquête appropriée. Le centre financier mauricien opère dans la transparence. Nos membres collaborent pleinement avec les autorités. Dans tous les centres financiers il y a, de temps en temps, des allégations de fraude qui font ‘scandale’ et la Une des journaux. Après enquête cependant, on arrive à la conclusion qu’il n’y a pas eu infraction des lois dans la majorité ou dans plusieurs des cas en question. Ce sont des sujets très techniques. D’où la nécessité de laisser le soin aux instances régulatrices de faire leur travail en toute sérénité.
Au niveau de la Mauritius Bankers Association, nous assurons des séances de formation pour nos membres sur des questions de conformité et favorisons l’échange de bonnes pratiques par- mi nos membres. L’association publie également à l’intention de ses membres un code de conduite qui est mis à jour tous les trois ans. Un autre axe de nos initiatives en vue de favoriser un secteur bancaire sain et compétitif consiste en une étroite collaboration avec les autorités comme la Banque de Maurice, l’Independent Commission against Corruption, la Financial Services Commission ou encore la Financial Intelligence Unit.
Le fait est que, vu la taille de notre secteur financier, il y aura toujours des gens qui essaieront de l’utiliser à des fins illégales. Les banques ont un protocole de contrôles très sophistiqué dont le principal objectif vise à déjouer avec succès des tentatives frauduleuses. Le récent rapport de l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group souligne d’ailleurs les bons réflexes des institutions financières mauriciennes.
Qu’à cela ne tienne, malgré ces excellents recours, il y aura toujours des personnes qui arriveront à déjouer le système. Ce ne peut qu’être des escrocs qui utilisent des moyens très sophistiqués pour arriver à leurs fins. Dans ces cas-là, les institutions financières ont le devoir d’enquêter et d’aider les instances régulatrices à prendre les mesures qui s’imposent.
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