Publicité

Coronavirus: «Ma valise est prête, je n’attends qu’un coup de fil pour quitter Wuhan»

1 février 2020, 09:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Coronavirus: «Ma valise est prête, je n’attends qu’un coup de fil pour quitter Wuhan»

J’habite une maison à proximité du campus de l’université de Wuhan. J’y suis inscrit depuis trois ans. Comme la rentrée universitaire a été repoussée à début mars, je me suis dit, autant en profiter pour passer quelques jours de vacances chez mes parents à Maurice. C’est ainsi que le 22 janvier, j’ai acheté mon billet en ligne chez Emirates. Je devais prendre l’avion le 24 janvier.

Sauf que la veille, au réveil, je reçois un mél de la compagnie aérienne m’informant que mon départ pour Maurice est annulé et qu’elle me rembourse mon billet d’avion. C’est à ce moment précis que j’ai réalisé que la situation était vraiment grave.

Au même moment, j’apprenais de mes amis sur WeChat que Wuhan est verrouillée (locked down). Depuis, je suis confiné à la maison et scotché aux chaînes d’informations auxquelles j’ai accès via VPN (Réseau privé virtuel) pour suivre l’évolution de la situation. C’est quand même effrayant d’entendre le nombre de morts et de malades que fait le nouveau coronavirus. Mais, surtout de se savoir au cœur de l’épicentre de l’épidémie.

C’est la raison pour laquelle avec 13 autres étudiants mauriciens, nous avons constitué un groupe sur WeChat, le 25 janvier, pour solliciter l’intervention du ministère des Affaires étrangères à Maurice. Nous lui avons fait part de notre souhait de quitter Wuhan. De leur côté, nos parents à Maurice ont également pris contact avec le leader de l’opposition Arvin Boolell.

En attendant, je ne sors que quand c’est vraiment nécessaire comme le mardi 28 janvier où j’ai dû aller faire des courses pour faire le plein de nourriture. Moi qui, en général, ne cuisine pas à la maison car je mange ailleurs.

J’ai mis mon masque – j’en ai acheté plusieurs paquets contenant une trentaine chacun en pharmacie – et je me suis rendu au supermarché le plus proche qui est à une demi-heure en scooter. En temps normal, il y a beaucoup de gens dans la rue à Wuhan. Depuis l’état d’urgence le 23 janvier, la ville est quasiment morte. Par ailleurs, en trois ans, c’est la première fois que j’assiste à une Fête du Printemps aussi maussade dans cette vite. La majorité des gens est restée chez elle.

Par contre, au supermarché, c’est foule. Tous sont là pour acheter de la nourriture. Mais, on voit bien que la crainte s’est installée. On ne nous laisse accéder que si nous portons un masque et après que le personnel a pris notre température. Sur les rayons, le stock est sous contrôle. Il ne manque qu’une, deux choses mais rien de plus grave.

En route, j’ai aussi constaté que l’université est fermée. Ceux qui veulent y accéder doivent montrer leur carte d’étudiant et passer par un contrôle de température.

Le mardi 28 janvier, l’ambassade de Maurice à Beijing a pris contact avec moi pour prendre de mes nouvelles et m’informer des derniers développements. J’ai également appris que des pays amis que Maurice a sollicités, la France aurait accepté de nous rapatrier. Ma valise est prête. Je n’attends que le coup de fil qui m’informera du jour et de l’heure que je quitterai Wuhan. Jusque-là, ma priorité est de rester en bonne santé jusqu’à ce que je regagne Maurice et retrouve mes parents. Je ne retournerai à Wuhan que quand tout se sera calmé.

*Prénom modifié à la demande de l’étudiant

** Ce témoignage nous a été accordé jeudi.

Rapatriement des étudiants mauriciens demain

Développement à Wuhan. Une semaine après leur requête officielle au ministère des Affaires étrangères, les étudiants mauriciens ont reçu un coup de fil de l’ambassade de Maurice à Beijing, hier après-midi (heure de Chine), au sujet de leur rapatriement. Ce sont finalement 12 des 14 étudiants mauriciens à Wuhan qui ont confirmé leur souhait de regagner Maurice. Ils doivent arriver au consulat français à Wuhan en début de soirée aujourd’hui. Le départ de Wuhan est programmé aux petites heures demain matin et l’avion français devrait atterrir à Istre, près de Marseille, dans l’après-midi. Après 14 jours en quarantaine, les étudiants seront alors conduits à Paris où ils prendront l’avion pour Maurice.

Ce rapatriement est pris en charge par l’État comme l’a affirmé Nando Bodha, ministre des Affaires étrangères, jeudi. Ce qui comprend les frais du transport aérien, entre autres, ainsi que la période de quarantaine. Rappelons que la France, qui a été parmi les pays amis à être sollicités dans cette démarche, a répondu favorablement à la requête. Sans autorisation en bonne et due forme, personne ne peut sortir de cette ville, épicentre du nouveau coronavirus depuis le lockdown, le 23 janvier.

Un comité de haut niveau institué

Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré l’épidémie de coronavirus «urgence mondiale», un comité de haut niveau a été institué à Maurice. Présidé par le Premier ministre (PM), Pravind Jugnauth, ce comité a tenu, hier, sa première réunion où la situation a été passée en revue. Dans une déclaration à la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC), Pravind Jugnauth a affirmé que «Maurice figure parmi les premiers pays à avoir pris des mesures à l’aéroport ainsi qu’au port. Tout comme on est les premiers à avoir mis en place le système de quarantaine. De par notre expérience du passé, on a mis sur pied un système bien rodé. Le protocole établi marche très bien. Et un suivi est fait», a déclaré le chef du gouvernement.

Le PM a également souhaité la collaboration des hôteliers. D’ailleurs, l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM) était aussi représentée à la réunion. Soulignons qu’à hier soir, sept personnes étaient toujours en observation à l’hôpital de Souillac, six en quarantaine et une en isolement. Quant aux deux ressortissants chinois, la période de quarantaine étant terminée, ils ont été autorisés à quitter l’établissement hospitalier. Officiellement, le coronavirus a ôté la vie à 213 personnes et fait 9 720 contaminés en Chine et 122 ailleurs dans le monde.

Rappelons qu’Arvin Boolell avait jeudi, dans les colonnes de l’express, exprimé le souhait que le PM préside un comité. Après la mise sur pied de celui-ci, hier, le leader de l’opposition a indiqué que «vu qu’il s’agit d’un sujet non partisan, ce serait bien que l’opposition fasse partie du comité».

Le leader de l’opposition émet des recommandations

LE leader de l’opposition, Arvin Boolell, et le député Farhad Aumeer ont visité l’hôpital de Souillac. C’est dans cet établissement qu’une salle a été aménagée pour placer en quarantaine des personnes suspectées d’être infectées du 2019 n-Cov, soit le nouveau coronavirus. Arvin Boolell, qui est médecin de formation, dit avoir noté des manquements.

À l’express, il affirme que ce n’est que quelques jours de cela qu’une salle d’opération jouxtant la salle spéciale a stoppé les interventions. «Nous devons respecter et appliquer les normes internationales à la lettre. Il faut un système de ventilation et de laundry spécifiques pour cette salle», a préconisé le leader de l’opposition.

Il souhaite que des masques de la norme N95 soient disponibles non seulement à l’hôpital de Souillac mais également dans tous les établissements hospitaliers de l’île. Arvin Boolell a souligné avoir rencontré les patients qui ne présentent pas de symptômes. Il lance toutefois un appel au Passport and Immigration Office et au bureau du Premier ministre de ne pas renvoyer les personnes qui viennent de Chine, dont de Wuhan. «Je demande de les laisser à Maurice jusqu’à ce que la situation leur permette d’y retourner», a-t-il fait ressortir.