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Yatin Varma: «Ramgoolam ne peut pas enlever le travaillisme de mon sang»
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Yatin Varma: «Ramgoolam ne peut pas enlever le travaillisme de mon sang»
Yatin Varma n’est plus membre du Parti Travailliste. Comment vous sentez-vous ?
Yatin Varma est travailliste mais pas Ramgoolamiste. Je suis travailliste et je le resterai. Il faut faire la distinction.
Vous pouvez être travailliste dans vos convictions et engagements politiques, mais vous n’êtes plus membre du parti.
Je déplore la façon de faire. Ils ont agi d’une manière injuste et ils ont violé la constitution du parti. Après les élections générales j’ai écrit un article qui a été publié dans l’express, où j’ai exprimé mon point de vue sur le fonctionnement et le leadership du parti. Ce n’était pas la première fois que je le disais. Je l’ai dit dans les structures du parti. Je l’ai dit personnellement au leader. Et il y avait bien-sûr des analyses à faire après la défaite aux élections. Mais vous vous rendez compte que ce bureau politique qui m’a expulsé mercredi était le premier après les élections de 2019 !
Vous n’y étiez pas ?
Je n’ai pas été invité. Je suis membre du Bureau Politique, élu de l’exécutif. Mes autres camarades expulsés n’ont pas été invités non plus. Je déplore le fait qu’on nous reproche des choses sans qu’on nous donne l’occasion de nous expliquer. C’est une décision inacceptable parce qu’elle est unilatérale. Je vais vous citer la clause 14 de la constitution du PTr. Celle-ci stipule clairement qu’il faut mettre sur pied un comité disciplinaire qui passera en revue les infractions alléguées à la discipline du parti à tous les niveaux, du CLP jusqu’au Bureau Politique. Ce comité disciplinaire est censé être composé de 5 membres qui écoutent toutes les parties et recommandent des sanctions. Ce qui s’est passé mercredi viole la clause 14 de la constitution du Parti Travailliste.
Vous allez donc contester cette expulsion ?
Nous en discutons. Ça vient tout juste d’arriver. Toutes les options sont ouvertes.
Navin Ramgoolam explique qu’il a expulsé ceux qui ont travaillé contre le PTr. Vous avez fait campagne contre le PTr ?
C’est une allégation. Je défie Navin Ramgoolam. Je le défie ouvertement pour qu’il le prouve. Il ne peut pas faire un « sweeping statement » comme cela. Pour qui me prend-il ?
(Il tape du poing sur la table) Qu’il vienne avec des preuves. Puisque je lui avais dit qu’il ne devrait pas se présenter comme Premier ministre, il ne me donne pas d’investiture. J’ai accusé le coup. Je suis resté fidèle au PTr. J’ai travaillé pour le PTr aux dernières élections. J’étais directeur de campagne au numéro 7. Durant la campagne il y a eu un incident entre Satish Faugoo et moi. J’ai travaillé sur un calendrier et il s’est mis à changer ce calendrier sans m’en informer. Quand je lui en ai fait la remarque, c’est parti en vrille. Nous nous sommes disputés et j’ai démissionné comme directeur de campagne au numéro 7. Je suis resté chez moi.
Vous avez donc déserté !
J’ai quitté ces postes de responsabilité et j’ai informé Navin Ramgoolam et Sarat Lallah (ndlr le directeur de campagne au niveau national). J’ai passé le reste de la campagne à donner un coup de main à Quatre-Bornes. Je n’ai jamais travaillé contre le PTr.
Ce différend avec Satish Faugoo a donc joué contre vous ?
Sans doute. Satish Faugoo est très proche de Navin Ramgoolam. C’est prévisible qu’il tranche en faveur de Satish Faugoo.
Mais vous n’êtes pas le seul à dire que Navin Ramgoolam a fait son temps. Vous le dites un peu plus publiquement, mais l’existence du courant anti-Ramgoolam au PTr est connu. Pourquoi est-ce que ça vous tombe dessus ?
Regardez l’article que j’ai écrit pour l’express (il sort une copie du journal de son dossier sur la table). Regardez juste en dessous de cet article. L’express publie un autre article, signé Rama Valayden. Son titre à lui « Navin Ramgoolam must go ». Rama Valayden est aussi membre du PTr. Pourquoi ne l’a-t-on pas expulsé ?
C’est justement le sens de ma question.
Ramgoolam ne veut simplement pas se battre sur plusieurs fronts. Cela décrit bien l’homme qu’il est devenu. S’il n’est pas lâche, qu’il expulse aussi Rama Valayden. C’est un autre défi que je lui lance.
Navin Ramgoolam n’est pas le seul à prendre la décision de vous expulser. C’est le Bureau Politique qui l’a décidé.
Notre expulsion était-elle à l’agenda de ce BP ? Non selon Shakeel Mohamed qui s’est exprimé publiquement et qui, ce faisant, a infligé une belle claque à Navin Ramgoolam.
Vous ne répondez pas à la question. En annonçant cette décision, Navin Ramgoolam avait à sa gauche, Patrick Asirvaden. A sa droite, Arvin Boollel. Et derrière tout l’état major du parti.
Je ne dirai qu’une chose : ils n’ont pas de backbone. Parmi tous ceux que vous voyez autour de Navin Ramgoolam, la plupart sont des « yesman » et « yeswomen » de Navin Ramgoolam. Ils n’ont rien à faire de leur vie et cherchent simplement une investiture pour devenir ou redevenir député ou ministre. Ce n’est pas mon objectif. Je n’ai pas d’intérêts personnels qui motivent mes convictions politiques.
Navin Ramgoolam a oublié que lorsqu’il a été arrêté en février 2015, il n’y avait que 5 personnes avec lui aux Casernes Centrales. Ces 5 personnes ont passé la nuit avec lui au Casernes. Parmi elles il y avait Raj Pentiah. Je fais partie de ces 5 personnes.
A un moment vous étiez dans les bons papiers de Navin Ramgoolam n’est-ce pas ? Il vous avait nommé Attorney General…
Je ne le démentirai pas. Mais les relations ne restent pas toujours ce qu’elles étaient. Surtout parce que j’ai montré que je ne suis pas un yesman. Et j’ai écrit une lettre en 2019, bien avant les élections, à Navin Ramgoolam pour lui dire ceci : I am loyal to the party, but I’m not a bootlicker (je suis fidèle au parti mais je ne suis pas un lèche-bottes).
Il vous a répondu ?
Non.
Vous avez eu le courage de le lui dire en face ?
Oui. En avril 2019, je l’ai rencontré à la rue Desforges et je lui ai dit que je ne pensais pas qu’il devrait se présenter aux élections comme Premier ministre. Je lui ai dit qu’il pourrait rester comme leader, en mettant une autre personne à l’avant-plan.
Il vous a dit quoi ?
Il n’était pas d’accord.
Quels sont les mots qu’il a utilisés ?
(Il évade la question). C’est à partir de là qu’il m’évince du numéro 7 pour m’envoyer au numéro 13. La suite vous la connaissez, je n’ai pas eu d’investiture.
Quelle est l’ampleur du courant anti-Ramgoolam au PTr ?
95% des membres du BP sont de ce courant. Vous savez que je sais tout ce qui s’est passé lors de ce BP ? Je sais exactement qui a dit quoi. Vous savez combien d’appels de soutien j’ai reçus ? Mais tous ont peur de Ramgoolam. Moi je n’ai pas peur de lui. Je l’ai respecté comme leader. Mais je n’ai pas peur de lui. Je suis un travailliste et je ne vois pas pourquoi je devrais céder à sa terreur. Il peut m’expulser du parti. Mais peut-il enlever le travailliste de mon sang ? Dites-lui de le faire…
Qui sont les bootlickers ? Je veux des noms.
Je ne vous en donnerai pas. Mais ils se reconnaîtront. « If the cap fits them, they can wear it ».
Par respect à l’électeur qui a voté PTr aux dernières élections et qui croit que ce parti fonctionne démocratiquement, et que le PTr est une alternative crédible au gouvernement du jour vous devez donner des noms…
Non. Ce serait inélégant que deux jours après mon expulsion je déverse mon venin. Ce n’est pas cela mon combat. Mon combat c’est de redonner au PTr ses valeurs d’antan et de se positionner comme une alternative crédible. Pa vinn kuyonn dimunn. Pa vinn badiné.
Quel programme Navin Ramgoolam nous a-t-il présenté depuis 2014 ? Je lui ai dit de remettre sur pied le policy forum. Je lui ai proposé que ce comité se rencontre chaque semaine et propose des réformes d’un sujet à un autre. A part les déclarations en cour, vous avez vu Navin Ramgoolam faire ça vous ?
Comment pouvez-vous mener un tel combat en dehors du parti ? Vous songez donc à retourner de force au parti ?
Ce que je sais, c’est que je ne travaillerai pas avec Ramgoolam. Regardez-moi dans les yeux. Et comme le dit souvent Ramgoolam, read my lips. Je ne marcherai jamais aux côtés de Navin Ramgoolam.
Mais c’est après les élections que vous avez publiquement remis en question le leadership du parti. Est-ce que comme les 95% de membres du BP qui sont contre le leadership de Ramgoolam, vous n’avez pas manqué de courage ? Tout ça donne l’impression que Ramgoolam est plus grand que le PTr…
Ce n’est pas le cas. Sondez les gens. Discutez avec la base travailliste, les fidèles de générations en générations. Tous vous le diront : Ramgoolam doit partir. Il a fait son temps. Je lui suis reconnaissant. Il m’a donné une investiture. Il m’a nommé ministre Il a fait de bonnes choses pour le pays, c’est indéniable. Il en a aussi fait de moins bonnes et des mauvaises, comme tout être humain. Mais le leader d’un parti qui a perdu deux élections générales où lui-même personnellement ne se fait pas élire, doit se remettre en question. Personne n’est plus grand que le parti travailliste. Cela s’applique dans toutes les sphères. Sans vous, votre journal continuera à sortir. Sans moi comme avocat, les cours de justice vont toujours tenir des audiences. Personne n’est indispensable. Il faut savoir partir. En 1997, quand John Major perd les élections il dit ceci « when the curtain falls it’s time to leave the stage ». Le rideau est tombé en deux occasions.
Comment avez-vous appris votre expulsion ?
Par les journalistes.
Vous ne saviez pas qu’il y avait un BP ?
Je le savais de manière informelle par mes camarades. Mais je n’étais pas convoqué.
Quel est l’intérêt de ces Ramgoolamistes à croire et faire croire que la reconquête du pouvoir avec Ramgoolam, alors que selon vous c’est impossible.
Il est permis de rêver. C’est une activité gratuite et non taxable. En fait ces gens-là savent qu’ils n’auront plus la même importance au sein du parti si Ramgoolam n’est plus là. Ça s’est d’ailleurs produit quand Arvin Boollel était porte-parole du parti. Ils sont allés chercher Ramgoolam. Pas par conviction, mais dans leur propre intérêt. Leur proximité avec le leader leur garantit des investitures, des postes de députés et ministres. Mais je vous l’ai dit, ça n’arrivera pas. Navin Ramgoolam a perdu toute crédibilité. Tant qu’il sera là, le PTr va encore perdre des élections. Ils peuvent rêver.
En parlant de rêve, vous n’avez pas rêvé d’être un jour leader du PTr ?
Jamais ! Je suis avocat, puis politicien. Pas politicien, puis avocat. Ma carrière c’est au barreau. Je suis aussi un homme de famille. La politique vient après. Je n’ai pas ces ambitions que vous me prêtez. Tout ce que j’ai demandé au PTr, c’est le respect de la constitution du parti qui stipule que le BP doit se réunir toutes les deux semaines. J’ai demandé de la discipline, de la rigueur. J’ai demandé des CLP qui fonctionnent. C’est comme ça que le PTr est revenu en 2005 après sa défaite en 2000.
Qu’est-ce qui a changé chez Navin Ramgoolam depuis ?
J’avais noté un petit changement entre 2005 et 2010. Mais à partir de 2010, il est une catastrophe. Il n’y a pas eu de congrès annuel du parti pendant 5 à 6 ans, voire plus.
Pouvwar inn mont dan latet, vous diriez cela ?
Je pense qu’il y a eu un changement de trajectoire. Je ne le reconnais plus. Ce n’est pas le Ramgoolam que j’ai connu à mes débuts. Ce n’est pas le Ramgoolam qui fut, un temps, mon idole.
Que souhaitez-vous à Ramgoolam et le PTr ?
Ils me font pitié.
Le PTr ?
Ramgoolam et les Ramgoolamistes. Je souhaite que l’électorat PTr fasse la distinction entre travailliste et ramgoolamiste. Le Parti est plus grand que n’importe qui. Les leaders vont et viennent. Le parti lui, reste.
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