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Kris Kaunhye: «J’ai des informations encore plus graves que les ‘gates’ diffusés durant la campagne»
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Kris Kaunhye: «J’ai des informations encore plus graves que les ‘gates’ diffusés durant la campagne»
Il n’a aucune intention de ranger sa hache de guerre et de fumer le calumet de la paix avec Pravind Jugnauth. 100 jours après la victoire du MSM aux élections générales, nous invitons le directeur général de «Top Fm» et de «Top TV» à nous raconter son pire cauchemar: la réélection du gouvernement MSM au terme d’une campagne au cours de laquelle il a tout fait pour empêcher cela. Nous l’avons rencontré au lendemain de la journée mondiale de la radio alors que ce sont les deux licences radio délivrées en 2018 qui ont allumé le feu entre lui et le pouvoir.
Soyons insolents et provocants d’entrée. Vous avez digéré la défaite du PTr et donc votre défaite aux dernières élections ?
(Il a l’air étonné de la question avant de se reprendre en souriant). Ce n’est pas ma défaite. Pourquoi vous m’associez à la défaite d’un parti politique ? Je ne suis pas politicien. Je n’ai rien à voir, de près ou de loin, avec ça. Nous avons d’abord accompli notre mission d’informer. Mais un média doit aussi être concerné par les besoins d’un pays et d’une population. Nous ne faisons que montrer, éclairer, et le peuple décide. Tout comme nous l’avions fait en 2014.
Qu’avez-vous fait en 2014 ?
Je n’ai personnellement pas cru dans l’offre du duo Ramgoolam-Bérenger, la deuxième République etc. Il n’y avait même pas un brin de sincérité entre les deux leaders d’alors, qui devaient supposément remporter les élections 60-0 avec le fameux calcul 40 plus 40. J’étais contre l’établissement de deux centres de pouvoir.
Votre opinion contre l’alliance PTr-MMM s’est reflétée dans la ligne éditoriale et les émissions diffusées sur «Top FM» ?
Oui. Clairement. Ça s’entendait dans les questions qu’on posait. Les invités que nous recevions abondaient tous aussi dans le même sens. Nous avons agi de la même manière en 2019. À tort, les gens associent les révélations de Top TV à un jeu en faveur de Navin Ramgoolam. D’ailleurs Paul Bérenger, perspicace, a compris que c’était lui qui pouvait tirer le plus de profit de tout ça. Entre les gates révélés par Top TV et les casseroles de Ramgoolam, il se voyait en «King» avec les mains propres. Mais le pays étant ce qu’il est, on voyait tous une bataille entre Ramgoolam et Pravind Jugnauth. À tort, on a donc associé nos révélations au Parti travailliste. Nous n’avions strictement rien à gagner ou à perdre avec une victoire ou une défaite du PTr.
Vous avouez cependant que le même engagement dont vous avez fait preuve contre le duo Ramgoolam-Bérenger, en 2014, vous a animé en 2019 contre Pravind Jugnauth et sa méthode de gouverner ?
Je n’aurais pas agi de la sorte si je pensais que le pays était entre de bonnes mains. Les indicateurs étaient et sont graves. Il était de mon devoir en 2019 d’orienter les informations pour que la population arrive à choisir, non pas le meilleur, mais le moins dangereux. Nous sommes témoins de la situation sur la drogue. Le rapport Lam Shang Leen n’a pas été appliqué d’un iota. Pour des raisons économiques il y a une très forte volonté d’exode parmi la population. Les exportations de produits sont descendues à Rs 80 milliards. L’importation est passée à Rs 192 milliards. La dette publique n’en parlons pas ! Face à tous ces indicateurs catastrophiques, quel est mon devoir patriotique ? Nous avons fait ce que nous devions faire en montrant que le pays se trouvait entre de mauvaises mains.
Si vous étiez réellement engagé à montrer à la population la vérité sur notre classe politique pour l’aider à choisir son prochain gouvernement, comment vous justifiez votre impasse sur les casseroles de Ramgoolam ?
Tout le monde connaît les casseroles de Ramgoolam. Ce n’est pas du news. Dévoiler ce que le mauricien sait déjà équivaudrait à enfoncer une porte ouverte.
Anti-Ramgoolam en 2014, anti-Jugnauth en 2019, vous ne croyez donc pas dans l’indépendance du métier qui consiste à juste rapporter les faits ? Le journalisme engagé vous oblige à toujours choisir un camp et de pratiquer le «sided-journalism» ?
Ce n’est pas exactement du sided-journalism. Je pense que nous avons un rôle important dans le dessein de notre pays. L’engagement ne dure pas que le temps d’une campagne. Mon engagement personnel, par exemple, a permis la mesure pour que les logements sociaux passent de 31m2 à 50m2. C’était mon idée.
Ah bon ? Vous aviez soumis un mémoire budgétaire à Vishnu Lutchmeenaraidoo à l’époque ?
Il était assis là où vous êtes assis en ce moment. Avant une émission, je lui en ai parlé puisque c’était un des dossiers que l’on traitait sur Top FM à cette époque. Il y a beaucoup d’autres exemples comme ça. Il y a ensuite l’engagement des médias que je dirige. Vous savez sur combien de mesures Top FM a forcé la main au pouvoir ? Les enfants handicapés de moins de 15 ans ne touchaient pas de pension d’invalidité. Quand nous en avons fait notre cheval de bataille, le gouvernement a suivi. Je suis en train de vous prouver que je ne pratique pas de journalisme engagé juste le temps d’une campagne. Nous avons le devoir d’utiliser notre pouvoir d’influence pour dénoncer les injustices.
Il vous fallait donc dénoncer l’injustice nommée Pravind Jugnauth en pleine campagne en 2019 ?
Je crois qu’on fait face à un régime dangereux. Je l’ai moi-même vécu. Tout le monde sait aujourd’hui que Top FM que je dirige s’était opposée à la livraison d’autres licences de radios privées et quand…
(On l’interrompt) Excusez-moi, mais pourquoi ? Moins de concurrents, mieux on se porte, n’est-ce pas ?
Votre manière de le dire est trop simpliste. Avant de donner de nouvelles licences, il faut analyser l’espace commercial pour savoir si les radios existantes pourront tenir ou encore s’il y a suffisamment de ressources humaines pour répondre aux besoins du marché. Figurez-vous qu’un beau jour, je me suis retrouvé avec la démission de trois de mes cinq newscasters. Alors que je les avais formés, ils allaient rejoindre une des deux nouvelles radios.
Tant mieux pour eux non ?
L’offre salariale était meilleure, «met for gagn for»! Non, mais ces radios avaient des objectifs politiques et ne desservaient pas le besoin du peuple et des stakeholders.
Et alors ? Où est le problème ? Si «Top FM» s’opposait ouvertement à Pravind Jugnauth, celui-ci a bien le droit d’octroyer des licences à des pro-Jugnauth non ?
Vous plaisantez ! Alors, selon vous, chaque dirigeant politique qui arrivera au pouvoir va estimer qu’il lui faut une radio et il va octroyer des licences à ses amis ? La radio est une industrie. Il y a un bassin d’auditeurs et il y a un certain nombre de poissons dans ce bassin. Octroyer des licences ici et là causerait du tort au secteur. Nous assisterons à un nivellement par le bas.
Et nous sommes dans un pays de droit qui se décrit comme une démocratie et c’était mon droit d’aller contester une décision que j’estimais irrationnelle car elle était motivée par des ambitions personnelles et politiques. À peine un an plus tard, le temps m’a donné raison. J’avais argué qu’il était impossible pour ces radios de soutenir les prévisions financières avancées dans leurs soumissions à l’IBA. Aujourd’hui vous voyez la situation financière de Planet FM.
Figurez-vous que le lendemain de ma demande de Judicial Review en cour, avant midi, une banque gouvernementale annule son contrat publicitaire avec nous.
Dans les deux trois jours qui suivent, Mauritius Telecom annule deux contrats publicitaires. Elle en annulera un troisième qui date de 17 ans, soit depuis notre existence. Ma famille et moi commençons ensuite à recevoir des sollicitations de la MRA. Ensuite, la Beach Authority, qui était un des locataires de cet immeuble dans lequel nous sommes et qui appartient en partie à ma famille, décide du jour au lendemain de plier bagages alors qu’elle s’était installée ici après un tender en septembre 2014.
Dans l’entourage de Pravind Jugnauth on prétend le contraire. Vous avez souhaité augmenter le prix de location, et il a refusé. Voilà pourquoi vous êtes parti en guerre contre le MSM.
Absolument faux. Par contre, je suis très sensible à ce sujet. Car là, on ne s’attaquait plus à Top FM, l’entité qui a soumis la contestation judiciaire. On s’attaquait à ma famille et son patrimoine. Si on est capable d’utiliser le pouvoir pour faire tout ça en l’espace de quelques semaines, on a affaire avec des dictateurs. Si cela m’arrive à moi, d’autres personnes sous différents régimes ont certainement dû faire face à de telles situations.
Donc c’était cela votre contentieux à régler avec la famille Jugnauth ?
Avec ou sans ce harcèlement, nous avions toutes les preuves et toute la documentation que vous avez vues. Il n’y a absolument aucun lien entre tout cela et les gates, sauf un. Le harcèlement dont j’ai été victime et les gates démontrent les pratiques autoritaires et d’auto-enrichissement du clan Jugnauth. Le clan, pas la famille. S’il vit pour voir, Anerood Jugnauth va se mordre les doigts pour avoir fait de son fils le Premier ministre de ce pays. Il raconte souvent l’anecdote au sujet de sir Seewosagur Ramgoolam qui ne voulait pas que son fils fasse de la politique. Il dira la même chose au sujet de Pravind si les fraudes électorales s’avèrent. Nous avons vu SAJ perdre et gagner des élections, nous avons vu Ramgoolam père et fils perdre et gagner des élections, mais on ne les a jamais vus être accusés d’être intervenus dans le processus électoral. Ils ont pu être accusés d’avoir fann kas et acheté des votes. Mais là je vous parle du processus. Le coeur même de la démocratie.
Vous avez été critiqués sur le timing de ces révélations. En pleine campagne !
Écoutez, nous n’avions que le Serenitygate et le Narcogate. C’est après la diffusion du Serenitygate que d’autres informateurs sont venus nous voir avec d’autres évidences pour les autres enquêtes. Et même Serenitygate, nous l’avions reçu de nos sources peu avant la campagne. Le temps de monter le sujet, de contre-vérifier, nous étions en campagne. Et laissez- moi vous dire, qu’aujourd’hui j’ai pire que tout ce que vous avez pu voir. Je détiens des informations très graves. Nous sommes dans le processus de vérification. Mais nous n’hésiterons pas une seconde, car tout cela démontre une séquence. Paul Bérenger a dit à un moment que MedPoint est le scandale du siècle, mais Serenity était pire. Aujourd’hui, il y a pire que Serenity.
Vous avez vu et regardé la réponse de Pravind Jugnauth sur «Serenity» dans son interview à 48 heures des élections sur «RadioPlus» ?
Sa réponse ? Il n’en a pas donné. Je n’attends que ça. L’affaire est en cour. En nous poursuivant, il a commis une grave erreur car en cour il lui faudra donner des réponses à nos accusations.
Vous les avez vos Rs 500 millions pour le payer ?
(Il sourit sarcastiquement.) Rs 500 millions ? Je vais le poursuivre pour une roupie symbolique pour le mensonge qu’il a dit à mon sujet.
Lequel ?
Que je lui ai soi-disant réclamé une montagne.
Ce n’est pas vrai ?
Qu’il dise quand et où est-ce que je l’ai vu pour lui réclamer cette montagne.
Si tout était à refaire, vous le referiez ?
C’est-à-dire, la diffusion des gates durant la campagne quitte à ce que le mauricien lambda vous associe à Navin Ramgoolam ? J’ai déjà répondu à cette question. Maurice est un pays d’amalgame. On n’y peut rien. Donc, oui, je le referai. De toute manière nous le faisons tout le temps, pas juste le temps de la campagne.
Bon malgré tout ça, Pravind Jugnauth a gagné les élections et il est sereinement installé au poste de Premier ministre. Que lui souhaitez-vous ?
En tant qu’humain je ne méprise personne et je ne suis pas rancunier. Je lui souhaite de mettre l’intérêt du pays avant tout. Mais malheureusement je pense qu’il ne s’est pas suffisamment entouré des compétences nécessaires pour répondre aux défis du pays. Il doit changer son fusil d’épaule s’il ne veut pas rester dans l’histoire comme le Premier ministre le plus médiocre qu’on ait connu.
Pour terminer sur une note aussi insolente que celle du début. Qui est pire, Ramgoolam ou Jugnauth ?
Les visages de la classe politique actuelle sont les uns pires que les autres.
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