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Cyndie, 41 ans: «Mo konn lir aster…»
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Cyndie, 41 ans: «Mo konn lir aster…»
Elle est triste. Quand ses enfants étaient petits, elle n’a pu les aider à faire leurs devoirs. Elle est contente. Dans pas longtemps, elle pourra lire des histoires à son petit-enfant.
Son sourire est aussi brillant, «glas-glasé», que le précieux bout de papier plastifié qu’elle tient entre les mains. À 41 ans, Cyndie Edmond vient d’obtenir son attestation après avoir suivi un cours d’alphabétisation. Le mot fierté, elle ne sait pas encore l’épeler. Pas grave, elle le ressent.
Cyndie a «fail siziem». A toujours dit à sa maman qu’elle n’était pas douée pour les études. «Pa ti pé konpran mem ki Miss ti pé dir.» Elle s’est mariée jeune, très jeune, a eu deux enfants, qui ont aujourd’hui 23 et 24 ans. Elle a 32 ans lorsqu’elle se sépare de son mari. Sans CV, sans diplôme, elle arpente les rues de Baie-du-Tombeau, frappe aux portes des entreprises, cherchant «enn ti plas travay».
Elle roule sa bosse, mène sa barque, grandit ses petits. «Mé toulétan mo ti sagrin, mo pann rési fer zot lir.» Alors il y a quelques mois, elle décide de prendre ses désirs pour des réalités. À coups d’efforts, au sein de la Maison du Savoir, à Résidence La Cure, elle apprend à reconnaître les syllabes, à les assembler, à faire des mots dans sa tête, sur ses lèvres. «Mo konn lir bann mo sinp koumma ‘bonbon’, ‘café’, ‘riz’, ‘biscuits’, ‘farine’.» Elle est ravie, elle arrive à scanner les brochures publicitaires, «pou gété kot ena promosion». Elle a aussi appris à se servir d’une calculatrice.
Dans son regard, de la profondeur, la sagesse de ceux qui ont traversé des épreuves en tous genres. Dans son bleu de travail, la «Tite Madame Netwayé» respire également la joie de vivre, elle s’est battue contre un cancer, est en passe de gagner la guerre. Son vernis à ongles grenat s’est écaillé à force de récurer des meubles et des sols, sa motivation demeure, elle, intacte. Et Cyndie compte bien enfiler son tablier pour continuer les cours, passer le prochain cap. «Mo anvi konn lir la Bible, zournal. Mo anvi kan ena bann lékritir lor télévizion koné kisana pé kozé, kisana pe prézant émision tousala.»
Cyndie veut surtout pouvoir lire des contes à son petit-enfant, qui aura un an. «Mo sir mo pou koné.» Parfois, ajoute-t-elle, pour toucher le rêve du doigt, «il suffit d’ajouter A+B»… Est-ce cela, l’abécédaire du bonheur ?
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