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Bambous: Jean Daniel Orian, la sculpture a transformé sa vie

6 mars 2020, 21:15

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Bambous: Jean Daniel Orian, la sculpture a transformé sa vie

Jean Daniel Orian est devenu un sculpteur à succès. Pourtant, il n’oublie pas et répète à haute voix qu’il doit sa réussite à son enseignant Lewis Dick.

Et c’est vrai. Il y a 18 ans, Jean Daniel Orian est un enfant incontrôlable. Il est en permanence habité par une colère. Bien qu’il n’ait que 11 ans, il n’arrête pas de se battre contre d’autres enfants à l’école. Un jour, il frappe si fort une fillette que celle-ci s’évanouit et vu son historique de violence, il est renvoyé de l’école. Remontés contre lui, les habitants de Bambous le traînent au poste de police et portent plainte contre lui. Il est coffré et passe une nuit en cellule. Il essaie de trouver du travail mais aucun employeur ne veut recruter un jeune colérique et violent.

Alors que tout semble perdu pour lui, le sculpteur émérite Lewis Dick, qui gère l’école de sculpture de Bambous, décide de le prendre en main car cet enseignant de sculpture est persuadé que Jean Daniel Orian peut évacuer, voire canaliser sa colère et la transformer en quelque chose de positif.

C’est avec cette sculpture, «Le dodo en suisse» qu’il a été primé lors de La Suisse Expo 2019.

Lors de son premier jour à l’école de sculpture, Jean Daniel Orian refuse de s’asseoir avec les enfants de son âge. Il est plutôt solitaire et veut tout faire seul. D’ailleurs, il choisit un morceau de bois parmi les plus chers. Cela ne dérange pas Lewis Dick. Il laisse l’enfant donner libre cours à son sens artistique. Après une journée, Jean Daniel Orian lui montre son travail. L’enseignant est choqué car l’enfant a coupé le bois en mille morceaux.

Lewis Dick ne dit rien et lui donne une seconde chance. Tôt un matin, il le fait mander à l’école vers six heures du matin. L’enseignant lui propose à nouveau de sélectionner et de travailler un morceau de bois. L’enfant s’exécute dans un coin. Lorsqu’il lui montre son travail, Lewis Dick est sans voix. L’enfant, qui n’avait fait que taillader le bois n’importe comment la veille, a sculpté une maman portant son bé- bé sur son dos. Pour le tester, Lewis Dick lui demande ce que son travail représente au juste. «Gueté ou mem», réplique Jean Daniel Orian avec désinvolture.

Au fur et à mesure que l’adulte et l’enfant se côtoient, ce dernier finit par raconter son calvaire. Son père est un ivrogne invétéré, qui frappe sa mère et l’assomme aussi. Jean Daniel Orian grandit dans un monde violent et n’a que ce modèle sous les yeux. Lewis Dick réussit à apprivoiser l’enfant. Les années passent et Jean Daniel Orian décide de couper les ponts avec son père violent car il a réalisé qu’il ne veut pas lui ressembler. Il se jette à fond dans la sculpture. Au fil des ans, Jean Daniel Orian commence à se faire un nom dans la sculpture. Et puis un jour, il participe à un concours au Jardin de la Compagnie à Port-Louis. Événement retransmis à la télévision et répercuté dans les journaux.

Mais ce n’est pas la présence des médias qui l’affecte mais celle de son père, qui a décidé de venir voir ses œuvres. C’est à travers la télé que l’adulte a appris que les enfants de l’école de sculpture de Bambous seraient au Jardin de la Compagnie et participeraient à un concours. Il tient à venir se faire pardonner. Père et fils décident d’enterrer le passé. Une fois de plus, c’est la magie de la sculpture, qui a opéré.

«J’étais petit et presque tous les jours, je voyais mon père battre ma mère. Un jour, il l’a tellement battue qu’elle était comme paralysée. Il m’a aussi battu. Lorsqu’elle a pu reprendre ses esprits et retrouver un peu de force, elle m’a pris sur son dos et a parcouru huit kilomètres à pied pour chercher de l’aide. Ce jour-là m’a marqué. C’était un des jours les plus tristes de mon existence. C’est pour cette raison que la première sculpture que j’ai faite a été celle d’une maman portant son fils sur son dos. Cela nous représentait. La sculpture a transformé ma vie», confie le trentenaire.

Lewis Dick a si bien encadré Jean Daniel Orian que celui-ci est devenu un de ses plus brillants élèves. Ce jeune homme sculpte le bois avec une véritable passion. Aujourd’hui, son talent a dépassé les frontières de l’île. Il a réussi à oublier les fantômes de son passé et à fonder une famille. Il est d’ailleurs père d’un garçon.

Profession embaumeur

Jean Daniel Orian participe régulièrement à des compétitions internationales de sculpture à l’instar de la Suisse Expo, qui se tient tous les deux ans. Il a d’ailleurs été primé au cours de l’une d’elle. Outre le bois, Jean Daniel Orian sculpte les visages des morts. Il le fait sans grand mal car il a opté pour le métier d’embaumeur. Il maquille les morts avant leurs funérailles. Si autrefois, il travaillait pour une entreprise de pompes funèbres, il est désormais à son compte.