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Covid-19: un Premier ministre semi-transparent face à la crise

31 mars 2020, 19:52

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Covid-19: un Premier ministre semi-transparent face à la crise

Pravind Jugnauth a annoncé hier soir le prolongement du couvre-feu sanitaire jusqu’au 15 avril et réouverture des supermarchés, supérettes et boutiques sous des conditions strictes à partir du jeudi 2 avril. Au-delà des annonces, le Premier ministre (PM) devait surtout se réconcilier avec une population en colère après l’échec du online shopping suite au lockdown total sans préavis.

Paraître transparent – adjectif pouvant qualifier un individu qui adopte une pratique sociale guidée par la sincérité et une parfaite accessibilité de l’information – semblait hier être l’objectif de Pravind Jugnauth. Après une série de discours télévisés, dont celui de mardi dernier où il a fustigé «l’indiscipline» de la population qu’il a sanctionnée avec un lockdown total immédiat, le PM a paru moins tendu hier. Mais cela n’a pas rendu sa communication plus efficace ni transparente. En annonçant la réouverture des supermarchés, le PM n’a pas pipé un seul mot sur l’échec du service de distribution à domicile «savamment» organisé par son ministre du Commerce, qui d’ailleurs n’était pas présent à ce semblant de «conférence» de presse. Car c’était tout, sauf une «conférence» de presse. Soi-disant interdite d’accès pour des raisons sanitaires – on peut se demander s’il n’arrive pas à imposer un contrôle sanitaire strict dans son propre bureau comment le fera-t-il dans les supermarchés ce jeudi – chaque rédaction avait droit à trois questions.

Or, les questions ont été triées sur le volet et annoncées par Zouberr Joomaye. Ce dernier, au-delà d’être le porte-parole du gouvernement sur la question du Covid-19, est désormais le porte-parole autoproclamé des journalistes. Trompeur, il a tenté de faire croire que ces derniers posaient leurs questions en direct pendant la conférence de presse. Cependant, le deadline pour la soumission des questions était fixé à 15 minutes avant le début de l’exercice de com. Et il n’a pas expliqué comment et par qui les questions ont été triées.

Comment, face à une telle pratique, ne pas qualifier l’exercice d’hier de «factice» ? En révélant – à une des questions de l’express – qu’il a dû se soumettre à un dépistage du Covid-19, le PM n’a pas donné une image d’ensemble de la crise. Quand, par exemple, se retrouvera-t-on au pic de la contamination ? Alors que l’Italie le prévoit pour dans 7 à 10 jours, la communication des «chiffres qui ne veulent rien dire» se poursuit au bâtiment du Trésor. 128 cas, cela ne veut absolument rien dire sans qu’on ne sache le nombre de tests effectués. On ne connaît pas non plus le nombre – oubliez la localisation - de foyers locaux du virus.

Faute de ne vouloir que «paraître» transparent, Pravind Jugnauth risque de se retrouver «transparent» dans l’autre sens du terme : un individu dont la présence ne se fait même pas remarquer, soit par manque de charisme ou par manque d’autorité et de stratégies marquantes.

Les applaudissements de la honte

Les autorités ont beau évoqué la sécurité sanitaire pour ne pas convier les journalistes, il est clair que la salle n’était pas totalement vide en face de Pravind Jugnauth. À la fin de l’opération-com du PM, ceux dans la salle ont applaudi avant la fin de la retransmission en direct. En face de la caméra, Renganaden Padayachy a suivi le mouvement en applaudissant aussi et Zouberr Joomaye a lancé ceci au chef du gouvernement : «Ti bon». Et dire que Pravind Jugnauth venait d’insister pendant un quart d’heure sur la gravité sans précédent de cette crise sanitaire.