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«No logo» : 20 ans après, plus valable que jamais
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«No logo» : 20 ans après, plus valable que jamais
EN 1999, la sortie du livre «No Logo : la tyrannie des marques*» de la militante Naomi Klein a mobilisé les rebelles du capitalisme version sauvage. Le groupe maintenant culte Radiohead a capturé l’engouement pour diffuser son expérimentation mélancolique parmi de nombreux milléniaux, la génération actuelle de 25-39 ans. Comme prévu, le livre a attiré la colère des fondamentalistes du marché libre. Il est également devenu un des livres phares des alter-mondialistes.
En substance, «No Logo» nous met en garde contre la façon dont nous avons été subtilement transformés en «panneaux d’affichage ambulants» des marques de mode de vie. Tout en alimentant la surconsommation de produits et de services ostentatoires, ce phénomène a véhiculé, entre autres, une concentration spectaculaire des ri- chesses, une dégradation de l’environnement, des problèmes de santé et une crise existentielle. Le Covid-19 a entraîné une réévaluation du mode de vie que la plupart d’entre nous ont adopté sans aucune résistance dans pratiquement tous les milieux. «No Logo» devrait être relu ou découvert si vous l’avez raté.
Slowbalisation
La rivalité entre les partisans de la croissance et ceux de la décroissance est la conséquence naturelle dans un contexte où la mondialisation engendre dangereusement plus de perdants que de gagnants. Cependant, ce qui est en jeu, c’est la dépendance excessive des nations à l’égard des multinationales et des conglomérats (Big Business) qui, à travers un lobbying intense, dictent les conditions dans lesquelles les politiques locales et mondiales sont définies, tout en façonnant notre mode de vie. Il faut que l’économie de marché repose sur un leadership pro-marché, et non sur un suivisme pro-Big Business qui se nourrit de la corruption. La création d’un cycle vertueux dépend de comment les médias grand public veillent sur les agissements des gouvernements aussi bien que le Big Business ; comment le chien de garde de la concurrence minimise la formation des monopoles et des cartels, et comment la brigade anti-corruption optimise sa mission.
Le Covid-19 est un cours intensif sur notre degré interdépendance, non seulement émotionnellement, mais aussi pour maintenir nos moyens de subsistance. Ce n’est pas la mondialisation en soi qui perturbe notre bien-être, c’est plutôt l’insouciance des catalyseurs de son expansion aveugle et les valeurs négatives qu’elle véhicule. Les voitures flashy, les marques de restauration rapide, les produits de luxe, par exemple, sont sensés incarner notre ascension sociale. Afin d’amortir l’impact de cette dérive sur notre santé mentale, une industrie du mieux-être a vu le jour. Il est très peu probable que les sessions de «mindfulnesss» et de coaching puissent seuls soulager le stress et l’anxiété de manière soutenable. Seule une révision systémique peut aspirer à inverser le processus toxique.
Il est fantaisiste de s’attendre à une croissance du produit intérieur brut (PIB) qui repose sur un assaut permanent contre la roupie ; qui fait de la création d’emplois dans un paradis fiscal une preuve de «démocratisation économique» ; qui incite à l’investissement étranger direct par le biais du développement immobilier pour les étrangers (et décourage simultanément la souveraineté alimentaire et tue brutalement les projets de logement à mesure que les prix des terres explosent) ; qui attire les citoyens en détresse dans l’arène des paris ; qui fétichisent les diplômes validés par l’aptitude à l’apprentissage par cœur au lieu de privilégier les compétences motivées par des facultés cognitives aiguisées ; puisse invariablement motiver le capital humain face à une concurrence mondiale folle.
En tant que pays en mode «rattrapage» avec de surcroît un minuscule marché intérieur, qui doit se connecter au mouvement mondial pour rester à flot, nous ne pouvons pas nous permettre une décroissance du PIB. Ce qui est souhaité, c’est la décroissance des politiques qui stimulent le siphonage du PIB et les inégalités, et, en contrepartie, la croissance des politiques qui visent à intégrer tous les citoyens et à les récompenser équitablement. La valeur de la croissance est dans sa qualité, pas dans le nombre.
La réplique
Actuellement, quelques pays tels que l’Allemagne, l’Islande, la Corée du Sud et Singapour (GICS) sont loués non seulement pour la façon dont ils ont construit un écosystème qui font face si efficacement au Covid-19 et comment il va contribuer à rebondir si efficacement. Notre réalité est fondée sur un écosystème qui n’est même pas assez robuste pour s’adapter aux cyclones et aux sécheresses récurrentes. Prospérer sur d’autres chocs serait un fantasme. Nous ne sommes pas encore vraiment dysfonctionnels.
Nous parvenons toujours à nous en sortir d’une manière ou d’une autre, hélas de plus en plus marqués, car nous ne manifestons aucune envie d’apprendre et de nous améliorer. Voici quelques traits dominants des GICS : l’approche est ancrée dans le monde réel et est toujours systémique, les idéologies et les débats pédants ne sont pas les bienvenus ; seules les idées pertinentes au contexte sont validées ; la technocratie n’est pas une fin en soi; pas de Coronalibi ou son équivalent pour masquer l’incompétence.
Les GICS souscrivent à l’ordre libéral. En revanche, ce n’est pas selon la formule cogitée à la station de ski de Davos ou à l’hôtel de Bilderberg, si vous vous posez la question. Mais selon la sagesse d’Adam Smith exprimée dans «Théorie des sentiments moraux» et «La richesse des nations» (qui doivent être lus ensemble pour imprégner un message cohérent) : l’intérêt général découle de la quête de l’intérêt personnel, aussi longtemps que ce dernier soit éclairé (une nuance presque jamais mise en évidence).
Bien sûr, comme l’Allemagne et l’Islande d’une part, la Corée du Sud et Singapour, d’autre part, comme elles ne partagent pas le même contexte culturel, l’équilibre entre l’individu et la communauté (dans son ensemble) est recherché par deux voies distinctes. Néanmoins, ils choisissent tous de promouvoir un comportement de collaboration, mis à profit par une quête de réciprocité et de confiance dans les institutions. Attention, cela ne signifie pas pour autant que les GICS forment un modèle parfait.
Les milléniaux sont souvent injustement stigmatisés comme une génération de fainéants. Il leur faut beaucoup de force mentale pour res- ter optimiste dans un monde où se propage généralement des images interminables de l’effondrement de la cellule familiale, des guerres provoquées par la tromperie de masse et leur effet boomerang tout aussi sanglant, l’opulence vulgaire d’un côté et l’extrême pauvreté de l’autre, le déni de la catastrophe environnementale, donc de l’humanité, etc. La génération Z, associée à la génération des 8-25 ans, semble avoir moins subi de désillusions et semble plus encline à participer à la création d’un monde moins décadent.
Avec le Covid-19, deux autres cours intensifs nous ont été imposés: la défidélisation de marques et la frugalité. Les générations plus âgées ont rejoint à la fois la génération Z et la génération Y, parmi lesquelles la frugalité est devenue un mode de vie, même si la proportion dépend du niveau d’avancement économique et social des nations, mais cette frugalité survivra-t-elle ? Très probablement dans les nations plus avancées économiquement et socialement. Certains historiens affirment que ces dernières ont atteint le Peak Travel.
Maintenant, l’investissement dans une rési- dence secondaire ne leur semble pas judicieux. Les jeunes générations contribuent à faire d’Uniqlo, le détaillant japonais de vêtements à valeur ajoutée sans logo, le leader mondial. Les magasins de vêtements réutilisés et recyclés y fleurissent. C’est sans aucun doute le début d’une ère plus éthique dans ces nations plus avancées. Si leurs récentes réactions sont une indication, nos capitaines politiques et des affaires ne semblent pas l’avoir remarqué. Plus important encore, ils semblent être restés à l’abri du cours intensif d’humilité.
Si Singapour est devenue une référence mondiale, c’est notamment parce que le leadership de Lee Kuan Yew a appris à ses héritiers à «mettre en œuvre correctement les politiques, sans chercher à être politiquement correct». Maurice attend désespérément ce leadership qui puisse inverser l’équilibre tordu toujours en vigueur entre le localisme et le mondialisme qui a coupé nos ailes ?
* https://www.youtube.com/ watch?v=6ZpnZ6s6NWM
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