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Nathalie Ramen: «Repenser nos modes de vie, l’essence même de ce que nous sommes et nos actes»
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Nathalie Ramen: «Repenser nos modes de vie, l’essence même de ce que nous sommes et nos actes»

C’est un regard empreint de sincérité et d’une grande sensibilité que porte Nathalie Ramen, ancienne volleyeuse de la sélection nationale, sur la tragédie du Covid-19 qui bouleverse l’humanité entière. Un retour à l’essentiel qui ressemble à une gifle et qui s’accompagne d’une kyrielle de questions et de remises en cause. Son souhait est que les bonnes résolutions prises en ces temps exceptionnels perdurent afin que le monde ne revive jamais plus ce qu’il a vécu en ce début d’année 2020.
Comment vivez-vous ce confinement imposé par la pandémie de Covid-19 ?
Étant une personne très solaire, je m’efforce de le traverser de manière «ayurvédique», c’est-à-dire, en ravivant l’énergie positive qui est en nous et autour de nous. Je ris et je m’amuse beaucoup en regardant des petites vidéos ou des blagues envoyées par les amis et je peux vous dire que ça fait un bien fou, ce second degré, par rapport au confinement et au virus.
Étant artiste dans l’âme, je peins et je crée divers objets art-déco. Je range, je lave, j’essuie, je mets de l’ordre, je nettoie, je fais de la place, j’enlève le moche, le surplus, je fais du vide en prenant de bonnes résolutions orientées vers la «sobriété heureuse». Mon fils Jonathan et sa copine Christelle ont même créé un petit potager. En tout cas, ce confinement nous fait le plus grand bien.
Est-ce facile de se retrouver enfermée dans l’espace de sa maison et de ne pouvoir regarder le monde qu’à travers sa fenêtre ?
Cette expérience du confinement, recommandée, puis imposée, due à cette épidémie qui touche quasiment le monde entier, sans que nul pays n’en soit épargné, n’est, certes, pas plaisant. La transmission invisible de ce virus ultra-contagieux qui se propage nous oblige tous à rester cloîtrés chez soi, à ne plus se toucher, à ne plus s’étreindre, à ne plus s’embrasser, à respecter une «distance de sécurité», ce qui nous a obligés, en quelque sorte, à arrêter tout ce à quoi nous étions occupés jusque-là.
Bref, nous nous sommes endormis dans un monde et nous nous réveillons brutalement dans un autre temps, un autre rythme, une autre dimension. Étrangement, je pense que cet épisode particulièrement inhabituel, que nul n’était préparé à vivre, nous a fait redécouvrir plein de choses auxquelles nous ne faisions plus attention.
«Quand l’Homme aura abattu le dernier arbre, contaminé le dernier ruisseau, ce n’est qu’à ce moment qu’il s’apercevra que l’argent n’est point comestible.»
Les réseaux sociaux, le téléphone vous ont-ils permis d’entretenir les liens familiaux et sociaux et d’apporter un peu de chaleur dans cette grisaille ?
Dans le monde entier, les personnes confinées se tournent vers les réseaux sociaux pour s’informer et se divertir. Elles y retrouvent un lien avec leur entourage, une fenêtre sur le monde, et des occupations pour meubler des journées parfois trop longues. Pour toutes les générations confondues dans ce quotidien, bouleversées par ce temps assombri, par cette pandémie, les réseaux sociaux sont des outils indispensables et incontournables pour garder le lien avec ses amis, pour retrouver d’anciens collègues ou amis du collège, pour prendre des nouvelles de ses proches ou encore pour se distraire.
Mais dans ce contexte de crise sanitaire et de confinement inédit, tous les repères ont changé. Les réseaux sociaux sont devenus l’épicentre des solidarités qui se propagent. L’entraide, la compréhension et la bienveillance dominent les échanges. Et c’est avec beaucoup de bonheur que je constate que l’humain est au cœur des préoccupations. C’est à croire que le monde retourne à ses valeurs fondamentales. Espérons que cela dure.

entourée du tableau et de la tortue qu’elle a réalisés ainsi que de la pendule
conçue par son fils aîné Jonathan et sa copine Christelle.
Faites-vous du télétravail ? Est-ce que vous avez dû vous rendre à votre bureau ?
Personnellement, je ne fais pas de télétravail. Néanmoins, mes collègues et moi restons en contact via un groupe WhatsApp, par vidéoconférence, si le besoin se fait sentir, et par mail. Avec le développement important des technologies, je suis convaincue qu’à la suite de cette expérience inédite, le coronavirus imposera un assouplissement et une flexibilité dans la politique du télétravail. Cela ne pourra que nous être bénéfique et diminuera du coup le flux de voitures sur nos routes. Cette politique pourrait, à mon humble avis, évoluer rapidement et changer à jamais la donne.
Comment vous y êtes-vous prise pour vous maintenir en forme physiquement et moralement ?
Pendant ce confinement, physiquement, j’ai essayé de faire un peu d’exercices à mon rythme. Moralement, le plus important est de n’entrevoir que le positif dans ce confinement. Si dans une journée, il nous arrivait neuf choses positives et une négative, il est fort probable que nous ne pensions qu’à ce qui nous est arrivé de négatif. Avec la situation liée au coronavirus, nul doute que nous n’aurons pas de mal à ne pas nous focaliser que sur tous les impacts négatifs. Mais en prenant du recul, nous réaliserons que ce phénomène, dans la même foulée, a impacté positivement plusieurs sphères de notre vie.
Notamment, pour tous ceux qui sont sensibles à l’écologie et qui prônent la décroissance, les émissions de CO2 sont en nette diminution depuis l’arrivée du virus, permettant ainsi à notre planète de respirer sans s’époumoner. Nous avons aussi appris à retourner à l’essentiel : lire, se reposer, jardiner, peindre, passer beaucoup plus de temps avec nos enfants, les couples se redécouvrent, les parents redécouvrent leurs enfants.
Nous avons surtout appris à profiter de cette période pour prendre de la hauteur dans nos activités, chose que nous n’avons jamais le temps de faire en temps normal car nous avons toujours «la tête dans le guidon». C’est le moment ou jamais d’en profiter et d’apporter du changement conséquent dans notre vie.
«De toute façon, tout combat qui touche l’humanité commence par soi.»
Sur Facebook, vos amis ont pu voir ou revoir votre talent de peintre. L’art vous permet d’évacuer le stress ? De positiver ?
Ayant du temps à revendre, quoi de plus naturel que de se remettre à la peinture, ma passion artistique depuis toujours. Être devant mon canevas, posé sur le chevalet, est une distraction. Elle me permet de me détourner des pensées parasites et négatives. Elle me permet aussi de me concentrer et de voir les choses avec une nouvelle perspective.
Nul besoin d’être une artiste chevronnée pour se sentir bien et profiter de ses bienfaits. Les détails que vous reproduisez sur un tableau vous obligeront à porter un regard différent, plus insistant sur le monde qui nous entoure et à en découvrir les merveilles. Car la peinture possède un immense pouvoir d’évasion. La création artistique, tout le monde peut s’y mettre et cela réduit significativement les hormones liées au stress, entraînant un état psychique plus détendu.
Essayez et vous verrez ! Vous risquez d’être surpris par vos talents cachés. Après tout, l’art est un monde parallèle qui nous a été donné pour ne pas nous ennuyer et mourir à petit feu de la réalité.
La situation semble ne pas devoir s’aggraver à Maurice. Pendant plusieurs jours, aucun nouveau cas n’a été enregistré. Puis la progression a repris mais très lentement avant de revenir à zéro nouveau cas. Etes-vous rassurée ?
Rassurée ? Oui, mais une chose est sûre : la peur, en revanche, est bel et bien entrée dans nos vies. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous vivons une pandémie en temps réel. Calquées un peu sur les pays qui en ont été victimes avant nous, les importantes mesures de contrôle et d’isolement imposées par le gouvernement ont porté leurs fruits : le nombre de cas diagnostiqués quotidiennement diminue depuis plusieurs jours. Et grâce à cette abondance d’informations, que ce soit localement ou internationalement, relayées par les médias, nous sommes informés en temps réel de l’évolution de la pandémie, plusieurs fois par jour, sept jours sur sept, nous tenant ainsi au courant en direct de la progression du virus.
Certes, cela me rassure, mais j’ai toujours certaines réserves.
Vous sentez-vous prête à reprendre votre vie professionnelle quand débutera le déconfinement ?
Oui. A tâtons et à petits pas. Plus ou moins prête mais avec beaucoup d’appréhensions, moyennant les accords sur le respect des mesures de distanciation sociale et le port du masque, si ces mesures ne peuvent être respectées. C’est à nous maintenant, en tant que patriotes, responsables de sa personne et d’autrui, de continuer le respect des consignes et directives avec beaucoup de fermeté et de vigilance.
Cependant, je me pose aussi cette question fondamentale. Beaucoup ont intégré cette date de déconfinement comme une sorte de conclusion de cet épisode, peut-être même, de retour à la vie normale. Alors qu’en réalité, ne risquons-nous pas, avec cette forme d’inconscience collective, de nous retrouver comme dans l’œil d’un cyclone ? Et qu’une deuxième vague arrive et touche alors plus profondément notre vulnérabilité, notre condition humaine, et nous mène au-devant d’une catastrophe sanitaire beaucoup plus conséquente ?
Il faudrait bien insister, en faisant passer le message, que ce déconfinement ne veut pas dire que le virus ne représente plus aucun danger mais surtout bien comprendre qu’il a été maîtrisé. Bien faire comprendre que cette bataille que nous menons est extrêmement complexe et qu’elle est bien loin d’être achevée. Ça, il faudra bien l’avoir en tête.
Est-ce que ce cauchemar que nous vivons encore a transformé votre regard sur la vie, sur vous-même, sur les autres, sur votre pays, sur le monde dans lequel vous vivez ?
Le plus important, c’est d’avoir compris que cette planète ne nous appartient pas. D’accepter l’insignifiance de notre passage ici-bas, que nous n’en sommes que locataires. Maintenant, je pense que nous sommes conscients de devoir contrôler nos achats frénétiques et superficiels et que nous devrions revenir à l’essentiel. Je pense aussi que nous avons appris à faire meilleur usage de notre temps et à profiter des joies simples de la vie, contempler le beau et le merveilleux autour de nous.
Malgré cette crise tragique à laquelle est confrontée l’humanité actuellement, nous constatons que les pays s’entraident au niveau de la santé, de l’hospitalité et de l’alimentation. Cela rassure aussi de constater que, hormis notre gouvernement, nos entreprises privées, des ONG et des particuliers s’unissent et s’organisent, d’une manière ou d’une autre, pour venir en aide aux plus vulnérables, touchés par cette crise sans précédent.
Et j’avoue, je suis de nature optimiste, notre gouvernement est composé d’hommes et femmes de bonne volonté qui, en concertation avec l’opposition, plusieurs parties prenantes et autres protagonistes de la société civile, parviendront, à l’unisson, à remettre progressivement le pays debout, tout en sachant que nous passerons forcément par des moments difficiles.
Quels enseignements avez-vous tirés de cette tragédie qui secoue encore la planète ?
Nous avions eu énormément de signes qui montraient que la Terre souffrait ; et maintenant, il faut que l’on se dise : «Non, tout n’ira pas bien, si on continue comme on le fait.» Il faudrait vraiment que nous nous saisissions de ce phénomène qui nous frappe pour passer à un autre régime, celui de l’humilité. Etre plus mesuré, plus sensé et être dans le discernement du bien et du mal. Repenser nos modes de vie, l’essence même de ce que nous sommes et nos actes.
Le monde entier est en récession. L’économie est à genoux. Est-ce, selon vous, une sorte de retour forcé à l’essentiel si souvent sacrifié sur l’autel des excès par une société de la consommation à outrance et du gaspillage ?
Le monde est en veilleuse, tout se redessine. Les conséquences pourraient bien être dévastatrices. Nous sommes dans une phase d’incertitude majeure dont nous ne sommes, pour le moment, pas capables d’estimer, avec certitude, les conséquences à court terme ou même à moyen terme.
Point besoin d’économie de guerre pour cela, nous avons juste besoin de prendre enfin les mesures cohérentes, fondées principalement sur ce principe de solidarité, qui permettront que chaque population du monde entier, riche ou pauvre, blanche ou noire, puisse faire face à cette pandémie. La participation consciente et volontaire de l’ensemble de la population aux mesures de confinement facilitera ce combat ; et la dynamique de cette pandémie sera plus facilement anéantie.
Cette pandémie ne distingue pas les frontières, les différences sociales et ethniques. Nous sommes tous concernés. La survie de la planète se joue dans ces mesures d’exception et sans précédent que nous adoptons aujourd’hui.
En même temps, ces semaines d’inactivité ont permis à la planète de retrouver son souffle. Les pollutions marines, atmosphériques et terrestres ont diminué. L’homme tousse, la planète respire…
Actuellement, la planète a un peu de répit et se régénère. La nature revendique ses droits légitimes à l’Homme. Beaucoup de torts ont été faits à l’environnement terrestre, à l’atmosphère, à la flore et à la faune et tout ça au nom du développement, de la consommation à outrance. En ce moment, un peu partout dans le monde, le ciel s’est paré de sa plus belle robe bleue, trop longtemps ternie par le CO2. La mer et les fleuves sont moins pollués, les poissons sont à nouveau heureux. C’est tellement agréable et réconfortant de voir la planète se désintoxiquer à vue d’œil.
Espérons que ces constats, qui risquent de fleurir encore durant les semaines à venir, feront réfléchir les populations du monde entier sur le rôle de l’Homme sur la planète et qu’il prenne enfin conscience que ces changements ne seront que bénéfiques pour la survie de notre espèce.
Quand l’Homme aura abattu le dernier arbre, contaminé le dernier ruisseau, ce n’est qu’à ce moment qu’il s’apercevra que l’argent n’est point comestible.
Le monde retient-il la leçon ou est-il dans les starting-blocks pour battre de nouveaux records d’extravagances ?
Demain, quand nous serons déconfinés, j’ai l’intime conviction que, si nous ne rectifions pas nos bêtises et nos excès, nous sommes bons pour le confinement à perpétuité. Nous devrions tous prendre conscience qu’il faudra bien se comporter envers notre planète.
Devant cette tragédie en cours, si nous ne prenons pas des actions drastiques, les plus coupables d’entre nous auront-ils encore le courage de regarder leurs petits-enfants dans le blanc des yeux ? Sachant que nous leur laisserons un héritage, ravagé par la démesure et le je-m’en-foutisme humains ?
Je souhaite que tous les humains de cette Terre, en hommage à nos disparus, se disent que toute cette souffrance que nous avons vécue n’est pas vaine ; qu’on se dise que ce virus est venu mettre à l’arrêt la machine dont personne ne voulait trouver la force et la volonté d’appliquer le frein d’urgence. Car il était temps que cette machine infernale s’arrête. Les pédales sont maintenant sous nos pieds : c’est soit l’accélérateur ou le frein. A nous de faire notre choix.
L’espoir réside en la conception d’un vaccin. C’est une course contre la montre lancée dans les pays avancés qui se consacrent à la recherche. Pour vous y aura-t-il un avant et un après Covid-19 ?
Bien évidemment, après le Covid-19, la vie reprendra lentement mais sûrement son cours. Mais le monde ne sera définitivement plus jamais le même. Nombre d’entre nous conserveront ces nouvelles habitudes prises pendant ces quelques jours où notre vie a été mise entre parenthèses. Certains adopteront définitivement, au moins partiellement ou à l’essai, le télétravail ; d’autres ne retourneront plus dans un supermarché après avoir découvert les circuits de vente en ligne ; ou encore relativiseront l’urgence permanente de certaines de nos activités inutiles.
Plus généralement, espérons que cette crise nous obligera à nous poser des questions sur notre manière de vivre et de consommer. Personne n’est aujourd’hui capable de savoir ce qu’il en ressortira, mais il semble certain que dans l’après Covid-19, notre regard sur le monde sera plus spirituel. Du moins, je l’espère.
Vivrez-vous différemment quand la vie aura repris son cours normal dans quelques mois ?
En premier lieu, je ressentirai de la gratitude et remercierai Dieu d’avoir épargné mes proches, ma famille, mes enfants et moi-même de ce fléau. En ce qui me concerne, je n’ai aucunement la prétention de croire que je changerai mes comportements, du jour au lendemain. C’est un combat personnel de tous les jours, mais j’ai l’intime conviction et la volonté de reconsidérer profondément toutes les pensées qui traverseront mon esprit, mes actes, même les plus banals, mes jugements et tout ce que je croyais être un acquis. De toute façon, tout combat qui touche l’humanité commence par soi.
Pour conclure cette interview, je voudrais faire ressortir qu’il n’existe aucune formule, aucune doctrine, aucun document qui nous enseignent comment affronter cette épreuve tragique. Tous les gouvernements de ce monde, tant bien que mal, essaient de minimiser les conséquences de ce virus. Je tiens à saluer toutes les initiatives délicates entreprises par le gouvernement mauricien pour garder notre pays à flot. Restons solidaires et patriotes dans cette épreuve commune qui touche chaque âme de notre pays.
Portrait
<p><strong>De volleyeuse à coordinatrice événementiel</strong></p>
<p>Nathalie Ramen est une ancienne volleyeuse appartenant à la génération des années 80. Ses coéquipières et elle ont mené l’équipe nationale de Maurice, celle des JAIMIES, plusieurs fois championne de Maurice, et celle de l’Union de Curepipe, championne de Maurice et vainqueure des Coupes des clubs champions de l’océan Indien, vers de multiples conquêtes nationales et internationales.</p>
<p>Aujourd’hui âgée de 53 ans, Nathalie Ramen est coordinatrice événementiel au Mauritius Sports Council. Elle est mère de deux enfants : Jonathan, 30 ans, et Nicolas 25 ans.</p>
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