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Air Mauritius: les conditions de la «démission» de Mike Seetaramadoo intriguent

4 juin 2020, 16:15

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Air Mauritius: les conditions de la «démission» de Mike Seetaramadoo intriguent

Des 135 premiers départs d’une Air Mauritius (MK) sous administration, il y a bien un qui est loin de passer comme une lettre à la poste. Celui de Mike Seetaramadoo, dont le dernier poste occupé est celui de directeur général de MK en Chine…

Un départ qui survient en même temps que la préretraite des Executive Vice Presidents (EVP) Raja Buton, Donald Payen, entre autres, sur la base d’au moins 400 mois de service complétés à MK.

Parmi les questions qui fusent au sujet de Mike Seetaramadoo au Paille-en-Queue Court : part-il avec une pension complète même s’il a démissionné?

À bien écouter l’administrateur Sattar Hajee Abdoula, lors d’une conférence de presse sur la situation à MK, lundi, Mike Seetaramadoo quitte la compagnie aérienne «sur la même base que tous ceux qui ont complété 33 et un tiers d’années de service. Point à la ligne». C’est à dire qu’ils auront droit à leur salaire jusqu’au 31 juillet. L’administrateur répondait à une question d’un journaliste sur les conditions de départ du principal concerné.

Toutefois, à une autre question du même journaliste qui voulait savoir si le temps de service de Mike Seetaramadoo a été antidaté, c’est un Sattar Hajee Abdoula cherchant ses mots qui a finalement livré ceci : «Mo pa kapav reponn ou sa. Ena enn fon de pension ase bien géré profesionelman. Letan zot pe ale pe pay zot ziska 31 juillet. Rien de plus, rien de moins».

Du côté de ce qui reste de la direction de MK, l’on affirme que Mike Seetaramadoo a démissionné et ne part pas avec les mêmes conditions que ceux ayant complété 33 et un tiers d’années de service. Une version contradictoire au propos  de Sattar Hajee Abdoula lors de la conférence de presse.

En attendant que ce dernier, que nous avons sollicité, apporte des éclaircissements, il est bon de faire ressortir de prime abord que Mike Seetaramadoo ne se qualifie pas pour être parmi les employés ayant complété 33 et un tiers années de service. Simplement parce qu’il est en poste chez MK depuis janvier 2016 seulement, soit un peu plus d’une année après le retour des Jugnauth au pouvoir.

23 ans à MK

 Même si comme l’indique un ancien membre du conseil d’administration, ce proche du pouvoir à l’origine de l’éjection de Megh Pillay de MK, le 28 octobre 2016, à quelques minutes seulement de la tenue d’un comité disciplinaire qui devait écouter ses explications, qui est passé de contractuel à permanent et qui a pu faire approuver dans ses conditions de service, voire une pension calquée sur toutes ses années de service, là encore le compte n’y est toujours pas.

Pourquoi ? Parce qu’au total, Mike Seetaramadoo a passé 23 ans à MK. Il y a débarqué pour la première fois le 9 novembre 1984. Le 8 mars 2002, alors qu’il occupe le poste de HR Manager, il quitte la société sur fond de 23 irrégularités de son département, dont certains recrutements, relevées suivant un audit interne. Avant qu’une décision ne soit prise à son sujet à la suite de ses explications, Mike Seetaramadoo remet sa lettre de démission dans laquelle il accuse la direction de constructive dismissal. Après avoir perdu deux procès en justice contre MK pour licenciement abusif, dont un en cour industrielle devant l’ex-juge Abdul Razack Hajee Abdoula et ensuite en appel en Cour suprême, Mike Seetaramadoo revient au Paille-en-Queue Court comme consultant sous contrat aux côtés de Manoj Ujoodha en 2009, pour moins d’une année.

Et, son dernier comeback remonte à janvier 2016. À la suite d’un appel à candidatures, il est, sur les 24 candidats éligibles (mais lui avec une expérience exigée discutable à en croire les lettres de dénonciations qui ont atterri à la commission anticorruption), le seul sélectionné par le Staff Committee alors sous le contrôle de Prakash Maunthrooa et d’Arjoon Suddhoo, le 18 janvier 2016. Il est recruté sous  contrat d'une durée de trois ans renouvelable et sujet à confirmation après une période d’essai de six mois mais qui peut être ramené à trois mois.

Voilà comment, le 28 avril 2016, dans une correspondance de MK adressée à Mike Seetaramadoo, on peut lire que l’EVP HR est confirmé à son poste « on a permanent basis as from 26 April 2016». Parmi ses nouvelles conditions, un salaire de base mensuel à six chiffres ajustable selon les responsabilités additionnelles qu’il sera amené à prendre. On peut surtout lire ceci : «Since you have been covered by the Air Mauritius Limited Pension Scheme (AMLPS) during your past employment with Air Mauritius and you are currently a deferred pensioner of the AMLPS, you will be considered as an active member of the AMLPS and will be paid all retirement benefits as per the rules and regulations of the AMLPS at the time of retirement. However, with respect to the period for which you have not been in employment with the Company, you will have the option to pay the contributions that the Company should have paid to the AMLPS and this period will be reckoned as pensionable service. For pension purposes, therefore your date of entry will be deemed to be 9th November 1984».

Refus de Megh Pillay

Il nous revient que le conseil juridique, sollicité à ce moment-là sur ce cas, ainsi que le gestionnaire des fonds de pension, n'a pourtant pas  approuvé cette demande, soutenant que le plan était clos depuis 2002 lorsque Mike Seetaramadoo avait démissionné pour la première fois. Ce qui explique notamment pourquoi Megh Pillay, alors en poste comme CEO de MK depuis un peu plus d’un mois alors, soit depuis le 15 mars 2016, a refusé de signer cette correspondance. Au contraire d’Arjoon Suddhoo, alors président du conseil d’administration, qui lui, y a apposé sa signature le 22 juin 2016.

Cela, même si ce dernier a maintenu, après le limogeage de Megh Pillay, le 28 octobre 2018, que Mike Seetaramadoo demeurait sous contrat et que la lettre avait été retirée.

Candidats non éligibles

 Ce qu’il a omis de dire, c’est que le 29 juin 2016, il a référé le cas Seetaramadoo au Staff Committee qu’il contrôle avec Prakash Maunthrooa. Ce même comité se substituant au conseil d’administration, qui deux jours plus tôt, tout en le maintenant à son poste d’EVP HR, avait aussi nommé Mike Seetaramadoo comme EVP Commercial et Cargo, effectif à partir du 1er juillet 2016. Cela, malgré que ce dernier figurait parmi les candidats non éligibles faute d’expérience au niveau de senior management dans le domaine commercial comme requis dans l’appel à candidatures public.

Pour quelqu’un qui a été à la tête d’un département, épine dorsale d’une ligne commerciale, où des décisions comme le lancement des lignes non rentables ayant contribué à entraîner la société à la faillite ont été prises, qui a connu suspension pour insubordination envers son supérieur d’alors et comités disciplinaires (même si le dernier en date l’a blanchi après qu’André Robert, Senior Attorney, président initial du comité disciplinaire et Désiré Basset, Senior Counsel, se soient retirés en apprenant la nomination des avocats Sanjiv Ghurburrun et Irshad Laulloo et de l’avouée Sharmila Sonah-Ori), beaucoup appellent à la transparence sur les conditions de la démission de Mike Seetaramadoo.

L’apothéose, dit-on, serait qu’il s’en est effectivement sorti avec une retraite dorée tandis que la majorité des employés qui ont façonné le transporteur national et qui ont toujours des enfants à l’école ou à l’université, se retrouvent aujourd’hui à payer les pots cassés…